Edmond Mulet : « Plus on attend, plus la réponse à la crise en Centrafrique sera difficile et coûteuse »
Le sous-secrétaire général des Nations unies chargé des opérations de maintien de la paix, Edmond Mulet, s’est rendu en Centrafrique du 4 au 8 novembre à la tête d’une mission tripartite ONU-Afrique centrale-Union africaine pour évaluer les conditions d’un soutien international à la Misca. Le 18 novembre, un rapport sera présenté par Ban Ki-moon devant le Conseil de sécurité avant qu’une résolution ne soit adoptée début décembre. Edmond Mulet explique à « Jeune Afrique » les divers options envisagées pour résoudre la crise centrafricaine.
JEUNE AFRIQUE : Vous revenez de plusieurs jours en Centrafrique, quelle évaluation faites-vous de la situation sur place ?
Edmond Mulet (photo ci-contre) : On a pu constater que la situation interne se dégrade jour après jour. Que ce soit au niveau humanitaire, ou à celui des droits de l’homme. La violence et l’insécurité sont vraiment visibles.
Un expert de l’ONU a récemment mis en garde contre les risques de génocide. Partagez-vous son inquiétude ?
C’est un terme extrêmement dangereux que je ne trouve pas pour le moment approprié à la situation en Centrafrique. Il y a des affrontements confessionnels, des divisions religieuses qui n’existaient pas avant, mais d’ici à parler de génocide je ne pense pas.
Il est indispensable de s’assurer que la Misca soit déployée le plus vite possible.
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Quelles réponses doivent être apportées ?
Il est indispensable de s’assurer que la Misca soit déployée le plus vite possible avec tout l’appui nécessaire (logistique, armement, équipement) pour que cette présence puisse changer la donne sur le terrain. L’idée est que cette force soit capable de se déployer dans tout le pays pour garantir la protection des civils, ce que les capacités de la Fomac ne permettaient pas.
Comment l’ONU va-t-elle concrètement aider la Misca ?
Plusieurs options sont sur la table. C’est au Conseil de sécurité d’identifier la meilleure solution pour que son déploiement soit le plus efficace et le plus rapide possible. On pourrait par exemple créer des fonds d’affectation spéciaux avec la contribution d’États membres ou de certaines organisations (ce que l’Union européenne et les États-Unis ont déjà promis). Ces fonds pourraient couvrir les salaires et les dépenses jusqu’à mi-2014. Des États membres pourraient également coopérer pour doter la Misca du matériel et de l’armement nécessaire.
Pour le moment, 3 650 soldats doivent être déployés. Est-ce suffisant ?
L’aspect sécuritaire est le plus important, mais il y a d’autres défis.
Non. J’estime qu’il faut au moins 6 000 hommes. De plus, pour le moment, le secteur civil de la Misca (environ 150 personnes) est trop réduit si la mission veut pouvoir jouer un rôle dans le processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), dans la réforme du secteur de sécurité, la protection des civils et la réconciliation nationale. L’aspect sécuritaire est le plus important, mais il y a d’autres défis.
L’envoi d’une mission de maintien de la paix est-il la seule solution ?
Mon rôle n’est pas de me prononcer à ce sujet mais de présenter différentes options. Néanmoins, cela fait partie des options que nous avons présentées au secrétaire général. La Misca en serait alors le noyau central. Ses capacités seraient renforcées par la participation de contingents non-africains.
Certains membres du Conseil de sécurité, comme les États-Unis, ne semblent pas soutenir cette option…
Tout le monde doit comprendre que, plus on attend plus la réponse à la crise sera difficile et coûteuse. C’est maintenant qu’il faut agir.
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Propos recueillis par Vincent Duhem
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