Manzi Rugirangoga lance le « futurisme africain » au Rwanda

Éditeur et auteur de « La légende de Havilah », récit fantastique mêlant Rwanda futuriste et références mythologiques, Manzi Rugirangoga souhaite développer la science-fiction africaine dans son pays et partager la culture rwandaise avec le plus grand nombre.

L’éditeur et auteur Manzi Rugirangoga. © Alan Bernigaud.

L’éditeur et auteur Manzi Rugirangoga. © Alan Bernigaud.

Publié le 16 juin 2024 Lecture : 3 minutes.

Sourire aux lèvres, c’est à peine rentré d’une tournée en Afrique de l’Ouest que Manzi Rugirangoga nous accueille au Centre culturel francophone du Rwanda, où il travaille comme responsable de la médiathèque. Après avoir été invité au Masa d’Abidjan, l’écrivain a assisté à l’édition guinéenne du festival de BD Bilili, « dans le but de l’importer à Kigali ». Force tranquille en apparence, le trentenaire déborde de projets pour partager les cultures africaines, et plus particulièrement la culture rwandaise.

Afrofuturisme ou futurisme africain ?

Premier auteur de son pays à se plonger dans ce qu’il nomme le « futurisme africain », Manzi Rugirangoga a publié en français son premier roman, La légende de Havilah, en 2020. Il travaille aujourd’hui à son adaptation en BD avec l’artiste illustrateur Tony Bakatubia. « La BD sera composée de dix tomes de 54 planches pour bien développer l’univers fantastique que j’ai créé », explique l’artiste. Véritable récit initiatique, le roman retrace le parcours du jeune Gisa, qui a fui son village de Havilah où sévit Kizimu, l’esprit du lac. Il parcourt alors de nombreuses contrées aux cultures très distinctes, toutes inspirées de différentes régions africaines, et rencontre des entités mystiques.

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Si Manzi Rugirangoga utilisait initialement le terme d’« afrofuturisme» pour décrire son genre, il s’en détourne depuis peu et préfère parler de « futurisme africain ». « L’afrofuturisme vient de la diaspora américaine et imagine une Afrique moderne mais homogène. Avec le futurisme africain, je veux évoquer la projection futuriste par les Africains, en partant de leur culture. » Si les lecteurs ont été beaucoup plus réceptifs que ce qu’il imaginait – la seconde réimpression de son roman est en cours après avoir écoulé environ 500 exemplaires –, il sent aussi de l’intérêt du côté des artistes. L’éditeur réfléchit d’ailleurs à un nom spécifique en swahili à donner à ce genre et espère impulser un mouvement dans son pays.

Modernité et mythes

Manzi Rugirangoga s’inscrit dans la génération des jeunes adultes qui donnent un nouveau souffle à l’industrie culturelle rwandaise. S’il décrit des villes futuristes, le livre fourmille de références aux mythologies de toute l’Afrique et des Caraïbes. « J’ai eu l’idée de La légende de Havilah durant un rêve où je voyais Kigali moderne mais avec des habitants en habits traditionnels, raconte l’écrivain. Je me suis alors beaucoup documenté sur la culture des autres pays d’Afrique. La mythologie égyptienne et la culture rwandaise sont la colonne vertébrale du roman, mais j’y ai ajouté des références aux mythes du Congo, de Haïti, d’Éthiopie et de l’Empire mandingue. »

L’entremêlement de la modernité et du retour aux racines résonne avec son parcours personnel. Né à Kigali en 1993, l’écrivain fait partie des enfants exfiltrés au Burundi par des convois humanitaires lors du génocide perpétré contre les Tutsi. Il est ensuite récupéré par son père, qui habite en Saône-et-Loire (France). En quête de sens et d’identité, il retourne vivre dans son pays natal à 15 ans, où il apprend le kinyarwanda et « trouve les réponses à [s]es questions ». De retour en France pour des études de sociologie et de sciences de l’éducation, il fonde l’Organisation de la jeunesse afrodescendante de Lyon (OJAL) et organise des conférences et des projections de films « dans un but d’éducation politique liée au panafricanisme ».

Éduquer par les livres

C’est à cette période que ce grand lecteur réfléchit au meilleur moyen de transmettre les cultures africaines. « En regardant Naruto, je me suis dit que la fiction était la solution pour montrer l’unité et la diversité de mon continent. » Le fan de manga se lance dans l’écriture de son roman, puis souhaite le publier lorsqu’il s’installe définitivement au Rwanda en 2019. Peu convaincu par les maisons d’édition et leur rémunération désavantageuse pour les auteurs, il fonde Elimu Editions, qui signifie « éducation » en swahili.

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Toujours dans une démarche de partager la culture et l’histoire, il voit son roman comme la première pierre d’un projet beaucoup plus grand. Si le premier tome de sa BD devrait sortir à la fin de l’année, il espère également pouvoir créer un anime sur son héros. Autre projet : traduire son roman en anglais et réaliser une version audio en kinyarwanda, pour mieux toucher le public rwandais, davantage intéressé par le sonore. « J’aimerais aussi développer ma maison d’édition et organiser des événements culturels, ajoute Manzi Rugirangoga. En plus des essais sur l’éducation et des romans fantastiques que j’ai déjà publiés, je souhaiterais aussi traduire des grandes œuvres africaines en kinyarwanda et, bien sûr, publier la suite de La légende de Havilah. » Le mouvement est lancé.

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