En Côte d’Ivoire, de Jacqueville à San Pedro, le tourisme regagne l’Ouest

Avec la rénovation de la Côtière, la mythique route du littoral, les cités balnéaires de l’ouest ivoirien redeviennent facilement accessibles et attirent à nouveau de nombreux vacanciers, en particulier les Abidjanais, ne serait-ce que le temps d’un week-end. Reportage.

•La plage de San Pedro, 300 kilomètres à l’ouest d’Abidjan, dans le district du Bas-Sassandra. © Nabil Zorcot

•La plage de San Pedro, 300 kilomètres à l’ouest d’Abidjan, dans le district du Bas-Sassandra. © Nabil Zorcot

THAIS-BROUCK_2024

Publié le 31 mars 2024 Lecture : 5 minutes.

Le pont Alassane-Ouattara reliant les communes du Plateau et de Cocody à Abidjan, en Côte d’Ivoire, photographié le 18 février 2024. © Gwenn Dubourthoumieu pour JA.
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Côte d’Ivoire : une nouvelle donne

Six mois après la nomination du gouvernement Beugré Mambé et à dix-huit mois de la présidentielle, pour tous les partis, c’est l’heure des comptes et de la pré-campagne. Ont-ils tiré les leçons des élections locales de septembre 2023 ? Alassane Ouattara va-t-il se présenter ou va-t-il désigner un dauphin ? La candidature de Tidjane Thiam peut-elle rebattre les cartes ? Le parti de Laurent Gbagbo, qui reste inéligible, peut-il remobiliser ses militants et les électeurs ? De l’hypothèse d’un quatrième mandat d’ADO à l’éventuel retour de Guillaume Soro, voyage à travers un paysage politique et un pays en pleine mutation.

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C’est une métamorphose. Il y a encore un an, la route pour quitter Abidjan en direction de l’ouest du pays n’était franchement pas digne d’une métropole. Même en pleine agglomération, le goudron avait parfois disparu pour laisser place à d’énormes nids-de-poule, qui se remplissaient d’eau au gré des averses. Cette situation a longtemps provoqué d’énormes embouteillages, et il n’était pas rare de se trouver coincé pendant plusieurs heures avant de pouvoir s’extraire des faubourgs de la capitale économique.

Aujourd’hui, malgré les quelques ralentissements qui subsistent, surtout en fin de semaine, il ne faut plus que quelques minutes par l’autoroute du Nord (2 x 2 voies) pour sortir d’Abidjan et rejoindre « la Côtière », la mythique route nationale du littoral Ouest, qui relie Abidjan à San Pedro, deuxième port du pays et capitale mondiale du cacao.

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Adieu nids-de-poule et coupeurs de route

Construite en 1990 pour désenclaver l’ouest du pays, la Côtière, longue de 353 km, s’est rapidement dégradée à cause du manque d’entretien et des intempéries. « Malgré les rafistolages, l’état de la route était déplorable », se souvient Doudou Mbaye, opérateur touristique basé dans l’Ouest et président régional de la Fédération nationale des industries touristiques de Côte d’Ivoire (Fenitourci), section de San Pedro. « Il fallait plus de dix heures aux usagers pour rejoindre San Pedro à partir d’Abidjan. La plupart des automobilistes préféraient faire un détour par le Nord, en passant par Gagnoa et Soubré, pour éviter les nids-de-poule et les coupeurs de route », ces délinquants qui profitaient du délabrement de l’infrastructure et des ralentissements qu’il engendrait pour racketter les rares automobilistes suffisamment courageux pour l’emprunter.

La Côtière étant devenue quasiment impraticable, les cités balnéaires qui jalonnent son parcours, en particulier Jacqueville, Grand-Lahou, Fresco et Sassandra, autrefois réputées pour être de hauts lieux du tourisme ivoirien, ont été peu à peu désertées par les clients.

Mais depuis la fin de 2022 – 2023, pour le dernier tronçon –, c’est de l’histoire ancienne. L’État ivoirien a investi 308 milliards de francs CFA (près de 470 millions d’euros) dans la rénovation et la réhabilitation de la Côtière. « Aujourd’hui, cette route, c’est du caviar ! » se réjouit Clément, un expatrié français attablé à La Terrasse, un restaurant de bord de mer ouvert il y a cinq ans à Jacqueville.

