L’Algérien Aissa Rahmoune devient secrétaire général de la Fédération internationale pour les droits humains

Militant puis dirigeant au sein de la ligue algérienne des droits de l’homme, dissoute par le pouvoir, avocat des détenus du Hirak, l’ex-membre du barreau de Tizi Ouzou bénéficie maintenant d’une tribune mondiale.

L’avocat et militant pour les droits de l’homme Aissa Rahmoune. © Facebook

L’avocat et militant pour les droits de l’homme Aissa Rahmoune. © Facebook

Publié le 8 juillet 2024 Lecture : 3 minutes.

En 2021, l’avocat Aissa Rahmoune devait prendre une décision difficile : choisir entre l’exil et la prison. Alors qu’il venait de sortir d’un procès dans lequel il défendait des détenus du Hirak à Tizi Ouzou, il est alors arrêté pour la troisième fois en peu de temps, puis relâché. Il apprend quelques jours plus tard par une source au sein des Renseignement généraux que l’on prépare un dossier contre lui.

Le juriste opte alors pour l’exil. Dans l’urgence, il prend l’avion, avec sa femme et son fils de 5 ans, à destination de Tunis, puis se réfugie en France, où il continue de militer pour les droits de l’homme. Il ne connaissait jusque là le pays qu’a travers ses missions de plaidoyer.

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Trois ans plus tard, tout a changé pour Aissa Rahmoune. Le 29 juin 2024, il a été nommé, lors d’une réunion du bureau international à Paris, au poste très convoité de secrétaire général de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), qui regroupe 188 ligues et organisations de défense des droits de l’homme dans 116 pays à travers le monde. Dirigée par la juriste botswanaise Alice Mogwe, la Fédération comprend plusieurs secrétaires généraux issus de différentes parties du monde, parmi lesquels l’Ivoirien Drissa Traoré.

Mise sous scellés

Depuis novembre 2022, le militant occupait déjà la fonction de vice-président de la même organisation, ainsi que celle de coordinateur du Comité de sauvegarde de la Ligne algérienne des droits de l’homme (LADDH). Cette dernière faire d’ailleurs l’objet d’un processus de dissolution, lancé le 22 janvier 2023 en raison, selon l’arrêt du tribunal administratif d’Alger, de ses « activités hostiles au pays sous l’instigation de lobby maroco-sioniste ainsi que des députés de la gauche française au sein du Parlement européen ».

L’ONG, qui n’a pas été informée de la procédure lancée contre elle, a appris, comme l’opinion publique, son interdiction d’exercer sur les réseaux sociaux, où circulait le jugement. Il lui a fallu quarante-huit heures pour authentifier le document judiciaire. Et son bureau le plus actif, celui de Tizi Ouzou, au sein duquel Rahmoune a commencé son combat de militant, a été mis sous scellés dès le lendemain.

« C’est un nouveau choc », commentait à l’époque l’activiste, alors qu’à la même période, le journaliste et directeur du dernier média indépendant encore en activité, Radio M, était incarcéré. Dénonçant l’arrestation d’Ihsane El-Kadi, l’avocat avait alors interpelé les États européens, dont la France, leur reprochant de ne pas réagir à ces atteintes aux droits de l’homme et à la liberté d’expression.

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Désormais nommé au secrétariat général de la FIDH, Aissa Rahmoune considère d’abord ce choix comme « une reconnaissance internationale pour la LADDH et son combat », expliquent ses proches. « C’est aussi l’expression d’une solidarité et d’un soutien sans faille en faveur des défenseurs des droits algériens, qui demeurent ostracisés et réprimés dans leur propre pays », a estimé dans un communiqué la direction de la ligue dissoute.

De tous les combats pour les libertés

Ancien membre du barreau de Tizi Ouzou cumulant une vingtaine d’années d’expérience, Aissa Rahmoune ne ratait aucune des marches du Hirak, le soulèvement pacifique populaire qui a provoqué la chute du président Abdelaziz Bouteflika au bout de vingt ans de règne. Après la répression qui s’est abattue sur les manifestants, il a rejoint le collectif d’avocats de défense des détenus d’opinion.

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Son mentor, Ali Yahia Abdelnour, mort en 2021, a lui-même été de tous les combats pour les libertés en Algérie, de la création de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme, en 1985, au soutien apporté publiquement au Hirak. Aissa Rahmoune a aussi été très proche des deux anciens présidents de la LADDH, les avocats Mustapha Bouchachi et Noureddine Benissad. Fort de ces soutiens, il a vite accédé à des postes à responsabilité au sein de la Ligue, jusqu’à en être nommé vice-président chargé de la formation et des relations internationales.

Plus tard, il a aussi bénéficié du précieux appui de Nacéra Détour, présidente de SOS disparus Algérie et militante franco-algérienne pour les droits humains. Avec son accession au secrétariat général de la FIDH, Aissa Rahmoune s’engage  maintenant à être le « porte voix des défenseurs des droits de l’homme en Algérie et dans toute le région ».

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