L' »empereur » Bokassa réhabilité

Un décret réhabilitant l’empereur déchu de Centrafrique Jean-Bedel Bokassa « dans tous ses droits », signé par le président centrafricain François Bozizé mardi, fait débat à Bangui.

L’empereur centrafricain Jean-Bedel Bokassa en 1977 à Bangui. © AFP

L’empereur centrafricain Jean-Bedel Bokassa en 1977 à Bangui. © AFP

Publié le 2 décembre 2010 Lecture : 3 minutes.

Le décret réhabilitant M. Bokassa 14 ans après sa mort a été signé mardi par le président François Bozizé « à l’occasion de la Fête nationale » (anniversaire de la proclamation de la République le 1er décembre 1958) et des festivités dans le cadre du cinquantenaire de l’indépendance le 13 août 1960.

M. Bokassa, « ancien président de la République condamné, gracié et décédé (en 1996, NDLR), est réhabilité dans tous ses droits. Cette réhabilitation de droit […] efface les condamnations pénales, notamment les amendes et les frais de justice, et fait cesser pour l’avenir toutes les incapacités qui en résultent ], mais elle « ne préjudicie pas au droit de l’administration et des tiers », stipule le décret.

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Aucun jugement n’a été rendu en Centrafrique à l’encontre des héritiers de l’ex-empereur, contre lequel l’ « Association des parents de martyrs de Bokassa » a intenté une action en justice « toujours valable » pour réclamer « des réparations » pour les victimes de son régime (1966-1979), selon le président de cette ONG, Henri Dondra.

François Bozizé, qui fut son aide de camp et lui rend régulièrement hommage dans des discours officiels, a salué M. Bokassa dans un message mardi soir comme un Centrafricain « reconnu par tous comme étant un grand bâtisseur ». Il « a construit le pays, mais nous avons détruit ce qu’il a édifié », a-t-il dit.

Ex-enfant de troupe, ex-officier de l’armée française, ex-chef d’état-major de l’armée centrafricaine, Jean-Bedel Bokassa avait pris le pouvoir aux premières heures de l’année 1966 et s’était fait nommer président à vie en 1972. Admirateur de l’empereur français Napoléon Bonaparte, il s’était proclamé empereur cinq ans plus tard, devenant Bokassa Ier, une des excentricités qui ont marqué son régime, renversé en 1979.

Nostalgie

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Il a notamment doté Bangui de grands édifices qui ont résisté aux coups d’État avortés ou réussis et aux éruptions de violences qui ont jalonné l’histoire de la Centrafrique et détruit son économie.

Officiellement, près de 70 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté dans ce pays pourtant doté de nombreuses richesses, surtout forestières et minières. Dans un tel contexte, certains Centrafricains ne cachent pas leur nostalgie de son régime.

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Sa réhabilitation « est une juste reconnaissance des services qu’il a rendus à la Nation », a déclaré à l’AFP le ministre et porte-parole du gouvernement Fidèle Ngouandjika, ajoutant : « Certes, il y a eu des aspects négatifs dans ses dérives mais il a fait de la prison, sachons au moins lui reconnaître les actes positifs qu’il a posés. »

D’autres évoquent sa réputation d’homme brutal, dont la chute a été précipitée par le massacre en 1979 d’une centaine d’écoliers par sa garde personnelle lors de troubles à Bangui.

Des membres des familles de ces enfants sont regroupés au sein de l’association dirigée par Henri Dondra, pour qui la réhabilitation de M. Bokassa est une « décision politique ». « Ce n’est pas de cette manière que la mémoire des victimes de Bokassa sera honorée, […] nous ne baissons pas les bras », a affirmé M. Dondra.

Le ministre d’État chargé des Transports, Parfait Anicet Mbay, originaire comme M. Bokassa de la Lobaye (sud de Bangui), a de son côté estimé que sa réhabilitation devait contribuer à tourner « une page sombre de l’histoire » de la Centrafrique, sans « avoir honte » de son passé.

Pour le politologue Zéphyrin Mogba, elle est « un symbole de réunification de la Centrafrique » et a une évidente « connotation politique » à quelques semaines de l’élection présidentielle du 23 janvier.

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