Un air de vacances à Jacqueville

Située à seulement 60 km d’Abidjan, la station balnéaire bénéficie à plein de cette accessibilité retrouvée. « C’est devenu très facile de venir à Jacqueville depuis Abidjan, confirment Éric et Isabelle N’Guessan, un couple venu fêter la Saint-Valentin avec quelques jours de retard. Même si on aurait préféré qu’il y ait du soleil. » Elle est assistante de direction, lui est cadre supérieur dans l’administration.

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La municipalité compte profiter de ce retour des touristes. À l’entrée de la ville, juste avant le pont qui enjambe la gigantesque lagune, un panneau « J’aime Jacqueville » – devenu un arrêt incontournable pour les amateurs de selfies – accueille désormais les visiteurs. Les taxis rouges d’Abidjan ont laissé la place aux tuk-tuks jaunes, directement importés du sous-continent indien et, au bord de l’eau, loin du tumulte de la capitale économique, il règne déjà un air de vacances.

Nous avions pour objectif d’entrer dans le top 5 des destinations touristiques en Afrique d’ici à 2025. Grâce au succès de la CAN, je crois que nous allons atteindre notre objectif dès cette année.

Siandou FofanaMinistre ivoirien du Tourisme

« Les gens viennent de plus en plus et les hôtels poussent comme des champignons ici », témoigne Moïse Sawadogo, le gérant de La Terrasse. C’est peut-être le nouvel Assinie ! » avance-t-il, en référence à la cité balnéaire située à l’est d’Abidjan, où, chaque week-end, la bourgeoisie et les expatriés de la capitale économique affluent dans les hôtels et les villas qui, entre mer et lagune, jalonnent la côte. Si le littoral Ouest du pays est encore loin de concurrencer cette dernière, il dispose cependant de sérieux atouts.

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Les plages et parcs naturels de la côte ouest n’ont en effet rien à envier à ceux d’Assinie. « C’est même encore plus beau, il n’y a pas photo, assure Doudou Mbaye. La mer est propre, le sable y est plus fin, il y a des piscines naturelles dans les rochers… » Entre Fresco et la frontière libérienne, en passant par Sassandra et San Pedro, le paysage est jalonné de criques rocheuses.

Potentiel « énorme »

Aujourd’hui, le temps de trajet entre Abidjan et Sassandra a été divisé par deux : il faut désormais moins de trois heures pour parcourir les 280 km qui sépare la capitale économique de la cité balnéaire, où l’on peut déguster des langoustes – la spécialité – et pratiquer le surf. « Au-delà de la réfection de la Côtière, il y a encore beaucoup à faire pour rendre toutes les zones accessibles, mais le potentiel touristique est énorme et les gens sont prêts à investir », reconnaît Doudou Mbaye.

Grace Carene Koffi a déjà franchi le pas. Son hôtel, La Côtière, porte le nom de la route qui lui a permis de prospérer. « Je suis originaire d’Abidjan et je me suis lancée il y a un an », raconte la propriétaire de l’établissement, qui ne compte que quatre chambres et un appartement. « J’ai beaucoup hésité avant d’investir, les gens avaient peur de prendre cette route. Mais aujourd’hui, les réservations sont en constante progression. Et nous sommes en train de construire un restaurant attenant à l’hôtel. »

La Côtière est donc la colonne vertébrale de la stratégie de développement touristique du pays et du plan « Sublime Côte d’Ivoire » lancé par le gouvernement en 2018. Une étude mettait notamment en exergue « une offre touristique peu développée et encore centrée autour d’Abidjan, qui concentre 60 % des chambres du pays ».

Une offre hôtelière dopée par la CAN

Depuis, dopée, entre autres, par l’accueil de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football, entre le 13 janvier et le 11 février derniers, l’offre hôtelière s’est mise à niveau dans les principales villes du pays. « Nous avions pour objectif d’entrer dans le top 5 des destinations touristiques en Afrique d’ici à 2025, explique Siandou Fofana, le ministre ivoirien du Tourisme. Nous étions huitièmes avant la CAN. Grâce au succès de cette compétition, je crois que nous allons atteindre notre objectif dès cette année. »

Aussi, les autorités ivoiriennes tablent sur une contribution du tourisme au PIB de 8 % dès 2024, contre 6,2 % en 2022. « Après le développement du tourisme balnéaire, nous voulons désormais mettre l’accent sur le reste du pays, explique le ministre. Nous sommes en train d’établir un agenda pour mettre en valeur les manifestations culturelles du pays : carnavals, fêtes traditionnelles, expositions… La Côte d’Ivoire a beaucoup d’atouts, mais ils ne sont pas assez mis en valeur et restent encore méconnus. »

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