CPI, CIJ : que peut vraiment la justice internationale ?

Moins connue que la Cour pénale internationale, la Cour internationale de justice a fait les grands titres en se saisissant de questions liées aux crimes commis à Gaza. Quels sont les réels pouvoirs de ces instances ?

La salle d’audience de la Cour internationale de justice (CIJ) à La Haye. © ROBIN VAN LONKHUIJSEN/ANP via AFP

La salle d’audience de la Cour internationale de justice (CIJ) à La Haye. © ROBIN VAN LONKHUIJSEN/ANP via AFP

Publié le 6 mars 2024 Lecture : 4 minutes.

Sur fond de tumulte médiatique autour du drame humanitaire en cours dans la bande de Gaza, la Cour internationale de justice (CIJ) a été saisie par deux fois : la première en décembre 2023 par l’Afrique du Sud rejointe par de nombreux pays, sur l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. La seconde en février 2024 à la demande du Conseil de sécurité, pour un avis consultatif sur « les incidences des politiques et pratiques d’Israël sur le statut juridique de l’occupation, et [leurs] conséquences juridiques pour les États et l’organisation des Nations unies ».

Si les deux juridictions se confondent souvent dans l’esprit du public, les deux questions engagées devant la CIJ renseignent sur son rôle, bien distinct de celui de la Cour pénale internationale (CPI).

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Quel est le rôle de la Cour internationale de justice ?

La CIJ juge les litiges entre les États, et exerce deux formes de compétences : contentieuse quand elle est saisie pour juger un différend juridique, ou consultative quand elle donne un avis sur une question juridique. Dans ce second cas, elle est saisie par l’un des organes principaux de l’Organisation des nations unies (ONU), les organisations spécialisées telle que l’Assemblée générale ou, par exemple, l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Qu’est-ce que la Cour pénale internationale ?

Plus connue que la CIJ, cette cour juge les principaux responsables des crimes internationaux. Mais elle ne fait pas comparaître les États car le droit international considère que seuls les individus commettent des crimes. La CPI exerce ses compétences selon le principe de complémentarité, c’est-à-dire que la responsabilité de juger les crimes internationaux incombe en premier lieu aux États. Si ces derniers sont dans l’incapacité d’appliquer leur prérogative, ou refusent de le faire, alors la CPI peut exercer ses compétences. Derrière l’existence des deux juridictions, on trouve aussi la volonté de la communauté internationale d’apporter une réponse juridique, et non simplement politique, à certaines situations de crise, et à refuser l’impunité.

Que signifient les récentes saisines de la CIJ ?

Alors que les audiences à la CIJ se déroulent dans un contexte tendu, sur fond de guerre meurtrière à Gaza et d’accusations de génocide, la justice internationale, et tout le multilatéralisme avec elle, se trouve à a croisée des chemins. Principal organe judiciaire des Nations unies, la cour va devoir rendre une décision dont la portée ira bien au-delà de la situation des Palestiniens et des Israéliens. Il s’agira, explique un expert des Nations unies, « soit de consolider une société internationale basée sur le droit, soit d’expliquer à l’humanité que le système actuel a failli et qu’il va falloir le remplacer, ou en inventer un autre. » « C’est une crise institutionnelle de légitimité de ce système, poursuit ce juriste. Rien ne sera immédiat, cela se fera sur le temps. » Il conclut en remarquant que la question de savoir si le système judiciaire international apporte une aide effective dans la vie des populations n’est même plus posée. C’est de la pérennité et de la crédibilité du dispositif lui-même qu’il s’agit.

Concernant Gaza, pourquoi la CIJ plutôt que la CPI ?

Compte tenu de la façon dont se répartissent les compétences entre les deux juridictions, le choix de la cour appelée à se saisir du cas de Gaza est à la fois crucial, et très signifiant. Dans sa démarche contentieuse, l’Afrique du Sud a décidé de ne pas poursuivre des individus mais d’interpeler un État, Israël, et de le rappeler à ses obligations. Pour certains juges, ce choix correspond à un transfert de compétences, les faits reprochés étant – également – de nature pénale.

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Rien n’empêche, ultérieurement, que des individus identifiés soient aussi appelés à répondre d’actes commis depuis l’attaque lancée par le Hamas le 7 octobre 2023 et lors de la riposte militaire lancée par Tel-Aviv. Une répartition des actions peut parfaitement être opérée entre le CIJ et la CPI s’il est établi que l’État concerné n’a pas respecté ses obligations découlant des règles du droit international. La mobilisation observée depuis le début du conflit et la médiatisation des crimes rendaient de toute façon une action nécessaire.

Que peut le droit international ?

Créée par concertation et par consensus, l’ONU et les institutions qui en émanent – notamment les cours de justice – n’ont finalement que l’autorité que ses États membres veulent bien lui reconnaître. Le droit international et les décisions des juges ne sont appliqués et applicables que par la volonté de ces États. Ce qui ne manque pas de susciter frustrations et critiques. « C’est bien de critiquer l’ONU, relativise toutefois Haykel Ben Mahfoudh, juriste et juge à la CPI. C’est bien d’évoquer le deux poids deux mesures, de le critiquer pour son inefficacité. Mais quelle serait l’autre solution ? Il n’y a aucune alternative. C’est peut-être la moins bonne invention humaine depuis la Deuxième Guerre mondiale mais en tout cas, elle reste notre seul, notre unique et notre dernier recours. » Du moins tant qu’un autre système d’organisation de la communauté internationale n’aura pas été inventé.

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Quels dossiers la CIJ traite-t-elle ?

La cour examine actuellement, sous la forme de procédures consultatives, deux dossiers qui touchent l’humanité dans son existence propre. D’abord, la question des conséquences juridiques de l’occupation par Israël des territoires palestiniens. Ensuite, un sujet plus vaste encore par ses conséquences : une demande d’avis sur les obligations des États en matière de changement climatique. Sans préjuger des réponses qu’apporteront les juges, leur avis fera date dans l’histoire de l’humanité et, bien que consultatif, ne devrait pas rester sans effet.

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