Makala, l’enfer à Kinshasa

La Fondation Bill Clinton pour la paix dénonce les conditions de détention dans la plus grande prison de RDC, où l’immense majorité des détenus sont en attente de jugement.

L’entrée de la prison Makala, à Kinshasa. © GRIP

L’entrée de la prison Makala, à Kinshasa. © GRIP

JEANNE-LE-BIHAN_2024

Publié le 27 décembre 2023 Lecture : 3 minutes.

Makala n’est pas une prison comme les autres. Une fois passés les postes militaires qui en gardent l’entrée, une fois les contrôles d’identité effectués, le visiteur ne croise plus ni gardien ni surveillant. Ce sont les détenus qui, à l’intérieur du plus grand établissement pénitentiaire de RDC, assurent le maintien de l’ordre.

C’est dans cette prison qu’est incarcéré depuis la mi-septembre le correspondant de Jeune Afrique Stanis Bujakera Tshiamala, dans des conditions souvent décrites comme inhumaines. Makala a été construite en 1957, à l’écart du centre-ville, à une époque où Kinshasa s’appelait encore Léopoldville et où les Belges régnaient en maîtres sur le pays.

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Depuis, ses onze pavillons n’ont jamais fait l’objet de travaux et sont, de fait, très peu entretenus. Seul centre carcéral d’une capitale aux 13 millions d’habitants, Makala a une capacité d’accueil de 1 500 détenus mais en abrite, selon la Fondation Bill Clinton pour la paix (FBCP), plus de 13 500. Dans un rapport publié le 6 décembre, l’ONG s’est indignée du « non-respect de la prononciation des arrêts dans les cours et tribunaux dans le délai prévu par la loi » et des « violations massives des droits de l’homme » qui y sont commises.

Mille et une manières de mourir

Au total, la fondation a dénombré 505 morts parmi les détenus pour la seule année 2023 (du 1er janvier au 5 décembre). Maladies, « étouffement », « conditions sanitaires et de détention déplorables »… Il y a mille et une manières de mourir à Makala, résume Emmanuel Adu Cole, le président de la Fondation Bill Clinton pour la paix.

Ainsi du fameux « étouffement », une sanction courante dans l’établissement pénitentiaire et qui a été détaillée en 2020 dans une étude sur Makala menée par Sylvie Ayimpam et Michel Bisa Kibul : certains détenus sont envoyés dans un « dortoir surpeuplé où [ils] sont assis par terre, alignés à la queue leu leu, sans pouvoir s’allonger pour dormir », sans possibilité parfois de recevoir à manger. Tous n’y survivent pas.

Sur les 13 500 prisonniers, seuls 2 200 ont fait l’objet d’une condamnation, les autres sont en détention provisoire, souligne encore la FBCP. Emmanuel Adu Cole dénonce le « non-respect de l’état de droit » et appelle au désengorgement des prisons ainsi qu’à l’amélioration des conditions de détention. L’activiste, qui est aussi coordonnateur du collectif des ONG pour les droits de l’homme en RDC, accuse l’État congolais de « non-assistance à personne en danger » et réclame une « sanction exemplaire » à l’encontre de la RDC.

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Cachots clandestins

Le même rapport évoque aussi des arrestations arbitraires, des enlèvements et des emprisonnements illégaux. Il dénonce l’existence de plusieurs « cachots clandestins », des cellules utilisées par l’Agence nationale de renseignement (ANR) ou encore par la Détection militaire des activités anti-patrie (les renseignements militaires congolais). Il décrit des salles où sont entassées plus d’une centaine de personnes, sans électricité et « dans des conditions inhumaines ».

Le 14 décembre, une délégation du ministère des Droits humains a été envoyée à Makala après la publication du rapport pour en vérifier le contenu. Emmanuel Adu Cole affirme quant à lui recevoir des menaces de mort depuis sa parution. Cela ne l’empêche pas de réclamer la libération de plusieurs « prisonniers politiques », dont celle de notre correspondant, qui est accusé  d’avoir fabriqué et diffusé un faux document attribué à l’ANR.

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Aucune preuve contre Stanis Bujakera Tshiamala

Rappelons que le consortium d’investigation international Congo Hold-Up a démontré qu’il n’existait aucune preuve crédible indiquant que le téléphone de notre journaliste ait été à l’origine de l’envoi. La cellule investigation de Reporters sans frontières (RSF) avait en outre publié, le 2 novembre, une enquête dont les conclusions montrent qu’il n’est pas l’auteur de la note de l’ANR et dénonce sa détention « arbitraire ». Le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a été saisi.

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