Côte d’Ivoire : au Ghana, les derniers exilés pro-Gbagbo rasent les murs

Depuis quelques semaines, les extraditions de dignitaires de l’ancien régime ivoirien établis au Ghana se multiplient. Une situation qui plonge les pro-Gbagbo exilés dans la peur.

Lors d’un meeting pro-Gbagbo, en 2011. © AFP

Lors d’un meeting pro-Gbagbo, en 2011. © AFP

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Publié le 7 février 2013 Lecture : 3 minutes.

« Avec l’arrestation de Blé Goudé, c’est comme si un mur s’était effondré, que la protection politique et humanitaire dont bénéficiaient les exilés à Accra n’était plus qu’un vieux souvenir », nous confie un membre de la « galaxie des patriotes ». Après Charles Blé Goudé le 17 janvier, deux autres dignitaires du régime de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, Jean Noel Abehi et Jean-Yves Dibopieu, ont été arrêtés, lundi 4 février, au Ghana puis extradés dans la foulée vers la Côte d’Ivoire.

Depuis ces deux événements, les pro-Gbagbo se font tout petits. Ils seraient encore une vingtaine d’anciens hauts responsables et une dizaine d’officiers des ex-Forces de défense et de sécurité (FDS) au Ghana. « Aujourd’hui c’est la peur qui règne. Beaucoup de nos amis sont injoignables par téléphone. Ils se terrent », raconte Alain Toussaint, ancien porte-parole de Laurent Gbagbo basé en France. « Mardi, j’étais en ligne avec l’un d’entre eux. La connexion était tellement mauvaise que j’avais l’impression qu’il se trouvait dans un bunker », poursuit-il.

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Pourtant, quelques jours après l’arrestation de Blé Goudé, cinq cadres du Front populaire ivoirien (FPI) en exil, dont Assoa Adou (son coordinateur), Ahoua Don Mello (ancien porte-parole du gouvernement), et Justin Koné Katinan (porte-parole de Laurent Gbagbo), ont été reçus par les autorités ghanéennes. La délégation, qui tenait à « être rassurée sur la sécurité et la protection » des exilés était repartie « l’esprit tranquille », assure un proche. « Aucune promesse n’a été faite, mais une nouvelle rencontre devait avoir lieu », poursuit-il. Joint par Jeune Afrique à cette occasion, Damana Pickass, président de la Coalition des patriotes ivoiriens en exil (Copie) confiait même ne pas se sentir en danger : « je ne suis pas inquiet. Ici, ça n’a jamais été facile mais on s’en sort. »

Dans la communauté des pro-Gbagbo en exil, les deux dernières arrestations ont été vécues comme un tournant.

Mais dans la communauté des pro-Gbagbo en exil, les deux dernières arrestations ont été vécues comme un tournant. Car si le commandant Jean Noel Abehi était sous le coup d’un mandat d’arrêt, Jean Yves Dibopieu, ancien secrétaire général de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), était, lui, inscrit comme demandeur d’asile. Conformément à la Convention de Genève de 1951, ce statut lui conférait une protection juridique.

Le silence d’Accra

Le gouvernement communique peu sur ce sujet qui n’intéresse que marginalement les Ghanéens. Même l’ancien président Jerry Rawlings, qui avait exprimé son soutien aux exilés et notamment à Charles Blé Goudé, n’a pas réagi publiquement lors de son arrestation. Les rares alliés ghanéens des dignitaires de l’ancien régime ivoirien pèsent peu politiquement. À l’image des membres du Freedom Center à Accra, une organisation socialiste dirigée par le journaliste Kwesi Pratt, ancien membre du Parti pour la Convention du peuple, crée par Kwame Nkrumah.

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Mais l’évolution du chef de l’État ghanéen, John Dramani Mahama, est sensible. Depuis son élection, il a pris le contrôle des services de sécurité, qui étaient auparavant sous influence de personnages comme Rawlings, plutôt favorables à Laurent Gbagbo. Il a surtout compris l’intérêt de coopérer avec son voisin, Alassane Ouattara, lequel l’a soutenu pendant sa campagne électorale. Les deux pays ont de nombreux projets économiques communs (exploration et exploitation pétrolière, production de cacao, route Accra-Abidjan, etc.)

Des fissures dans le clan

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L’unité du clan des pro-Gbagbo a également été atteinte par les récents événements. Quelques heures seulement après l’extradition de Charles Blé Goudé, Touré Moussa Zéguen, ex-chef des milices patriotiques, l’a accusé d’avoir un accord avec les autorités ivoiriennes. Menacé à Accra par les proches de l’ex-« général de la rue », Zéguen a depuis quitté la capitale ghanéenne pour une destination inconnue.

D’autres suivront-ils ce chemin ? « Il est possible que certain y pensent. Tout inciterait à le faire, assure Alain Toussaint. En attendant, une initiative politique va être prise dans les prochains jours », assure-t-il sans donner plus de précision.

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Par Vincent Duhem (@vincentduhem)

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