« Comme Donald Trump, Jacob Zuma joue la victime à la perfection »

Si l’ancien président sud-africain se lance dans une nouvelle bataille en défiant ses camarades de l’ANC avant les élections générales du 29 mai, c’est parce qu’il est obsédé par le pouvoir, selon le politologue Zakhele Ndlovu.

Zakhele Ndlovu, politologue camerounais. © DR.

Zakhele Ndlovu, politologue camerounais. © DR.

Publié le 2 mars 2024 Lecture : 3 minutes.

L’ACTU VUE PAR – Ce qui ne le tue pas le rend plus fort. Jacob Zuma a connu deux fois la prison, une soi-disant tentative d’empoisonnement en 2014, de nombreux ennuis judiciaires, les trahisons de son camp…

Alors qu’il aurait pu prendre sa retraite et consacrer son temps libre à sa défense devant les tribunaux, l’ancien président sud-africain, 81 ans, retourne dans l’arène politique à l’occasion des élections générales du 29 mai.

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Candidat à rien, Jacob Zuma met toute son énergie à soutenir un petit parti dissident dont la raison d’être semble de faire perdre la majorité absolue au Congrès national africain (ANC), son parti de cœur, qui l’a par conséquent suspendu.

Peut-il encore peser dans le jeu politique sud-africain ? Qu’est-ce qui anime ce vieux briscard ? Zakhele Ndlovu, professeur de sciences politiques à l’université du KwaZulu-Natal, a répondu aux questions de Jeune Afrique.

Jeune Afrique : Pourquoi Jacob Zuma se lance-t-il dans cette bataille contre l’ANC ?

Zakhele Ndlovu : Il est très en colère et pense que l’ANC et le président Cyril Ramaphosa sont responsables de ses ennuis judiciaires. Zuma a par ailleurs montré qu’il était obsédé par le pouvoir. Même s’il ne peut plus être président, puisque la Constitution l’en empêche en raison de ses deux mandats [entre 2009 et 2018], il peut toujours espérer avoir de l’influence et de l’ascendant sur la personne qui deviendra chef de l’État. Mais plus que tout, il veut s’assurer de pouvoir régler ses ennuis judiciaires. S’il conserve de l’influence politique, le poursuivre en justice deviendra plus compliqué.

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Alors que certains de ses proches ont rejoint les Combattants pour la liberté économique (EFF) de Julius Malema, Jacob Zuma a préféré rejoindre un petit parti inconnu, l’uMkhonto we Sizwe (MK). Pourquoi ce choix et que symbolise le nom de ce parti ?

L’uMkhonto we Sizwe était la branche militaire de l’ANC en exil, et son nom est plus généralement associé au combat pour les opprimés. Le reprendre, dans l’esprit de Jacob Zuma, c’est signifier la continuité de cette lutte. S’il avait le choix de rejoindre l’EFF, il en serait devenu un simple membre, sans pouvoir prendre de décisions ni être aux responsabilités.

Jacob Zuma essaye de renvoyer l’image d’un homme qui se bat pour les opprimés et les marginaux

Zakhele Ndlovupolitologue
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En formant le MK, l’ancien chef d’État est aux manettes. Et puis il a une histoire avec : il faisait partie des renseignements de l’ANC en exil, des MK de l’époque. Il aime d’ailleurs toujours en chanter l’air « Umshini Wami » [dont les paroles sont : « mon fusil, mon fusil, ô père, apporte-moi mon fusil »]. Il se sert de tout cela pour gagner des soutiens et essayer de renvoyer l’image d’un homme qui se bat pour les opprimés et les marginaux.

Jacob Zuma est-il toujours populaire dans le KwaZulu-Natal ?

Très. Quand il était président de l’ANC, le soutien dans la province a augmenté. Et depuis qu’il a formé son nouveau parti politique, nous avons vu des membres de l’ANC se détourner du parti au pouvoir pour rejoindre cette nouvelle formation.

Il est aussi très populaire au sein de la population rurale : Jacob Zuma est un traditionaliste et les personnes qui vivent dans les campagnes ont tendance à s’identifier à lui, en partie d’ailleurs par nationalisme zoulou. Ses autres soutiens sont ceux qui ont bénéficié des contrats gouvernementaux quand il était président de l’ANC.

Pour finir, Zuma, comme [l’ancien président] Donald Trump aux États-Unis, joue la victime avec perfection. Il se présente comme quelqu’un traité de manière injuste par le système, ce qui lui attire la sympathie des personnes qui le pensent persécuté, victime dudit système. Voilà d’où viennent ses soutiens.

JA : Quelles autres similarités observez-vous entre Trump et Zuma ?

Les similarités sont multiples : tous deux ont été jugés devant des tribunaux, se disent victimes du système, persécutés. Ce sont aussi des coureurs de jupons, ils ont donc plein de choses en commun [rires] !

Jacob Zuma a 81 ans. En 2021, il se disait même malade et en phase terminale pour justifier sa sortie de prison prématurée. Est-il suffisamment en forme pour mener cette nouvelle bataille politique ?

Sa santé n’est effectivement pas très bonne. Pour un homme de son âge, mener à bien une campagne apparaît difficile ; il devra s’entourer de jeunes gens pour se battre à ses côtés.

JA : Son ancienne épouse, la ministre Nkosazana Dlamini-Zuma, prend sa retraite, Jacob Zuma est au crépuscule de sa vie politique. Que deviendra le clan Zuma ?

Son fils vient de lancer son propre parti politique [All Game Changers]. Et je pense que c’est sa fille, Duduzile, qui prendra la suite : elle est très présente depuis que Zuma fait campagne pour le MK.

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