« Bob Marley: One Love », un film convenu pour un artiste hors du commun

Si le biopic consacré à la star du reggae n’apporte pas grand-chose de nouveau, il réjouit musicalement.

Kingsley Ben-Adir dans le film « One Love ». © Kingsley Ben-Adir dans le film « One Love ».
2023 Paramount Pictures

Kingsley Ben-Adir dans le film « One Love ». © Kingsley Ben-Adir dans le film « One Love ». 2023 Paramount Pictures

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Publié le 16 février 2024 Lecture : 3 minutes.

Le biopic est un genre cinématographique à part entière. Sa recette est éprouvée : prenez une personnalité emblématique, placez-la dans un moment charnière de son parcours, faites gonfler les enjeux politiques et/ou intimes, enrobez le tout d’un zeste de fiction et laissez chauffer le récit à feu doux pour entretenir la légende. Afin d’être sûr que le plat ne soit ni trop salé ni trop amer, mettez des membres de la famille en cuisine. Bob Marley: One Love, de Reinaldo Marcus Green suit à la lettre ce cahier des charges.

Redemption Song, une vraie carte postale du bonheur

Jamaïque, 1976. Bob Marley est déjà une vedette dans une Jamaïque en proie à de vives tensions politiques. L’affrontement électoral entre le Jamaica Labour Party (JLP) d’Edward Seaga et le People’s National Party (PNP) de Michael Manley se prolonge dans la rue, avec des fusillades. Le chanteur est en train de jouer au football avec son groupe, en présence de ses enfants, quand une voiture passe devant le terrain vague et fait feu dans leur direction. Coup de semonce. Une deuxième attaque sera bien plus sérieuse : Bob Marley est visé à la poitrine, sa femme Rita est touchée à la tête, son manager Don Taylor se prend plusieurs balles. Tous s’en sortent miraculeusement et, deux jours après, Marley monte sur scène pour son grand concert gratuit Smile Jamaica. Mais, devant le danger croissant, le roi du reggae doit s’exiler à Londres. De star, il va devenir une superstar mondiale…

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Dans le film, le contexte politique jamaïcain est effleuré, de même que les épisodes de la vie de Bob Marley. Comme souvent dans les biopics sur des chanteurs, il s’agit d’une succession d’extraits musicaux entrecoupés de scènes. La partition est aussi prévisible qu’un métronome : il se dispute avec sa femme Rita, il chante ensuite No Woman, No Cry sur scène en appuyant des regards vers elle ; il entend la musique du film Exodus d’Otto Preminger, il réunit aussitôt son groupe pour composer sur-le-champ la chanson éponyme ; celui qui a tenté de l’assassiner vient lui demander pardon, il compose le soir même Redemption Song auprès de sa famille qui se réunit en cercle (une vraie carte postale du bonheur), etc.

L’explication plus ou moins romancée des textes se double d’une tendance à la surcharge. Son manager pique dans la caisse ? On le montre en train de saisir une enveloppe en pleine soirée, au vu et au su de tous. Des flashs oniriques récurrents montrent l’absence du père, un Britannique blanc qui a délaissé sa femme et son fils, avec une symbolique quelque peu simpliste. Un texte de fin explique – au cas où on ne l’aurait pas compris – combien il était un artiste au message de paix inspirant.

No Woman, No Cry

Au contraire, lorsqu’il s’agit des relations extraconjugales de Bob et Rita Marley, dont naîtront plusieurs enfants, tout devient elliptique. Elles sont évoquées lors d’une dispute mais rien n’est visible à l’écran. Un principe de l’écriture scénaristique énonce qu’il faut montrer plutôt que raconter. C’est tout l’inverse dans ces tranches de vie pourtant cruciales pour saisir la complexité de l’homme qui chantait One Love mais qui n’a pas eu qu’un seul amour.

Parmi les producteurs, on retrouve la famille Marley, dont son ex-femme, Rita, qui s’est donné le beau rôle. Portant la voix de la sagesse, elle sort des conseils comme « Ne sois pas celui qu’ils veulent que tu deviennes », et c’est aussi elle qui souhaite ouvrir les yeux de son mari sur les manigances de son manager-voleur, elle qui s’interpose lors d’une bagarre, elle qui suggère le retour en Jamaïque pour le concert One Love… On n’est jamais mieux servi que par soi-même et, comme c’est le cas dans beaucoup de biopics, les proches gardent la mainmise sur leur image et font fructifier le patrimoine artistique – et financier – dont ils ont hérité. Bob Marley: One Love possède un atout incontestable : la musique. Omniprésente, elle est le plus beau legs de l’immense artiste, qui n’avait pas besoin d’un film convenu pour traverser le temps.

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Bob Marley: One Love, de Reinaldo Marcus Green, est sorti dans les salles françaises le 14 février 2024.

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