Russ Feingold : « Dans les Grands Lacs, le problème n’est pas encore réglé »

La résolution des problèmes de l’Est de la RDC passera par un dialogue direct entre les chefs d’État de la sous-région, estime Russ Feingold, l’envoyé spécial américain dans la région des Grands Lacs, dans une interview accordée à « Jeune Afrique » le 6 décembre, en marque du Sommet Afrique-France.

Russ Feingold. © AFP

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Publié le 20 décembre 2013 Lecture : 4 minutes.

Jeune Afrique : Vous effectuez une tournée pour trouver une solution négociée des problèmes dans les Grands Lacs. Mais qui doit négocier ? Kinshasa et les groupes rebelles ? Ou les États de la région ?

Russ Feingold : Aussi heureux que nous sommes que le Mouvement du 23-Mars (M23) a été démantelé et que les interférences dans l’est du Congo ont été réduites, cette tragédie n’est pas pour autant résolue. Non seulement il y a d’autres groupes armés, mais il y a des problèmes de sécurité des frontières, du retour sécurisé des réfugiés et des personnes déplacées. Ces problèmes-là ne se résoudront pas si nous ne créons pas un dialogue, conduit, évidemment, par les Africains. Je ne vais pas répondre à la question de qui et comment cela va être fait, mais la plupart des observateurs pensent que la conclusion des discussions de Kampala n’est pas suffisante. Que les pays eux-mêmes doivent s’asseoir autour d’une table.

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Aux racines du conflit, vous mentionnez donc les réfugiés congolais dans les deux pays voisins qui ne veulent pas rentrer car ils évoquent des craintes pour leur sécurité ?

Les experts, en particulier dans les pays de la région, remarquent que certains groupes ethniques ne se sentent pas à l’aise dans l’est du Congo. Des questions se posent au sujet d’éventuelles discriminations ethniques. Il s’agit donc d’une question importante. Il est difficile d’imaginer la paix et la sécurité dans l’est du Congo sans que les obstacles au retour sécurisé des populations soit l’un des sujets principaux du dialogue.

L’armée congolaise et les Casques bleus de la Monusco ciblent la rébellion rwandaise des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Ces rebelles disent qu’ils pourraient déposer les armes si Kigali accepte des négociations avec eux. Est-ce que ce type d’arrangement est possible ?

Les FDLR vont devoir faire face à leur responsabilité

Je crains que nous ayons atteint le point où les FDLR vont devoir faire face à leur responsabilité. Bien sûr, si les FDLR affirment, en tant que groupe, qu’ils sont prêts à se rendre, ou si des individus veulent faire défection, le gouvernement congolais et la Monusco sont prêts à les assister.

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Mais je ne pense pas que demander au gouvernement rwandais de débuter des discussions directes avec les FLDR est approprié. Les FDLR sont un groupe armé illégal, qui continue d’opérer à l’est du Congo. Le M23, qui continuait d’opérer, a été défait militairement avec l’aide de la Communauté internationale. Les FDLR doivent connaître le même sort. Il en va de la crédibilité de la communauté internationale.

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Selon certains sources rwandaises, il y a des liens entre le gouvernement congolais et les FDLR qui vont rendre le démantèlement des seconds par le premier très compliqué. Est-ce que cela fait partie de vos inquiétudes ?

Ce n’est pas une priorité, mais nous gardons les yeux ouverts. S’il y a des preuves d’une telle collaboration, nous devons les regarder sérieusement. Mais d’après ce que j’ai vu, et la plupart d’entre nous le pensons, c’est que, bien qu’il peut y avoir au niveau individuel des collaborations entre certains membres des FARDC et certains membres des FDLR, il est peu probable que cela intervienne au plus haut niveau.

La pression mise par les États-Unis sur le Rwanda est-elle la clé de la défaite du M23 ?

J’espère que notre gouvernement a joué un rôle positif pour que toutes les parties respectent leurs engagements dans l’accord cadre. Parmi ces engagements, il y avait la recommandation explicite de ne pas soutenir les groupes armés. Alors à chaque fois que nous craignions que cela ait pu être le cas, nous avons indiqué notre inquiétude à chaque partie concernée, et nous avons demandé à ce que cela ne soit pas fait.

Pourquoi la même attitude n’avait-elle pas été adoptée l’année dernière, quand Hillary Clinton était secrétaire d’État ?

Quand on a appris que le M23 se rendait, ma plus grande peur était que l’on pense que le problème était réglé.

Nous devons traiter tellement de crise autour du monde que, malheureusement, trop souvent, les crises en Afrique n’ont pas l’attention qu’elles méritent de la part des États-Unis. Je dirais que l’administration Obama a amélioré cela, en particulier vis-à-vis de la région des Grands Lacs.

L’autre élément c’est que les évènements qui ont conduit à l’accord cadre, la prise de Goma par le M23, sont assez récents. Il faudra que la communauté internationale garde une attention soutenue à la région des Grands Lacs. Quand on a appris que le M23 se rendait, ma plus grande peur était que l’on pense que le problème était réglé. C’est important, mais c’est seulement un des petits aspects d’une situation compliquée, qui ne peut être réglée que par un dialogue entre les États. Cela ne fait que commencer.

Quel est l’état des relations entre le Rwanda et les États-Unis ?

Je crois que notre relation est très bonne. Les réunions et l’accès que j’ai eu aux leaders de ce pays ont été exceptionnels. Nous avons eu des désaccords sur le respect de l’accord cadre, et nous avons été francs sur ce sujet. Nos inquiétudes ont mené à des changements dans notre assistance à ce pays. Mais cela n’a pas vocation à être permanent et nous espérons qu’une nouvelle période, dans laquelle nous n’avons plus d’inquiétudes, peut désormais s’ouvrir.

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Propos recueillis par Pierre Boisselet
 

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