Au Maroc, Jean-Luc Mélenchon clarifie sa position sur le Sahara

Moins d’un mois après le séisme meurtrier d’Al Haouz, le leader de LFI se rend dans plusieurs villes du royaume. L’occasion d’exprimer son attachement au pays qui l’a vu naître, mais aussi d’égratigner au passage la France pour sa gestion de la crise diplomatique.

Jean-Luc Mélenchon à Amizmiz, dans le Haut Atlas, le 4 octobre 2023. © FADEL SENNA/AFP

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Publié le 5 octobre 2023 Lecture : 4 minutes.

« Comme je suis surpris ! » Interrogé par un journaliste concernant la position de Paris sur la question du Sahara occidental, le chef de file de La France Insoumise (LFI) ironise. Présent au Maroc depuis le 4 octobre et pour plusieurs jours, avec la volonté d’aller à la rencontre des populations et des forces politiques marocaines, il était évidemment attendu sur ce dossier.

Depuis la commune d’Amizmiz, dans le Haut Atlas, où il s’est rendu pour sa première journée, Jean-Luc Mélenchon se veut donc limpide : « J’ai lu des sottises sur mes positions et sur celles des Insoumis. Il n’existe aucune relation du mouvement Insoumis institutionnel avec qui que ce soit d’autre que les partis de la démocratie marocaine. »

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Une formule allusive mais dont la signification précise est claire pour qui suit de près la situation : le parti de gauche radicale, que l’ancien ministre et sénateur socialiste a fondé en 2016, ne veut pas s’associer au mouvement indépendantiste sahraoui du Front Polisario. Sans toutefois nier l’existence d’« opinions différentes » au sein de LFI, dont Jean-Luc Mélenchon dit devoir « tenir compte », il précise : « Je n’aime pas qu’on m’attribue des positions qui ne sont pas les miennes ou qui ne sont pas celles de mon mouvement. »

« Opinions différentes » au sein de LFI

Opinions différentes ? On songe en particulier à celles exprimées par Mathilde Panot, aujourd’hui députée et cheffe du groupe Insoumis à l’Assemblée nationale. En octobre 2019, en marge d’une manifestation du Polisario, à Paris, à laquelle elle participait, l’élue tweetait : « Soutien au peuple sahraoui qui lutte pour son autodétermination et la libération des détenu.e.s. » Ou encore, près de trois ans et demi plus tard, en avril dernier, à celles du député Arnaud le Gall, spécialiste des relations internationales à LFI, qui préférait temporiser : « Je n’ai pas de position abrupte et complètement tranchée sur la question du Sahara. » Il ne faudrait pas « se mettre à dos le Maroc ou l’Algérie ».

À titre personnel, Jean-Luc Mélenchon lui-même estime ne pas pouvoir « faire autrement que de constater la ferveur marocaine et de [s’y] sentir attaché », évoquant l’importance de la Marche verte dans l’esprit des Marocains. D’autant que, selon lui, « le Maroc n’a jamais manqué à sa parole » vis-à-vis des résolutions onusiennes. Autre donnée importante, et qui d’après son analyse devrait interroger en France : « La prise de position des États-Unis d’Amérique, d’Israël et de l’Espagne. » Les trois pays ont en effet reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.

Au cours de sa prise de parole face à la presse, qui a duré près de vingt minutes, le leader Insoumis n’a par ailleurs pas manqué d’encenser la diplomatie marocaine « très efficace », qui a mis sur la table des propositions « intéressantes », lesquelles « doivent être considérées ». Il n’a pas été aussi élogieux à propos de la politique étrangère de son pays, qui « n’a pas toujours brillé par son sens de l’à propos », en écho, entre autres, à la crise des visas de 2021.

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Ni même au sujet d’une « certaine presse française », dont il trouve l’attitude « totalement irrespectueuse, totalement excessive », à l’égard du royaume. Une référence évidente aux nombreuses unes jugées condescendantes et à certaines émissions critiquant la non sollicitation par Rabat de l’aide française, suite au séisme d’Al Haouz le 8 septembre dernier.

« Tourner la page de l’arrogance »

Le sujet de l’aide mobilisée suite au séisme a été au coeur des échanges du leader Insoumis avec les habitants et le président de la commune d’Amizmiz, Bacha Allal, qui lui ont détaillé la façon dont un réseau d’entraide locale s’est mis en place. Le sujet semble inspirer l’ancien (triple) candidat à l’élection présidentielle française qui considère que, comme en 2020, lors de la pandémie de Covid-19, « les Français, on devrait apprendre un peu » des Marocains. Ce qui l’amène à souligner – et dans son esprit le constat est valable pour la France mais aussi pour les autres « pays européens qui se vivent comme des forteresses » – qu’« il faut tourner la page de l’arrogance ».

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Autant de prises de position du leader de gauche qui, si elles ne constituent pas ces engagements « sans équivoque » que Rabat réclame à Paris, devraient être appréciées des Marocains. Jean-Luc Mélenchon part d’ailleurs avec un capital de sympathie certain, puisque lors de la dernière élection présidentielle, en 2022, il était arrivé en tête des suffrages chez les Français du Maroc. Ses déclarations viennent aussi contrebalancer celles de figures de la droite française – comme le président LR, Éric Ciotti, ou l’ancienne Garde des Sceaux, d’origine marocaine, Rachida Dati – qui se sont récemment prononcées en faveur de la souveraineté marocaine au Sahara.

Quant à savoir « quels ennuis » ses propos pourraient lui valoir au sein de son parti ou vis-à-vis de l’opinion publique française, le vétéran de la politique française, natif de Tanger, semble s’en amuser, se contentant de répondre : « Eh bien nous verrons bien. »

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