Qui sont les avocats algériens qui documentent la plainte contre Israël à la CPI ?

Si plusieurs procédures sont en cours devant la Cour pénale internationale, l’Algérie est l’un des premiers pays à avoir annoncé son intention de porter plainte contre Israël, sans essayer de s’inscrire dans une démarche collective. Portraits des avocats de renom qui portent cette action.

Manifestation en soutien à la Palestine, à Alger, le 19 octobre 2023. © AFP

Manifestation en soutien à la Palestine, à Alger, le 19 octobre 2023. © AFP

Publié le 17 novembre 2023 Lecture : 5 minutes.

Le président Abdelmadjid Tebboune avait appelé le 6 novembre, à l’occasion de l’ouverture de l’année judiciaire, « tous les hommes libres du monde et les juristes du monde arabe » à engager des actions « efficaces » devant la Cour pénale internationale (CPI) contre Israël. Immédiatement, des partis et des organisations politiques se sont mobilisés pour défendre la requête. « N’étant pas membre du statut de Rome, l’Algérie en tant qu’État ne peut pas saisir cette instance internationale. En revanche, la société civile peut engager une action judiciaire et présenter un dossier civil au procureur de la CPI, pour le convaincre d’ouvrir une enquête », explique l’avocat Boudjema Ghechir.

On trouve, dans la liste des signataires de la plainte, l’Alliance nationale républicaine (ANR), des syndicats des secteurs de l’éducation nationale et de la santé, le Conseil national des imams, ou encore le Forum des juristes algériens. Simultanément, le Syndicat national des magistrats et le barreau d’Alger ont lancé, chacun de leur côté, une démarche similaire. Si bien que toute une équipe d’avocats – dont beaucoup sont connus pour leur engagement en faveur des droits humains et de la défense des détenus politiques – travaille maintenant à monter le dossier qui sera présenté à la CPI. Galerie de portraits.

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Mustapha Bouchachi

Ex-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits humains, cet avocat respecté de 69 ans est devenu dès les premiers pas du Hirak, en février 2019, l’un des visages les plus populaires de la contestation en Algérie. Résolument engagé auprès des manifestants afin d’obtenir une transition démocratique, il se porte également volontaire pour défendre les détenus d’opinion et politiques. Compagnon de route du plus vieux parti de l’opposition, le Front des forces socialistes (FFS), il est élu député sur une liste de cette formation politique en 2012, pensant trouver une tribune pour exprimer ses opinions et initier des enquêtes parlementaires. Mais il démissionne après deux ans de mandat. Né en 1954, l’année du déclenchement de la guerre d’indépendance, dans l’est du pays, fils de martyr, il est profondément marqué par cette période. C’est aussi l’une des voix qui dénonça, dans les années 1990, la mise en place des cours spéciales.

Nourredine Benissad

Il est l’un des ténors du barreau d’Alger et militant des droits humains. Ce spécialiste en droit pénal et droit des affaires a succédé, en 2012, à Mustapha Bouchachi à la tête de la Ligue algérienne des droits humains. Dans le sillage du Hirak, il était aux premiers rangs des marches des robes noires pour réclamer « une justice indépendante ». Membre également du collectif du défense des détenus d’opinion, il dénonce constamment le recours à la garde à vue prolongée et la détention préventive.

Boudjema Ghechir

Lui aussi fut président de la Ligue algérienne des droits humains, et trésorier de l’Organisation arabe des droits humains. Il a milité pour la création d’une institution judiciaire internationale permanente, afin de combattre  l’impunité et de juger  les crimes les plus  graves ayant une portée internationale. Dés le début de la guerre entre la Palestine et Israël, il a pris contact avec ses amis juristes palestiniens pour une action commune, avant de recevoir un appel de l’avocat français Gilles Devers lui proposant de rejoindre le collectif de juristes qu’il constituait pour monter un dossier devant la CPI. Boudjema Ghechir a également défendu l’ex-ministre de la Culture, Khalida Toumi, poursuivie pour corruption, et la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, accusée de « complot contre l’État ».

Aouicha Bekhti

L’avocate se bat depuis de longues années pour les droits des femmes en Algérie. Elle est réputée sur les réseaux sociaux pour ses coups de gueule féministes. Membre fondatrice du réseau qui milite pour « la  libération des détenus d’opinion et pour les libertés démocratiques », elle a défendu notamment le journaliste Khaled Drareni. Elle-même a été arrêtée lors d’une manifestation du Hirak durant l’année 2019. En 2020, elle est  victime d’un déluge d’insultes et de menaces de la part des militants du mouvement islamiste Rachad parce qu’elle a estimé que l’activiste politique Abdellah Benaoum, alors détenu « en tant que ancien cadre de l’Armée islamique du Salut (AIS) ne méritait pas son soutien parce que ses mains étaient entachées du sang de ses compatriotes ».

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Zoubida Assoul

L’avocate est aussi présidente du parti Union pour le changement et le progrès. Elle fait ses premiers pas sur le terrain politique en tant que porte-parole de Mouwatana, crée le 6 juin 2018 avec des personnalités politiques comme Soufiane Djilali, président du parti Jil Jadid, et l’ancien ministre délégué au Trésor public, Ali Benouari. Au sein de ce mouvement, elle milite contre le cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika. Elle s’engage par la suite dans le mouvement de contestation populaire et défend régulièrement les manifestants arrêtés.

Un revirement étonnant pour cette ancienne magistrate qui a mené une longue carrière au sein des structures de l’État. Elle est la première femme nommée cadre supérieure au ministère de la Justice, en 1987, et est devenue par la suite membre du Conseil national de transition, un parlement monocaméral transitoire annoncé par la conférence de consensus nationale de janvier 1994. Puis conseillère du président du Conseil de la nation, la chambre haute du Parlement.

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Mohamed Baghdadi

Spécialiste en droit des affaires et avocat de renom, il est membre de l’Union internationale des avocats et membre fondateur et président de la Fondation algérienne de la prévention contre les violences sociales. Licencié en droit à l’université d’Alger en 1975, il prête serment en 1984, année durant laquelle il rejoint le barreau d’Alger. Depuis 1990, il figure parmi les doyens du conseil de l’ordre. Il est également diplômé de l’Institut de droit des affaires de l’université d’Aix-Marseille. Enfin, il a fait carrière dans l’enseignement et a occupé de hautes responsabilités dans la fonction publique. Actuellement bâtonnier d’Alger, Mohamed Baghdadi plaide pour la spécialisation des magistrats sans laquelle la justice, pense-t-il, ne peut pas être correctement rendue.

Abdelmadjid Sellini 

En 2020, alors bâtonnier d’Alger, il été le déclencheur de la révolte contre « la négation des droits de la défense » et « l’instrumentalisation politique de la justice ». Une grève de près d’une semaine s’en est suivie, durant laquelle tous les procès ont dû être reportés. Il détenait le record du nombre de mandats à la tête de l’ordre des avocats d’Alger, avant de passer la main à Mohamed Baghdadi. Contrairement à la plupart des avocats algériens qui documentent la requête déposée par l’Algérie contre Israël à la CPI, Abdelmadjid Sellini n’est pas membre du collectif de défense des manifestants du Hirak incarcérés. Mais il a été, en revanche, l’avocat de plusieurs ex-dirigeants et hommes d’affaires détenus dans le cadre d’affaires de corruption et d’abus de fonction.

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