En Égypte, le gouvernement change, pas la politique de Sissi

Le président égyptien a reconduit Mostafa Madbouli au poste de Premier ministre, le chargeant de former une nouvelle équipe d’experts. Ses chantiers prioritaires : la sécurité nationale, la poursuite de la réforme économique adoptée en coopération avec le FMI et la recherche de nouveaux investisseurs.

Le Premier ministre égyptien, Mostafa Madbouli, et le président Sissi au Caire, le 3 juin 2024. © Facebook de la présidence égyptienne

Le Premier ministre égyptien, Mostafa Madbouli, et le président Sissi au Caire, le 3 juin 2024. © Facebook de la présidence égyptienne

Publié le 5 juin 2024 Lecture : 3 minutes.

Démissionnaire lundi 3 juin, le chef de gouvernement Mostafa Madbouli a immédiatement été reconduit dans ses fonctions par Abdel Fattah al-Sissi. Il travaille, depuis, à former un nouveau cabinet. Selon la Constitution égyptienne, le Premier ministre doit choisir sa nouvelle équipe avant de prêter serment devant le président de la République. Il dispose ensuite de vingt jours pour soumettre son gouvernement et son programme au vote au parlement, le vote de celui-ci devant intervenir dans les 10 jours qui suivent.

Selon une source officielle, la démission du gouvernement de Madbouli aurait théoriquement dû avoir lieu dès l’investiture du chef de l’État pour son troisième mandat, le 2 avril dernier. Mais c’est Sissi lui-même qui a demandé à reporter cette démission. La même source indique aussi à Jeune Afrique que le nouveau gouvernement n’était, dès le départ, conçu que pour être une version légèrement revue du précédent. Et que le changement devait concerner huit à onze portefeuilles ministériels.

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Si le détail du remaniement n’est pas encore connu, on sait que l’opération vise particulièrement les ministres ayant des responsabilités économiques, connus sous le nom de « groupe économique ». Le ministre des Finances, Mohamed Maït, fortement critiqué pour sa gestion de la situation économique, est ainsi donné partant, selon notre source. Trois autres pourraient quitter leur poste : le ministre de l’Approvisionnement, Ali al-Moselhi, celui de l’Éléctricité, Mohamed Chaker, et le titulaire du portefeuille du Pétrole, Tarek al-Moulla.

La même source indique que le chef de la diplomatie égyptienne, Sameh Shoukry, pourrait lui aussi vivre ses derniers jours au poste qu’il occupe depuis l’arrivée de Sissi au pouvoir, en 2014. Par ailleurs, un nouveau portefeuille ministériel consacré à l’investissement pourrait faire son apparition afin d’encourager l’arrivée de flux financiers étrangers dans le pays. Le ministère du Tourisme et des Antiquités, quant à lui, pourrait être divisé en deux entités distinctes. Son actuel titulaire, Ahmed Eissa, serait aussi sur la liste des sortants.

Reste que sur les réseaux sociaux et dans les médias, c’est d’abord la décision de maintenir Mostafa Madbouli à son poste qui suscite la polémique. Sur X, un hashtag #al-Hokoma-al-Gadida (« le nouveau gouvernement ») est apparu et concentre les messages moqueurs ou critiques.

Du tout-État au tout-privé

« Les ministres qui ont travaillé pendant les années précédentes ont des convictions différentes de celles dont l’État a besoin actuellement, a commenté dès le 3 juin au soir Amr Adib, présentateur d’un talk-show de la chaîne MBC Masr connu pour être favorable au pouvoir. Par le passé, la conviction qui prévalait était que c’est l’État qui construit, réalise et fabrique. Maintenant, on demande aux mêmes personnes d’être convaincues que c’est le secteur privé qui opère et que le gouvernement doit surtout appliquer une politique d’austérité. »

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« La direction politique de l’État voit en Mostafa Madbouli le responsable qui fait ce qui lui est demandé, qui ne s’oppose pas aux décisions prises au-dessus de lui. Madbouli est un exécutant, pas un décideur. Donc ce changement de gouvernement est purement cosmétique, il n’a rien de politique », estime de son côté Elhamy al-Merghani, secrétaire général du parti al-Tahalof al-Shaabi al-Eshtraki (Alliance populaire socialiste). « Malheureusement, poursuit-il, le choix de Madbouli revient à donner son approbation à sa politique basée sur l’emprunt et un fort niveau de taxation de la population, ce qui a déjà fait grimper le niveau de pauvreté de nos compatriotes. »

L’Égypte est frappée depuis plus de deux ans par une crise économique forte. Pour en sortir, les autorités ont concédé aux Émirats arabes unis le développement d’un territoire sur la Méditerranée, Ras el-Hekma, pour 35 milliards de dollars. Un accord avec le FMI a aussi permis de débloquer un nouveau prêt de 8 milliards de dollars en échange d’une nouvelle dévaluation de la livre égyptienne. La semaine dernière, Madbouli a par ailleurs annoncé une nouvelle hausse du prix de l’électricité et du carburant. « Le peuple égyptien est en colère contre la hausse de prix continue et constate l’échec des autorités à améliorer la situation, mais le régime poursuit la même politique », conclut sévèrement Elhamy al-Merghani.

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Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi lors de la cérémonie de sa prestation de serment après sa réélection, dans la « nouvelle capitale administrative », le 2 avril 2024. © (Egyptian Presidency/Handout via Xinhua) – Sui Xiankai -Credit:CHINE NOUVELLE/SIPA

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