Les divas et les dictateurs

Les chanteuses à la mode nourriraient-elles une fascination malsaine pour les dictateurs ? Ne cèdent-elles qu’à l’appât du gain ? Ces questions se posent une nouvelle fois après la prestation récente d’Erykah Badu au Swaziland.

L’oeil de Glez. © Glez

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Publié le 5 mai 2014 Lecture : 3 minutes.

Mélomanes ou pas, les présidents de tous poils sont habités par le “fantasme Kennedy”, du nom de ce président américain à l’anniversaire duquel la pulpeuse Marilyn Monroe avait murmuré un “Happy Birthday, mister président” des plus langoureux. Si J.F.K. avait l’argument du beau gosse, d’autres chefs d’État, autocrates, ont celui des cordons de la bourse. Et l’on rejoue à l’envi les scènes de “La belle et la bête"…

Qu’offrir de mieux, sinon une lauréate de Grammy awards ?

C’est ainsi que Mswati III, dernier monarque absolu d’Afrique, s’est vu offrir “sa” Marilyn à son 46e anniversaire, le 19 avril dernier. C’est la chanteuse américaine de soul Erykah Badu qui a entonné un “Joyeux anniversaire” de luxe au roi du Swaziland. Tollé parmi les activistes de la société civile américaine : instantanément, la Fondation pour les droits de l’homme (HRF) monte sur ses grands chevaux et se fend d’un communiqué où elle juge incompatible le statut de “tyran corrompu” de Mswati et “l’engagement de la chanteuse en faveur des droits de l’homme”. Via Twitter, la star affirme n’avoir rien su “du climat politique” de ce pays d’Afrique australe et n’avoir pas été rémunérée. Le quotidien d’État Swazi Observer soutient pourtant que la prestation musicale aurait été un cadeau d’anniversaire de la part du joaillier américain Jacob Arabo. En 2012, c’est un jet que le monarque avait reçu. Qu’offrir de mieux, sinon une lauréate de Grammy awards ?

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Si l’association entre une chanteuse et un autocrate semble contre-nature, elle est classique. Au point que le musicien français Jacques Offenbach composa, dès 1868, l’opéra-bouffe “La Périchole, la chanteuse et le dictateur”. Un siècle et demi plus tard, la combinaison reste d’actualité. L’année dernière, toujours en Afrique, le président angolais -35 ans de pouvoir- faisait venir à ses oreilles les mélopées de la pulpeuse diva Mariah Carey. Jose Eduardo dos Santos aurait déboursé 1 million de dollars pour deux heures de concert. Mis en cause par The Human Rights Foundation, l’honneur de Maria est-il sauf si l’on précise qu’il s’agissait officiellement d’un gala pour la Croix-rouge angolaise ? Les tarifs caritatifs ne sont plus ce qu’ils étaient…

Au Nord du continent, c’est le Guide de la Jamahiriya arabe libyenne qui prenait des allures de tourneur. Début 2011, ce sont des fuites de WikiLeaks qui révélaient le goût du colonel Kadhafi pour les cantatrices modernes. La même Mariah Carey aurait touché 1 million de dollars du clan Kadhafi pour interpréter quatre chansons. La chanteuse canadienne Nelly Furtado confessait avoir reçu 1 million d’euros pour se produire, en 2007 et pendant 45 minutes, devant les invités du clan Kadhafi. L’histoire ne dit pas formellement combien l’Américaine Beyoncé perçut pour avoir chanté devant Hannibal Kadhafi, fils de Mouammar, au Nouvel An 2009, à Saint-Barthélemy. Pour se dédouaner, l’ancienne Destiny’s Child affirma n’avoir découvert que tardivement le commanditaire et reversa le cachet aux victimes du tremblement de terre d’Haïti. Comme le silence est propice aux rumeurs, certaines sources évoquent 2 millions de dollars pour cinq chansons…

La mode des prestations pour dictateurs ne concerne pas que l’Afrique.

Bien sûr, la mode des prestations pour dictateurs ne concerne pas que l’Afrique. Comme Erykah Badu, c’est pour un “Happy Birthday” un peu spécial que sa compatriote Jennifer Lopez aurait touché la modique somme de 1 073 000 euros. “JLo” s’excusa pour cette chansonnette fredonnée, en tenue traditionnelle locale, à la gloire de Gurbanguly Berdimuhamedov, le dictateur du Turkménistan.

Bien sûr, ce ne sont pas non plus que les artistes féminines qui sont concernées par ces “dérapages” artistiques. Les rappeurs 50 Cent et Jay-Z, les chanteurs Lionel Richie, Jon Bon Jovi et Usher auraient, eux aussi, concédé leurs cordes vocales à des sauteries de la famille Kadhafi.

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C’est ainsi : le pouvoir fascine les artistes et le show-business hypnotise les sphères dirigeantes. Le très rigoriste Oussama ben Laden ne se serait-il pas damné pour un hymen avec la chanteuse américaine Whitney Houston ? Le président chinois Xi Jinping n’épousa-il pas, en secondes noces, la cantatrice Peng Liyuan ? Et le chef de l’État français Nicolas Sarkozy, en troisième noce, la chanteuse Carla Bruni ? Si l’on aime les chanteuses, il faut savoir écouter les chansons, comme celle qui indique que « les histoires d’amour finissent mal en général ». Celles des présidents et des artistes ne se terminent pas toujours bien. La chanteuse Hyon Song-wol, ex-petite amie du leader nord-coréen Kim Jong-un, a été fusillée sur ordre de ce dernier, pour une affaire de vidéo jugée “trop” impudique…

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Damien Glez

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