M23, FARDC, milices… Regain de tensions autour de Goma

Des affrontements entre groupes armés ont repris autour de la capitale du Nord-Kivu depuis le 1er octobre. Le mouvement rebelle accuse l’armée congolaise d’être passée à l’offensive, ce que les autorités démentent.

Un membre des FARDC, près de Goma, le 18 septembre 2023. © ALEXIS HUGUET / AFP

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Publié le 6 octobre 2023 Lecture : 4 minutes.

Le cessez-le-feu entre le M23 et l’armée congolaise tient toujours, mais seulement à un fil. Depuis le dimanche 1er octobre, des combats ont été signalés dans plusieurs localités autour de Goma, comme dans la matinée de ce vendredi 6 octobre. Des vidéos d’hommes en armes pullulent sur les réseaux sociaux sans que l’on sache toujours très bien qui affronte qui.

Le mouvement rebelle, soutenu selon les Nations unies et le gouvernement congolais par le Rwanda, a été le premier à faire état de ces affrontements, accusant « les forces du gouvernement de Kinshasa » d’avoir attaqué les premières « les villages de Bumba, Kirumbu, Kibarizo et Kilorirwe », dans le territoire du Masisi. Le M23 a signalé de nouvelles offensives de « la coalition du gouvernement de Kinshasa », les 4 et 5 octobre.

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Qui a lancé les hostilités ?

Dans un nouveau communiqué publié le 5 octobre, le M23 a même accusé le contingent burundais de la force régionale de l’EAC de prendre part à ces combats. Des accusations qui ont été à chaque fois démenties par les autorités congolaises, par la voix du porte-parole du nouveau gouverneur du Nord-Kivu, Peter Cirimwami Nkuba. Les FARDC ont elles-mêmes accusé les rebelles d’avoir visé aux mortiers leurs positions à Kibumba. Selon nos informations, un poste avancé de l’armée situé sur la RN2 à une trentaine de kilomètres au nord de Goma a bien été la cible de tirs de mortiers, ce vendredi. Des instructeurs roumains, membres d’une société de sécurité privée dirigée par l’ancien légionnaire Horațiu Potra, se trouvaient alors sur place.

Alors qui affronte vraiment le M23 et qui a lancé les hostilités ? Selon diverses sources sécuritaires, les combats ont débuté dans une zone où est active l’Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain (APCLS). Créée en 2010 à partir d’une des trois ailes des Patriotes résistants congolais (Pareco), l’APCLS s’est imposée comme l’un des principaux groupes Maï-Maï de l’est de la RDC, sous le commandement du général autoproclamé Janvier Karairi.

« L’APCLS affronte le M23 avec le soutien de groupes d’auto-défense, comme la coalition Abazungu et la faction Nduma défense du Congo-Rénové (NDC-R) de Guidon Shimiray Mwissa », explique une source diplomatique en poste à Goma. Guidon Shimiray apparaît même dans une vidéo diffusée le 5 octobre sur les réseaux sociaux, mais que nous ne sommes pas en mesure de dater. On le voit s’extraire d’un véhicule de l’armée en tenue militaire, une écharpe aux couleurs de la RDC lui ceignant le torse.

Guerre par procuration ?

À l’heure actuelle, il n’y a néanmoins aucune preuve de l’implication des FARDC dans ces combats. Mais le rôle de l’armée congolaise pose question. L’action de l’APCLS ne lui permet-elle pas de mener une guerre par procuration contre le M23 ?

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Car la milice, qui recrute au sein de la communauté hundé et a entretenu des relations cordiales avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) pendant de nombreuses années, a rejoint la nébuleuse des groupes dits patriotes, qui se battent contre le M23. Une coalition qui comprend également les Nyatura Abazungu de l’Alliance des nationalistes congolais pour la défense des droits humains (ANCDH/AFDP) de Jean-Marie Bonane ou encore le NDC-R de Guidon Shimiray Mwissa.

Les 8 et 9 mai 2022, des représentants de ces groupes ont ainsi scellé un pacte de non-agression lors d’une rencontre organisée à Pinga, localité du Nord-Kivu située entre les territoires de Walikale et de Masisi. Une réunion à laquelle a participé Salomon Tokolonga, un colonel de l’armée congolaise, alors chargé des opérations et du renseignement militaire du 3411e régiment. Selon Human Rights Watch (HWR), deux commandants supérieurs des FDLR auraient également été présents.

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Ultimatum des FARDC

Un homme est soupçonné d’être l’organisateur de ce que l’on appelle le « Pacte de Pinga » : Peter Cirimwami Nkuba, le nouveau gouverneur du Nord-Kivu. Depuis sa prise de fonction, le 29 septembre, le général-major se montre très vindicatif à l’encontre du M23. Le 23 septembre, il a reçu la coalition des groupes armés à Mubambiro, officiellement pour les sensibiliser au Programme de désarmement, démobilisation, réinsertion communautaire et stabilisation (P-DDRCS).

« Nous sommes prêts à déposer les armes sur ordre du chef de l’État. Il est temps de chercher la paix ici chez nous. Si les M23 sont réellement des Congolais, qu’ils déposent les armes et qu’ils entrent dans le processus », a notamment déclaré Guidon Shimiray Mwissa. Une semaine plus tard, les combats reprenaient.

Dans leur dernier rapport paru en juin, le groupe d’experts des Nations unies sur la RDC écrivait que « la participation des groupes armés avait été organisée, coordonnée et soutenue par des officiers supérieurs des FARDC ».

Ce regain de tension intervient alors qu’a pris fin, le 24 septembre, un ultimatum lancé par les FARDC intimant le groupe rebelle de libérer les zones occupées. Quelques jours plus tard, le porte-parole du gouverneur du Nord-Kivu avait accusé le M23 d’avoir pris le contrôle de plusieurs localités.

« Le M23 a réoccupé certaines positions en réponse à la pression des milices d’auto-défense Wazalendo et de celles de l’APCLS dans le Masisi. Une négociation a permis de leur faire quitter leurs positions de Kibumba », nous avait alors déclaré une source militaire congolaise. Kibumba est souvent considéré comme l’un des derniers verrous avant Goma.

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