Les APE : une erreur stratégique de l’Europe ?

Magaye Gaye est directeur général du cabinet de recherche de financement GMC Conseils.

Magaye Gaye, directeur général de GMC Conseils

Magaye Gaye, directeur général de GMC Conseils

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Publié le 17 octobre 2013 Lecture : 3 minutes.

Au mois d’octobre 2013, Dakar abritera une session extraordinaire des chefs d’État de la Cedeao consacrée aux Accords de partenariat économique (APE). Ces accords prévoient la suppression immédiate des droits de douane sur les produits originaires des pays signataires entrant dans l’Union européenne (UE) et la suppression progressive des droits de douanes sur les produits en provenance de l’UE arrivant dans les pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique). Un volet d’aide de dix milliards d’euros est consacré aux infrastructures et aux secteurs agroalimentaires, industriels et juridiques. À ce jour, seuls six pays africains ont signé des accords intérimaires dont le Cameroun et la Côte d’Ivoire.

L’objectif politique de consolidation de la démocratie et de l’État de droit est aussi loin d’être atteint.

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Après plus de 50 ans de compagnonnage, la coopération entre les pays ACP et l’UE laisse apparaître un bilan mitigé. La part des ACP dans le marché de l’UE est passée de 6,7% en 1976 à 3% en 1998. En dépit de la mise en œuvre de mécanismes de soutien des cours de matières premières comme le Stabex et le Sysmin et la création de la Banque européenne d’investissement, l’Afrique reste pauvre et peine à transformer ses matières premières sur place. L’objectif politique de consolidation de la démocratie et de l’État de droit est aussi loin d’être atteint. Il suffit d’observer la résurgence des différents conflits et la faible alternance politique.

Perte de marchés

L’Europe a exercé des pressions sur les pays ACP allant même jusqu’à lancer le spectre d’une diminution de l’aide en cas de refus de signature des APE. La Chine fait peser des menaces réelles sur le devenir du Vieux continent, à la faveur d’une monnaie faible et d’un coût de main d’œuvre peu cher. Conséquences : de grosses pertes de marchés et des phénomènes de délocalisation qui amènent l’Europe à chercher à bénéficier d’une exonération de droit de douane sur des marchés porteurs pour mieux concurrencer les pays émergents. Pour les ACP, cette situation réduirait effectivement l’appareil productif avec les risques de perte de savoir-faire, de baisse de recettes fiscales, de non réalisation de programmes sociaux et de chômage. Les rapports Martens et Rocard de la Commission de développement et de coopération de l’UE préconisent le rééquilibrage du partenariat en faveur des ACP.

Les secteurs ciblés dans l’aide au développement concernent aussi des domaines investis par les intérêts européens sur le continent. La suppression annoncée des outils de soutien de produits de base comme le Stabex et le Sysmin, renforce notre conviction que ces nouveaux accords ne sont pas favorables aux ACP.

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La conclusion entre certains pays africains et l’UE d’accords de pêche injustes constituent des pièges à éviter. Sur les APE, de larges concertations devraient être menées afin d’éviter des pressions sur les dirigeants gouvernementaux.

Nous recommandons aux ACP de poursuivre les stratégies de diversification des relations de coopération à l’égard de pays comme la Chine, le Brésil, l’Inde et les pays arabes.

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Diversification des relations de coopération

Nous recommandons aux ACP de poursuivre les stratégies de diversification des relations de coopération à l’égard de pays comme la Chine, le Brésil, l’Inde et les pays arabes. Concernant les relations entre l’UE et l’Afrique, nous préconisons un véritable Plan Marshall européen qui pourrait concerner cinq pays qui serviraient de locomotives. L’Europe pourrait bénéficier de relais de croissance en Afrique et stopper les flux migratoires indésirables si des joint-ventures favorisant le transfert de technologie, et mettant à profit une main d’œuvre locale qualifiée et peu chère étaient promus. Les drames de Lampedusa constituent un baromètre de mesure de l’échec du partenariat entre l’Europe et l’Afrique. Des banques de développement et des fonds de garanties suffisamment abondés accompagneraient la microfinance et les PME. La levée du secret bancaire, la lutte contre les paradis fiscaux et le renforcement des dispositifs de lutte contre la corruption devraient permettre d’éviter les retours de fonds vers l’Europe. Les barrières non tarifaires, en tant que véritable obstacle au commerce devraient être abolies.

Et si les États africains abandonnaient les APE au profit du jeu des mécanismes de marché induisant la concurrence sur le continent, l’Afrique en serait-elle plus mal lotie ?

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