Corruption en Afrique : Trafigura sur le banc des accusés

Suspectés d’avoir versé des pots-de-vin en Angola, le géant genevois du négoce pétrolier et trois personnes physiques font l’objet d’une plainte devant le tribunal pénal fédéral suisse.

À l’entrée du siège de Trafigura, à Genève, en Suisse. © Denis Balibouse/REUTERS.

À l’entrée du siège de Trafigura, à Genève, en Suisse. © Denis Balibouse/REUTERS.

MAHER-HAJBI_2024

Publié le 7 décembre 2023 Lecture : 2 minutes.

Les ennuis judiciaires s’enchaînent pour Trafigura. Basé à Genève, le mastodonte du négoce mondial (318,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2022), déjà dans le collimateur de la justice au Brésil et aux États-Unis, est déféré par le ministère public de la Confédération (MPC) devant le tribunal pénal fédéral pour des faits de corruption en Angola, qui remontent à une période comprise entre 2009 et 2011, à l’époque de la présidence de José Eduardo dos Santos.

Organe d’investigation et accusateur public fédéral suisse, le MPC a lancé une instruction pénale en juillet 2020, en lien avec de possibles paiements corruptifs en Angola.

la suite après cette publicité

Les investigations ont révélé l’implication, outre celle de la société genevoise elle-même, de trois individus : un ancien membre exécutif du conseil d’administration de Sonangol Distribuidora, filiale du groupe pétrolier public angolais, un ancien intermédiaire en Angola et un ancien cadre dirigeant de Trafigura.

Plus de 5 millions de dollars de pots-de-vin

Entre avril 2009 et octobre 2011, l’ancien agent public angolais aurait reçu des paiements corruptifs de plus de 4,3 millions d’euros sous la forme de virements bancaires, de remises en espèces pour près de 600 000 dollars (556 000 euros) en Angola et un paiement de frais d’hôtel et de repas à Genève de 912,67 dollars, révèle une communication du ministère public de la Confédération, datée du 6 décembre.

D’après le MPC, ces opérations ont été facilitées par le deuxième prévenu, un intermédiaire de Trafigura, dont il est un ancien employé. À travers une société offshore, ce deuxième accusé aurait versé via une relation bancaire à Genève une partie des avantages accordés à l’ancien membre exécutif du conseil d’administration de la filiale de Sonangol, chargée de la distribution et de la commercialisation de produits pétroliers.

La justice suisse reproche également à Mike Wainwright, ancien numéro deux du groupe, d’avoir été impliqué dans « la mise en œuvre de ce schéma de corruption ». Le géant du négoce est quant à lui épinglé pour ne pas avoir pris toutes les mesures « raisonnables et nécessaires » afin d’empêcher la mise en place de ces paiements corruptifs, alors que le groupe était en relation avec la société publique angolaise.

la suite après cette publicité

Contrats lucratifs

En contrepartie des sommes versées, Trafigura aurait bénéficié de l’appui de l’ancien cadre angolais pour développer ses activités en Angola. Avec huit contrats d’affrètement de navires et un contrat de soutage pour navires, conclus entre juin 2009 et juillet 2010, le groupe a tiré des bénéfices estimés à 143,7 millions de dollars, selon le MPC.

Poursuivi pour la première fois devant le tribunal pénal fédéral pour corruption d’agents publics étrangers, le géant genevois du négoce est engagé à « se défendre […], notamment en raison des contrôles de conformité et de lutte contre la corruption mis en place à l’époque », précise un communiqué du groupe rendu public le 6 décembre.

la suite après cette publicité

En 2021, en Angola, Trafigura a racheté pour 390 millions de dollars la participation – entre 5 et 15 % – dans Puma Energy, une société spécialisée dans la logistique pétrolière, de Leopoldino Fragoso do Nascimento, plus connu sous le nom de général Dino. Ce dernier, très influent sous le régime dos Santos, aurait aidé Trafigura à maintenir un quasi-monopole sur la fourniture de produits pétroliers dans le pays.

L'éco du jour.

Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.

Image

La rédaction vous recommande

Les lanceurs d’alerte anti-corruption toujours aussi persécutés

Contenus partenaires