Aïcha Koné, d’« Africa liberté » aux louanges des putschistes du Sahel
Elle appelle Ibrahim Traoré « mon fils » et félicite les juntes au pouvoir au Sahel pour leur « noble combat ». Portrait de la chanteuse ivoirienne qui cartonne sur les réseaux avec un titre à la gloire de l’Alliance des États du Sahel.
Au début des années 1990, le vent du multipartisme souffle sur l’Afrique de l’Ouest et Aïcha Koné remplit des salles sur l’air d’Africa liberté. En 2024, la « diva » ivoirienne chante les louanges des régimes militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger sur Tik Tok. Son dernier opus, posté le 26 août sur la plateforme chinoise de vidéos en ligne – où elle compte plus d’un demi-million d’abonnés –, commence par ces mots : « AES, la marche vers la liberté ! AES, c’est toi qui as raison ! »
Douceur et lyrisme
Dans une chanson écrite en 2022 à la gloire du leader malien, le colonel Assimi Goïta, Aïcha Koné célèbre également le président russe Vladimir Poutine, devenu en quelques années le principal soutien des juntes sahéliennes, à mesure que la France, les États-Unis et d’autres pays occidentaux étaient mis à la porte. « Les Fama [Forces armées maliennes], force à vous », fredonne sur le même titre la star ivoirienne, après de premières mesures aux allures de marche militaire.
« Mama Africa », comme nombre de ses fans l’appellent, a fait ses débuts il y a plus de quarante-cinq ans sur les plateaux de la RTI, la télévision d’État ivoirienne où l’animateur vedette de l’époque, George Taï Benson, sera touché par son timbre de voix, « pur, limpide » et sa « diction ». D’abord choriste, puis chanteuse soliste, elle a côtoyé les plus grands artistes africains de l’époque : son « modèle » la Sud-africaine Miriam Makeba, le Camerounais Manu Dibango, le Congolais Tabu Ley Rochereau, les Sénégalais Youssou N’Dour et Ismaël Lô…
La voix des hits Aminata et Africa liberté est notamment reconnaissable à sa douceur et son lyrisme. Ses morceaux issus de la musique mandingue utilisent une langue, le dioula, mais abandonnent les instruments traditionnels comme les balafons pour les guitares, le piano et les cuivres. « C’était une chanteuse moderne » à ses débuts, qui a « étonné », et « une personnalité musicale qui ne passe pas inaperçue », dont le succès a touché « tout le continent », analyse Boncana Maïga, son arrangeur, très réputé.
Proche des chefs d’État
Dès le début de sa carrière, Aïcha Koné était proche des chefs d’État, bien avant le retour des régimes militaires en Afrique de l’Ouest. Dans la maison de l’artiste âgée de 67 ans, de nombreuses photos encadrées la montrent aux côtés de présidents ivoiriens – Félix Houphouët Boigny (1960-1993), Henri Konan Bédié (1993-1999) qui l’ont tous deux aidée financièrement assure-t-elle, ou Laurent Gbagbo (2000-2010).
Trente ans plus tard, plus de costume ni de cravate : ce sont des hommes en uniforme, devenus chefs d’État par la force, qui la reçoivent. En août, c’est le général nigérien Abdourahamane Tiani qui l’accueillait à Niamey, après avoir donné une série de concerts dans la capitale. Quelques semaines plus tôt, le président du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré – qu’elle appelle affectueusement « mon fils » –, lui faisait la bise à Ouagadougou. La séquence, filmée et postée sur Tik Tok par la chanteuse, dépassait fin août plus d’un million de vues.
« On a tous envie d’avoir notre indépendance », justifie-t-elle, en vantant le « noble combat » des juntes au Mali, au Burkina et au Niger, trois anciennes colonies françaises qui ont « affirmé haut et fort qu’elles veulent prendre leur destin en main ». « Moi je leur dis bravo. Il leur faut des soutiens et je fais partie de ces soutiens-là », ajoute-t-elle.
Autre artiste ivoirien, la star de reggae Tiken Jah Fakoly, porte-drapeau des luttes anticoloniales et panafricanistes, avait affiché son soutien à l’AES avant de dénoncer cet été la répression brutale des voix discordantes. « J’ai toujours chanté pour la paix », assure quant à elle Aïcha Koné.
(Avec AFP)
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