États-Unis : l’homme qui a tué Ben Laden raconte le raid d’Abbottabad au Pakistan

Ben Laden est mort sous ses yeux, sous ses balles. Le Navy Seal qui a tué le chef d’Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, à Abbottabad (Pakistan) en mai 2011, a quitté l’armée, visiblement blasé par seize ans d’opérations spéciales. Ce père de famille de 35 ans est aujourd’hui sans protection sociale.

Un avis de recherche placardé dans les rue de New York en 2001. © Reuters

Un avis de recherche placardé dans les rue de New York en 2001. © Reuters

Publié le 13 février 2013 Lecture : 4 minutes.

C’est l’histoire d’un « héros » blasé qui a participé à l’élimination de l’ennemi numéro 1 de son pays et, qui aujourd’hui, traverse une mauvaise passe. Le parcours de ce commando d’élite de la désormais fameuse Team 6 des Navy Seals, celle qui a abattu Ben Laden, est rapportée par le magazine Esquire. Sous couvert d’anonymat, le tireur raconte le raid historique mené en plein cœur du Pakistan, mais aussi une situation personnelle peu glorieuse. À 35 ans, il est aujourd’hui consultant indépendant payé à la pige, sans couverture sociale.

Il n’a que 19 ans quand il s’embarque dans la Marine pour noyer un chagrin d’amour. Il y passera 16 ans. Pas assez pour prétendre à la retraite et à l’assurance maladie, garanties seulement après 20 années de services sous les drapeaux. Aujourd’hui âgé de  35 ans, le soldat d’élite a quitté l’armée au cours de l’été 2012. A son palmarès : plus de 300 jours par an passés en mission, et la mort d’une trentaine d’« ennemis combattants », selon la terminologie officielle.

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Un tableau de chasse dont il ne semble pas si fier. « Je n’ai pas eu la chance de lire le moindre livre pour obtenir un diplôme », se désole ce père de famille qui a désormais tourné le dos à l’armée américaine. Et selon lui, il n’est pas le seul à avoir quitté les rangs des Seals.

"C’est lui, boum, c’est fait"

Le moment-clé de la mission de sa vie est décrit avec précision et sobriété. Quand il pénètre dans la chambre de Ben Laden, tout va très vite : « C’était comme un instantané d’une cible d’entraînement. C’est lui, sans aucun doute. (…) C’est automatique, la mémoire musculaire. C’est lui, boum, c’est fait ».

Dans la pièce du troisième étage de la résidence se trouve Ben Laden. Il est le premier à y entrer. La chambre est sombre. Le chef d’Al-Qaïda ne voit rien. Avec ses lunettes de vision nocturne, lui, distingue nettement son ennemi.

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« Il y avait Ben Laden là, debout. Il avait ses mains sur les épaules d’une femme, la poussant devant, pas exactement vers moi mais dans la direction du vacarme du couloir. C’était sa plus jeune femme, Amal ».

Les coups partent. Deux balles, puis une autre, dans la tête de l’homme le plus recherché au monde. « Il était mort. Il ne bougeait pas. Sa langue pendait. Je l’ai vu prendre ses dernières inspirations, juste une respiration réflexe », détaille l’opérateur, qui se dit « stupéfait » par la grande taille de Ben Laden.

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Un ordre "implicite"

Dans son récit, une précision de taille : pas question de faire prisonnier le terroriste le plus recherché de la planète. « Tout le monde le voulait mort mais personne ne voulait dire: "Hey, vous allez tuer ce mec". C’était juste implicite ».

Il rappelle que la mission commence en fait le 1er avril. Ce jour-là, lui et ses collègues du « Red squadron » sont informés d’une mission à venir. « Lors du briefing le premier jour, ils nous ont en fait menti et ont été très vagues. Ils ont mentionné des câbles sous-marins et le tremblement de terre au Japon ou quelque chose du genre », rapporte-t-il.

On les enverra peut-être en Libye, se dit-il. Là-bas, l’Otan combat Mouammar Kadhafi. En Libye, songe-t-il, il y a  des armes de destruction massive à sécuriser.

L’objectif est en réalité tout autre : ce sera Ben Laden, au Pakistan. S’ensuivent de nombreux briefings, notamment par l’agent de la CIA, « Maya », une femme « formidable », campée par Jessica Chastain dans le film Zero Dark Thirty. L’homme a vu l’interprétation d’Hollywood, qu’il a appréciée, excepté quelques défauts « mineurs ».

L’équipe s’entraîne sur des répliques de la résidence en Caroline du Nord puis au Nevada avant de s’envoler, sans le savoir, pour Jalalabad, dans l’est de l’Afghanistan.

Vint le soir de l’opération : 90 minutes de vol scotché sur des chaises de camping à des hélicoptères furtifs. La mission « loin d’être la plus dangereuse de sa carrière », se déroule comme des centaines d’autres.

Lors du vol retour, il entend dans l’interphone : « Vous n’auriez sans doute jamais pensé qu’on vous dise ça, mais bienvenue en Afghanistan ».

"Bienvenue en Afghanistan"

Comme un autre Seal, sous le pseudonyme de Mark Owen, l’avait mentionné dans son ouvrage polémique No Easy Day, d’autres cribleront ensuite de balles le corps de Ben Laden étendu au sol.

Une fois à Jalalabad, lors de l’inspection du corps, « on pouvait voir d’autres impacts de balles sur la poitrine et les jambes de Ben Laden », raconte « le tireur ».

Au cours de la mission, lui n’aura tiré que trois balles. Les trois premières qui ont envoyé Ben Laden dans l’au-delà.  Il donnera son chargeur à Maya. Aujourd’hui, il veut aller plus loin : « Je voudrais faire quelque chose qui n’a rien à voir avec mon passé. Je ne veux pas porter une arme. »

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