Maroc : coup de froid entre Paris et Rabat après des accusations de torture

Descente de police chez l’ambassadeur marocain à Paris, convocation de son homologue français à Rabat… Les relations franco-marocaines, d’ordinaire bien cadrées, ont subi cette semaine un sérieux coup de froid.

Une femme brandit le drapeau marocain, à Marrakech le 7 mai 2011. © AFP

Une femme brandit le drapeau marocain, à Marrakech le 7 mai 2011. © AFP

Publié le 23 février 2014 Lecture : 3 minutes.

C’est la démarche d’une ONG française qui est venue gripper l’entente bilatérale. L’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat) a saisi jeudi l’opportunité de la présence en France du patron du contre-espionnage marocain pour demander aux autorités d’entendre ce responsable qu’elle accuse de "complicité de torture".

Acat a demandé à la justice française d’auditionner Abdellatif Hammouchi dans le cadre de plaintes déposées à Paris relatives à des faits présumés de torture au sein du centre de détention marocain de Temara, qui dépendrait de la Direction générale marocaine de la surveillance du territoire (DGST). M. Hammouchi accompagnait jeudi le ministre marocain de l’Intérieur Mohamed Hassad pour une rencontre avec ses homologues français, espagnol et portugais.

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"Incident rare et inédit"

Dans la foulée de cette demande, et sans passer par les canaux diplomatiques, sept policiers se sont rendus à Neuilly-sur-Seine, dans la banlieue parisienne, à la résidence de l’ambassadeur du Maroc à Paris, pour notifier à M. Hammouchi une convocation émanant d’un juge d’instruction.

Qualifiant l’affaire d’"incident rare et inédit" dans les relations avec la France, premier partenaire économique du Maroc, Rabat a convoqué vendredi soir l’ambassadeur de France, Charles Fries, "pour lui signifier la protestation vigoureuse du royaume". Rabat rejette "catégoriquement" les accusations portées contre le directeur général de la DGST, estimant qu’elles sont "sans fondement". Cet incident, a en outre mis en garde le ministère marocain des Affaires étrangères, est "de nature à porter atteinte au climat de confiance et de respect mutuel qui a toujours existé".

Le Maroc a par ailleurs ajouté samedi exiger "avec insistance que des explications urgentes et précises soient données à cette démarche inadmissible et que les responsabilités soient identifiées". Un communiqué de l’ambassade du Maroc en France avait dans un premier temps exprimé "son étonnement face à l’absurdité de cette affaire, aussi bien au niveau de la procédure adoptée qu’au niveau des cas judiciaires évoqués". Elle avait en outre estimé que "la violation des règles et usages diplomatiques universels et le non-respect des conventions entre les deux pays suscitent de nombreuses interrogations sur les motivations réelles de cette affaire et ses véritables commanditaires". Elle a ainsi souligné que "la forte présence policière est intervenue curieusement à un moment où le ministre de l’Intérieur du Maroc était en réunion à la résidence avec plusieurs journalistes".

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"Cette démarche est pour le moins inédite eu égard aux procédures de coopération judiciaire en vigueur entre le Maroc et la France, et couramment appliquées", a-t-elle dénoncé.

‘Incident regrettable’, admet Paris

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Le ministère français des Affaires étrangères a réagi samedi soir en évoquant un "incident regrettable". "En réponse à la demande des autorités marocaines, nous avons immédiatement demandé que toute la lumière soit faite, le plus rapidement possible, sur cet incident regrettable, dans l’esprit de l’amitié confiante qui lie la France et le Maroc", a indiqué dans un communiqué le porte-parole du ministère, Romain Nadal.

L’une des plaintes auxquelles s’est associée Acat, déposée avec constitution de partie civile par Adil Lamtalsi, un Franco-Marocain de 33 ans, a donné lieu à l’ouverture fin 2013 d’une information judiciaire à Paris, selon une source proche du dossier. M. Lamtalsi affirme avoir été arrêté en octobre 2008 près de Tanger, puis torturé pendant trois jours à Temara avant qu’on ne l’oblige selon lui à signer des aveux. Il a nié devant le tribunal marocain les faits qui lui étaient reprochés mais a été condamné selon l’Acat en novembre 2008 à 10 ans de prison pour détention et trafic de cannabis. Il a par la suite été transféré en France pour y purger sa peine.

M. Hammouchi est visé dans cette plainte pour complicité de torture. C’est également le cas dans une autre plainte déposée jeudi au parquet par un Marocain de 44 ans, Ennaâma Asfari. L’avocat des plaignants, Me Joseph Breham, indiquait jeudi à l’AFP : "Nous espérons que le parquet ne sacrifiera pas la nécessité de lutter contre la torture sur l’autel des bonnes relations avec le Maroc".

(AFP)

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