Nawel Bizid © Montage JA; DR
Nawel Bizid © Montage JA; DR

Avec « Deep Confessions Podcast », Nawel Bizid évoque frontalement la santé mentale

Le sujet est souvent tabou mais, en Tunisie comme ailleurs, les statistiques confirment que les troubles tels que l’anxiété et la dépression sont en constante augmentation. C’est le sujet que la journaliste a choisi d’aborder avec ses invités, des personnalités.

Publié le 5 janvier 2024 Lecture : 3 minutes.

Mehdi El Kindi, Ouerdia Ousmer, Nawel Bizid © Montage JA ; DR
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Ces podcasteurs qui agitent le Maghreb

Le premier festival maghrébin de podcast qui s’est tenu du 7 au 9 décembre à Tunis a réuni plusieurs jeunes podcasteurs de la Tunisie, du Maroc et de l’Algérie. L’occasion de mieux vulgariser un format qui séduit de plus en plus.

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CES PODCASTEURS QUI AGITENT LE MAGHREB (1/3) – Lumière tamisée, table de cuisine sobre et proximité avec l’invité qui ne doit pas voir l’équipe technique aux commandes. Dans le podcast de Nawel Bizid, tout est fait pour mettre à l’aise l’interviewé « qui doit se sentir comme à la maison », explique la podcasteuse, qui a choisi d’aborder, en recevant des célébrités tunisiennes, un sujet sensible : la santé mentale. L’enregistrement se déroule d’ailleurs chez elle et non pas dans un studio d’enregistrement.

Un choix assumé pour cette anesthésiste-réanimatrice de formation directement touchée par le sujet qu’elle aborde. À 34 ans, comme beaucoup de jeunes Tunisiens, Nawel est le produit d’une jeunesse bercée d’espoirs révolutionnaires et déçue par les douze dernières années de transition politique. Elle qui s’était engagée dans un parti de gauche pendant la révolution a ensuite vécu de nombreuses désillusions. La découverte de la radio en 2012 l’a propulsée dans le monde des médias et de la production artistique, alors qu’elle terminait ses études médicales. Éclectique, elle a fait ses armes dans la première radio du pays, Mosaïque FM, puis a lancé une émission télévisée consacrée à la santé. Mais les turbulences politiques du pays, l’instabilité économique et la précarité d’un métier où la propriété intellectuelle est peu protégée l’ont conduite à une dépression aiguë.

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« J’ai été diagnostiquée tardivement et j’avais du mal à faire reconnaître mon mal auprès de mes proches, ça a été une période très dure et j’ai voulu me lancer dans un podcast pour aider ceux qui traversent des choses semblables », raconte Nawel. Quelques mois après son lancement, le podcast a déjà séduit une communauté de 58 000 abonnés sur Facebook et plus de 60 000 sur Instagram. Un succès sur les réseaux sociaux que Nawel attribue à plusieurs facteurs : son carnet d’adresses riche de ses années passées dans la production artistique et dans le journalisme, mais aussi les confidences authentiques auxquelles chaque invité se livre. Le deuil, le suicide, la sexualité, la dépression… tous les sujets sont abordés à travers des figures souvent connues du grand public tunisien : cinéastes, artistes ou chroniqueurs.

« J’aimerais bien inviter un jour le président Kaïs Saïed, car on devrait tous pouvoir parler à bâtons rompus de ces sujets. Jusqu’à aujourd’hui, ils restent tabous dans notre société. Même ma maman est gênée quand j’aborde certains problèmes et me demande pourquoi j’en parle », dit-elle en souriant. Si certains épisodes déclenchent un déferlement de haine sur les réseaux sociaux, comme celui d’une jeune femme parlant ouvertement de sa sexualité, « ça a le mérite de provoquer à chaque fois le débat. Il y a les “haters” et les insultes, mais ensuite une discussion s’ouvre dans les commentaires », temporise Nawel Bizid.

« Problèmes plus profonds »

De son sentiment d’impuissance à agir sur la trajectoire politique du pays après la révolution, Nawel a tiré une force pour se recentrer sur des « problèmes plus profonds qui influencent aussi nos comportements sociétaux et politiques. Ce n’est pas pour rien que l’expression qui revient le plus souvent sur les réseaux sociaux est “teeba laabed” (« les gens sont fatigués », en dialecte). Beaucoup de Tunisiens sont lassés et fatigués par ces dernières années, et une société qui n’exorcise pas tout ça est une société qui fonctionne mal », poursuit la podcasteuse.

Des démons intérieurs corroborés par les chiffres. Selon l’Organisation mondiale de la santé, la Tunisie a été victime, comme d’autres pays après la pandémie, d’une augmentation des troubles anxieux et des cas de dépression. Des problèmes qui existaient déjà avant le Covid-19 avec une montée du nombre de suicides depuis la révolution et de la consommation de substances psychoactives, selon une étude menée en 2022 par deux médecins tunisiens qui ont compilé plusieurs données sur dix ans.

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Aussi le podcast de Nawel Bizid a-t-il un impact qui va bien au-delà de sa communauté. Elle travaille de près avec l’OMS et le ministère de la Santé au dépistage des cas de dépression et à l’accessibilité (et la gratuité) des prises en charge psychologiques ou psychiatriques. « Si la politique divise beaucoup actuellement, la question de la santé mentale semble fédérer », conclut-elle.

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