Migrations clandestines vers l’Europe : quel rôle et quelle mission pour l’Union africaine ?

Lors des crises migratoires sur le Vieux Continent, le silence des dirigeants africains est souvent dénoncé. Pourtant, l’UA dispose d’outils et de programmes, méconnus, pour endiguer le flux sans cesse croissant des départs de migrants.

Des migrants attendent sur l’île italienne de Lampedusa d’être transférés sur le continent, en septembre 2023. © VALERIA FERRARO/ANADOLU AGENCY via AFP

Des migrants attendent sur l’île italienne de Lampedusa d’être transférés sur le continent, en septembre 2023. © VALERIA FERRARO/ANADOLU AGENCY via AFP

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Publié le 16 novembre 2023 Lecture : 4 minutes.

Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, plus de 100 000 Africains ont traversé la Méditerranée en 2021 en direction de l’Europe. Bien que ce nombre soit inférieur aux dizaines de millions de migrants à l’intérieur de l’Afrique, l’immigration irrégulière des Africains vers l’Europe est un phénomène croissant.

Les agissements des groupes et des personnes contrôlant les filières d’immigration clandestine allant à l’encontre des principes fondamentaux des droits humains, l’Union africaine (UA) a établi en 2013, dans son Agenda 2063, plusieurs objectifs et domaines prioritaires, dont celui des « pratiques démocratiques » et du respect des « principes universels des droits de l’homme ».

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Mais la mise en œuvre effective de ces principes reste rarement mentionnée dans l’actualité médiatique ou institutionnelle.

Position ferme et assumée

L’UA étant tenue de respecter ses principes fondateurs, elle s’oppose fermement aux discours et pratiques oppressants et discriminants qui peuvent être portés à l’encontre des migrants irréguliers, les privant de leurs droits humains sur le sol africain et même en dehors du continent. Pour l’illustrer, le 24 juin 2022, environ 1 500 à 2 000 migrants irréguliers ont tenté de franchir la frontière militarisée séparant le Maroc de l’enclave espagnole de Melilla. Ils y ont subi la réaction violente des forces armées marocaines et espagnoles, et le bilan de ce drame s’est élevé à quelque 37 morts, selon l’ONG espagnole Caminando Fronteras. À la suite de la condamnation du président de la Commission de l’UA, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a exprimé sa « consternation » face à ces événements, et a rappelé aux pays membres « l’importance de respecter les principes fondamentaux du droit international des droits de l’homme ».

L’UA a donc une position ferme et assumée, qui l’engage à la non-tolérance des violences à l’encontre des migrants clandestins. Pour remédier aux mauvaises conditions auxquelles sont soumis ces migrants qui quittent le continent vers l’Europe, l’UA a donc mis en place le Cadre de politiques migratoires pour l’Afrique (MPFA, pour Migration Policy Framework for Africa), ainsi que son Plan d’action. Le dispositif couvre les différents défis du processus migratoire, allant des causes originelles à ses interactions avec le développement. Il fournit un cadre juridique non contraignant, appelant les États membres à lier leurs politiques migratoires à la protection des droits des migrants. Au niveau national, cela passe par la mise en œuvre de politiques migratoires appropriées, un meilleur contrôle aux frontières, ainsi que par d’autres mesures plus inclusives, notamment en matière d’emploi des jeunes, d’éducation et de qualité des services publics.

Dans le souci de résoudre le problème de la migration clandestine vers l’Europe, le Conseil de sécurité de l’UA a reconnu, en 2016, un lien entre la migration clandestine et le crime organisé transnational. Dans cette perspective, le Conseil a souligné la nécessité de mettre en place des mécanismes efficaces de lutte contre la corruption et la criminalité organisée, y compris la traite et le trafic d’êtres humains. Ainsi donc, l’UA a mis en place le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs, lequel permet aux pays membres de rester fidèles aux principes et objectifs de l’UA. Cette dernière, également consciente du manque de connaissances sur les migrations clandestines vers l’Europe, s’est engagée à renforcer la sensibilisation des différents segments de l’opinion sur le sujet. Par ailleurs, elle a inauguré, en 2021, son Centre africain d’études et de recherche sur la migrations, dont l’objectif principal est de faire progresser la base de connaissances du continent africain sur les questions de migration et de mobilité.

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Absence de ressources

Alors que l’organisation se concentre sur les solutions à long terme, l’Union européenne (UE) s’intéresse, elle, aux réponses à court terme, qui trouvent leur expression la plus manifeste dans l’augmentation des patrouilles aux frontières des pays qui la composent. La grande majorité des fonds requis pour la mise en œuvre des stratégies est fournie par la Commission européenne, ce qui lui confère un pouvoir considérable dans les décisions concernant les migrations irrégulières.

L’UA ne dispose ni de moyens financiers ni de ressources humaines suffisants pour trouver des solutions à court terme à la migration clandestine vers l’Europe. Il devient, par conséquent, plus accommodant pour l’UE de transposer ses objectifs migratoires, davantage centrés sur le non-accueil des migrants, aux antipodes de la vision et des actions de l’UA. Au titre des quelques suggestions qui pourraient aider l’UA à affirmer efficacement ses valeurs relatives à la question migratoire vers l’Europe, nous pensons à la création d’un fonds spécial auquel les États africains contribueraient annuellement, à proportion de leur importance démographique et de leur puissance économique. Il faudrait réfléchir, en outre, sur les mécanismes de fonctionnement de la Commission de l’UA en matière de prise de décision, et aux capacités de l’institution à en assurer la mise en œuvre effective.

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