Droits de l’homme en RDC : les silences du président Tshisekedi

S’exprimant devant l’Assemblée générale des Nations unies, le 25 septembre, Félix Tshisekedi n’a pas mentionné la détérioration de la situation des droits de l’homme dans son pays. Pourtant, la RDC espère intégrer le Conseil des droits humains de l’ONU, le 9 octobre. La communauté internationale doit l’inciter à changer de cap.

Félix Tshisekedi, le président de la RDC, s’exprimant à l’Assemblée générale de l’ONU, le 25 septembre 2024. © UN Photo/Loey Felipe

Félix Tshisekedi, le président de la RDC, s’exprimant à l’Assemblée générale de l’ONU, le 25 septembre 2024. © UN Photo/Loey Felipe

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Publié le 4 octobre 2024 Lecture : 4 minutes.

Au début de son premier mandat, en 2019, Félix Tshisekedi, le président de la RDC, avait promis de protéger les droits humains. Son gouvernement semble pourtant aller à rebours de ces promesses. La réponse des autorités au conflit armé et aux violences intercommunautaires qui ravagent le pays depuis des décennies n’a pas permis d’améliorer la situation sécuritaire – elle l’a même parfois aggravée.

Si la communauté internationale doit se préoccuper des graves violations des droits humains que commettent des groupes armés dans l’est de la RDC, y compris du soutien présumé du Rwanda et d’autres pays à certains de ces groupes, elle doit également accentuer la pression sur le gouvernement congolais pour qu’il fasse respecter les droits humains et qu’il remédie à des injustices économiques et sociales profondément enracinées.

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La RDC est confrontée à l’une des crises humanitaires les plus longues que le monde ait connues. D’est en ouest et du nord au sud, la population vit sous la menace quotidienne d’une myriade de groupes armés. En outre, des soldats congolais et des milices affiliées s’en prennent aux civils et commettent des crimes, souvent en toute impunité.

État de siège en Ituri et dans le Nord-Kivu

Les personnes déplacées à l’intérieur du pays, en particulier les femmes et les jeunes filles, sont les plus durement touchées par ce conflit. Dans les camps d’accueil de ces réfugiés, les agressions sexuelles sont monnaie courante. Elles sont exacerbées par de déplorables conditions de sécurité et par les carences de l’aide humanitaire.

Ne rien faire pour protéger ces personnes vulnérables est tout simplement inadmissible. La communauté internationale doit demander des comptes au gouvernement congolais. Celui-ci se révèle en effet incapable de sanctionner et même de prévenir – les agressions sexuelles ou les attaques contre les civils, et il reste les bras croisés devant la catastrophe humanitaire.

Le gouvernement congolais et la communauté internationale doivent allouer davantage de fonds à l’action humanitaire afin de répondre aux besoins urgents de la population : nourriture, logement, santé, éducation.

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L’état de siège imposé, en mai 2021, dans le Nord-Kivu et en Ituri, a joué un rôle majeur dans la détérioration de la situation des droits humains dans l’est de la RDC. Cette mesure exceptionnelle, qui s’apparente à un état d’urgence, militarise de facto la vie quotidienne, puisque tous les pouvoirs sont entre les mains des militaires et des policiers. Il est grand temps de mettre fin à cet état de siège et d’adopter une approche axée sur le respect des droits humains, afin de rétablir la sécurité.

Par ailleurs, une vague de répression s’est abattue sur le pays, sous le prétexte de le défendre contre ses ennemis. Des journalistes, des militants issus de la société civile, des opposants font l’objet de menaces, de détentions arbitraires et de harcèlement judiciaire.

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En militarisant le pouvoir judiciaire, le gouvernement de Félix Tshisekedi a trahi les espoirs et les aspirations de ceux qui s’étaient élevés contre les violations de leurs droits sous la présidence de Joseph Kabila. Tout aussi inquiétante est la décision du gouvernement, prise en mars dernier, de rétablir la peine de mort après plus de deux décennies d’interruption. Depuis, les tribunaux militaires ont prononcé plus d’une centaine de condamnations à mort, et le risque grandit d’assister à des exécutions pour motifs politiques.

Prison de Makala

La tragédie qui s’est déroulée à la prison de Makala, à Kinshasa, en septembre dernier – plus de 120 morts, des centaines de blessés et plus de 200 femmes ou jeunes filles victimes d’agressions sexuelles, notamment de viols collectifs – a mis en lumière les conditions déplorables de la vie en milieu carcéral. Le chef de l’État doit veiller à ce que les tribunaux diligentent une enquête transparente et à ce qu’ils poursuivent tous les responsables, y compris au sein de la classe politique ou dans les milieux sécuritaires, qui n’ont pas su prévenir ce drame. La communauté internationale doit faire pression sur le gouvernement congolais et l’aider à adopter au plus vite des réformes dans le domaine du droit pénal et de la détention afin que de telles tragédies ne se reproduisent plus.

Le gouvernement n’a guère traduit devant les tribunaux les Congolais ou les étrangers auteurs de crimes qui relèvent du droit international. Des personnalités influentes continuent d’agir en toute impunité, ce qui alimente le cycle de la violence. Les initiatives qui favorisent d’autres formes de justice, comme les indemnisations et les réparations, demeurent très insuffisantes. Les victimes sont déçues par l’absence de transparence et par la lenteur de ces initiatives, qui semblent trop souvent plus symboliques que concrètes.

Le conflit armé n’est pas la seule menace existentielle qui pèse sur des milliers de personnes. La RDC est un gros fournisseur de cuivre et de cobalt – des minerais essentiels à la transition mondiale vers les énergies renouvelables. Cependant, comme le souligne Amnesty International dans son rapport « Alimenter le changement ou le statu quo ? », publié en 2023, la hausse des investissements dans le secteur minier industriel s’accompagne de nouvelles atteintes aux droits humains, telles que des expulsions forcées massives ou que la pollution de l’environnement, ce qui met en péril les populations. La toxicité de la pollution et la dangerosité des conditions de travail sont un fléau pour les mineurs artisanaux, en particulier dans les provinces du Sud riches en cobalt.

La communauté internationale ne peut plus se permettre d’ignorer la gravité de la situation. Les alliés du président Tshisekedi – en particulier les États-Unis, l’Afrique du Sud, l’Angola, la Belgique et la France – doivent user de leur influence et exiger des comptes.

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