En Algérie, Saida Neghza déclare la guerre à APS

La présidente de la CGEA a vertement riposté aux attaques de l’agence de presse officielle après sa lettre ouverte au président Tebboune. Mais El Mouradia lui préfère maintenant un autre interlocuteur au sein du patronat.

Saida Neghza, présidente de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA). © DR

Publié le 18 septembre 2023 Lecture : 4 minutes.

Pierre d’achoppement entre le patronat et l’exécutif, le comité ministériel de redressement fiscal vient d’être gelé par le chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune. « Le temps de revoir sa méthode de travail », l’instance interrompt ses travaux et les patrons déjà pénalisés auront l’opportunité d’introduire des recours et, en cas de fraude avérée, de bénéficier d’un échéancier.

La présidence a laissé à Kamel Moula, président du Conseil de renouveau économique algérien (CREA), le privilège d’annoncer, dimanche, la levée de cette contrainte, 48 heures après l’audience accordée à El Mouradia à la délégation du CREA en présence du Premier ministre et de plusieurs membres du gouvernement.

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Signe d’une volonté de donner un grand retentissement à l’événement, des photos de la rencontre ont été immédiatement publiées sur le site de la présidence. Selon le communiqué rendu public simultanément sur la page Facebook de l’organisation patronale, les délégués du CREA se sont plaints, durant la rencontre, de blocages administratifs qui freinent l’activité des entreprises et compliquent leur accès aux approvisionnements, notamment aux intrants. Un discours nuancé par un soutien indéfectible au chef de l’État et à sa lutte contre la corruption, et par une promesse de contribuer à « conserver une image positive du pays », y compris sur le plan international .

Ce ton pour le moins mesuré tranche avec celui de la lettre ouverte adressée le 7 septembre à la présidence par la cheffe d’une autre organisation patronale, la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), qui pointait un « marasme généralisé » et « des persécutions et des pressions diverses des différents représentants de l’État ».

Dans ce courrier, Saida Neghza réclamait aussi la création d’une commission chargée de mener des investigations sur « la délivrance des licences d’importation et les quotas dont bénéficient certains et pas d’autres », problème qui a entraîné, selon elle, la hausse des prix. La patronne de la CGEA revendiquait enfin le droit des hommes d’affaires d’acquérir de biens immobiliers à l’étranger. Un sujet qui a valu de lourdes peine de prison à d’anciens hommes d’affaires et hauts responsables du régime de Bouteflika et sur lequel Abdelmadjid Tebboune s’est montré, jusque-là, intransigeant.

« Prédateurs » et « chantage sur l’État »

Ressentie comme une attaque frontale et une mise en cause du mode de gouvernance de Tebboune, l’initiative de Saida Neghza s’est vite retournée contre elle. Preuve en est l’article, publié trois jours plus tard par l’agence officielle Algérie Presse Service, lui reprochant de diffuser massivement sa correspondance sur les réseaux sociaux, bafouant ainsi « les usages d’une lettre adressée à la présidence de la République ».

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APS a en outre accusé la patronne de la CGEA d’être « la porte-voix d’intérêts, qu’elle est prétendument censée combattre, de l’ordre ancien, ceux d’une issaba dont le sport favori n’était pas la pratique du golf mais détourner l’argent du peuple », évoquant des « prédateurs » qui « exerçaient leur chantage sur l’État ».

À la suite de la publication de l’article, Saida Neghza a laissé au patron de l’agence officielle APS un message audio qui a rapidement été diffusé sur les réseaux sociaux. La dirigeante de l’organisation patronale y menace le directeur général d’APS de le « détruire s’il ne retire pas l’article dans les 24 heures ». […] Je vais t’écraser comme j’en ai écrasé d’autres, poursuit-elle. Je vais te pourrir la vie comme j’ai pourri la vie de Haddad [ex-homme d’affaires et ex-président du Forum des chefs d’entreprise]. Tu auras droit à un pire sort que celui que j’ai réservé à Ouyahia et Sellal [deux anciens Premiers ministres emprisonnés].Tant qu’il y aura des hommes en casquette [référence à l’armée, ndlr] dans ce pays, je n’aurai peur de personne », conclut-elle.

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Dans sa contre-attaque, Saida Neghza s’en est aussi prise au directeur de la communication de la présidence, Kamel Sidi Saïd, qu’elle soupçonne d’être derrière l’offensive d’APS contre elle, ainsi qu’au Conseil du renouveau économique algérien (CREA), organisation patronale concurrente, qualifiée de « réincarnation du FCE » de l’époque Ali Haddad. Pour appuyer ses dires, la patronne de la CGEA a publié sur Facebook d’anciennes photos du président du FCE, Kamel Moula, souriant aux côtés de Ali Haddad et de deux autres anciens responsables de l’ère Bouteflika, tous incarcérés pour corruption depuis.

Saida Neghza rappelle aussi qu’il y a quatre ans, elle avait refusé d’appuyer la cabale orchestrée par Ali Haddad contre Tebboune, et qui avait fini par lui coûter son poste de Premier ministre trois mois après sa nomination. Mais cette proximité ne semble aujourd’hui plus de mise, et c’est bien le CREA que le président a choisi pour annoncer ses dernières décisions concernant les revendications du patronat algérien.

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