Une journaliste française remise en liberté après sa garde à vue

Les articles sur l’Égypte d’Ariane Lavrilleux publiés par le journal d’investigation en ligne Disclose avaient provoqué un dépôt de plainte du ministère français des Armées pour « violation du secret de la Défense nationale ».

Des manifestants devant l’hôtel de police de Marseille, en soutien à la journaliste Ariane Lavrilleux placée en garde à vue dans le cadre d’une enquête sur la compromission de secrets de la défense nationale, le 20 septembre 2023. © Isabelle WESSELINGH / AFP

Publié le 21 septembre 2023 Lecture : 2 minutes.

La journaliste Ariane Lavrilleux – qui a couvert l’actualité égyptienne pour Jeune Afrique durant plusieurs années – a été remise en liberté le 20 septembre après quarante-huit heures de garde à vue dans une enquête sur ses articles sur un possible détournement par l’Égypte d’une opération de renseignement française, une mesure coercitive rarissime qui a indigné la profession. « Je suis libre, merci beaucoup pour votre soutien » a écrit sur X (anciennement Twitter) et en trois langues la journaliste, un message accompagné d’une photo le poing levé devant un drapeau égyptien.

Son avocate Me Virginie Marquet a confirmé sa libération vers 21 heures tandis qu’une source proche de l’enquête a indiqué que sa garde à vue était « levée » tandis qu’un ancien militaire, également retenu depuis le 19 septembre, va être présenté à un magistrat en vue de possibles poursuites.

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Mission détournée

« Ça va, elle est très combative », s’est félicitée Magali Serre, présidente de Disclose, média qui avait publié son article à la fin de l’année 2021. Disclose avait affirmé dans un article publié en novembre 2021 que la mission de renseignement française « Sirli », entamée en février 2016 au profit de l’Égypte au nom de la lutte antiterroriste, avait été détournée par l’État égyptien qui se servait des informations collectées pour effectuer des frappes aériennes sur des véhicules de contrebandiers présumés, à la frontière égypto-libyenne.

À la suite de cette publication, le ministère français des Armées avait porté plainte pour « violation du secret de la Défense nationale ». Une enquête préliminaire avait été ouverte en novembre 2021 avant qu’une juge d’instruction ne soit désignée à l’été 2022, d’après Disclose. Aucune source judiciaire n’a pu confirmer ces éléments.

Disclose a précisé, sur X, que selon ses informations, « les enquêteurs de la DGSI reprochent à [la] journaliste d’avoir signé cinq articles sur les ventes d’armes françaises à l’étranger, publiés dans le média depuis 2019 ». Outre celui portant sur l’opération « Sirli », Disclose cite des articles portant sur « la vente de 30 avions Rafale à l’Égypte », « les armes livrées à la Russie jusqu’en 2020 », « la vente de 150 000 obus à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis [EAU] » et « le transfert d’armes illicite des EAU vers la Libye ».

Escalade

L’annonce de la garde à vue a suscité un flux croissant de soutien envers la journaliste, comme celui d’Amnesty International, qui a déploré « une attaque contre les journalistes […] qui tentent d’exposer les actions opaques des services de renseignement français ». « Il y a une forme d’escalade dans les moyens mis en œuvre [pour obtenir des informations sur les sources des journalistes], qui elle-même est inquiétante », a aussi estimé Paul Coppin, de Reporters sans frontières.

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Lors d’un rassemblement convoqué en fin d’après-midi place de la République à Paris, la présidente de Disclose avait estimé que l’État avertissait par cette mesure les journalistes : « Si vous enquêtez sur des secrets d’État, vous risquez de terminer comme Ariane Lavrilleux, en garde à vue. » « Nous sommes face à une intimidation comme on n’en a jamais vue ces dernières années », avait aussi dénoncé Emmanuel Poupard, au nom de l’intersyndicale journalistes.

Le 20 septembre, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a refusé de répondre à une question sur cette affaire, lors du compte-rendu du Conseil des ministres. Contacté, le ministère de la Culture n’a pas donné suite.

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(Avec AFP)

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