Pour Kemi Seba, un séjour burkinabè en demi-teinte
Mauvais timing politique ou manque d’adhésion populaire ? Certains rendez-vous de la « visite officielle » de l’activiste franco-béninois à Ouagadougou semblent avoir été boudés par les citoyens burkinabè.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 17 juin 2024 Lecture : 2 minutes.
Relayée sur TikTok, une vidéo de Kemi Seba au Burkina Faso a remporté le pari de la viralité tant prisée par l’idéologue des réseaux sociaux. Mais le décryptage de la scène est à double tranchant. Sur la place des Nations unies, symbole de la « veille citoyenne » pro-Ibrahim Traoré, le Franco-Béninois harangue la foule. Il surfe sur la rhétorique sankariste mécanique du « À bas ! » répondu à des incantations.
Alors qu’il a toujours affirmé être davantage contre les régimes ponctuels de certains pays que contre les pays eux-mêmes, Seba appelle à condamner « les États-Unis », « l’Union européenne », puis « les traîtres endogènes » et « les ennemis d’Ibrahim Traoré ». Alors qu’il cesse sa litanie pour s’adresser directement à ses « frères et sœurs » présents, une femme lui répond… « À bas ! »
Humour, manque de concentration ou absence de maîtrise de la langue employée par le rhéteur du jour ? L’anecdote qui provoque sourires et non réprobation ne prête pas à surinterprétation. Sauf que le bilan du séjour ouagalais de Kemi Seba semble présenter d’autres couacs.
(Quasi) symbiose avec le régime
Du côté des cases cochées, le président de l’ONG Urgences panafricanistes a eu droit à son cliché avec le désormais « président du Faso », rencontré le lendemain de la date initialement annoncée et le surlendemain de l’explosion d’une roquette près de la présidence. Il a également pu tenir l’une de ses traditionnelles conférences de presse, relayée le 14 juin par la télévision nationale burkinabè, durant laquelle il a exposé avec gourmandise son attachement à la terre de Thomas Sankara.
Le Franco-Béninois ne boudait certainement pas son plaisir, lui qui fut expulsé du Faso en 2021, et même condamné, en 2019, pour « outrage » au président Kaboré. En 2024, la météo est-elle pour autant au beau fixe entre l’activiste et le régime burkinabè ?
Durant cette même conférence de presse, le panafricaniste a indiqué qu’il fallait « éviter de brandir les drapeaux russes lors des manifestations », car « cela nous ridiculise ». Une assertion qui a inspiré au ministre d’État burkinabè, ministre de la Fonction publique, du Travail et de la Protection sociale, Bassolma Bazié, une sorte de recadrage alambiqué : « brandir le drapeau d’une nation avec laquelle on a plus d’intérêts n’est aucunement de l’émotion de sorte à en avoir honte : c’est aussi de la diplomatie ! L’ignorer serait s’inviter à se perdre à coup sûr. »
Foules sporadiques
Il restait au Franco-Béninois à faire la démonstration d’une mobilisation populaire. Les cadrages plutôt serrés des vidéos de l’arrivée à l’aéroport et de la diatribe de la place des Nations unies ne permettent guère de tirer des conclusions.
Quant au « grand meeting panafricaniste » prévu à la très symbolique Maison du Peuple – ancienne maison de l’Union démocratique voltaïque (UDV) réquisitionnée, sous l’ère Sankara, pour les tribunaux populaires -, il a fait pschitt. La foule présente était si clairsemée que le leader panafricaniste ne s’y est même pas présenté. Peur de l’image ? Ses pérégrinations à la place de la Nation et à l’université n’auraient pas mobilisé davantage la jeunesse.
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