Peste à Madagascar : la brigade antirats sur le pied de guerre

L’arrivée de la saison chaude et humide met les autorités sanitaires de Madagascar en état d’alerte. Parmi les épidémies estivales, la peste a touché plusieurs dizaines de Malgaches ces dernières semaines. Un fléau toujours très néfaste sur le continent.

Un membre de la brigade anti rats manipulant un de ses pièges. © Arnaud Froger pour J.A.

Un membre de la brigade anti rats manipulant un de ses pièges. © Arnaud Froger pour J.A.

Publié le 31 octobre 2012 Lecture : 3 minutes.

« Le rat est un animal malin et méfiant ». Une nuit après la pose des pièges, le docteur Désiré, de la Direction régionale de la santé d’Analamanga, n’est pas surpris par le résultat de la capture. 12 rats attrapés sur 120 cages posées. L’opération se déroule aux portes de la capitale. C’est la troisième fois depuis sa création il y a un an que la brigade anti rats (BAR), intervient à Ambohimangakely. Le village de 8 000 habitants est l’un des plus surveillés de Madagascar en matière de lutte contre la peste. À 10 kilomètres seulement d’Antananarivo.

Des oignons et du poisson

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L’Afrique, continent le plus touché

Entre la fin des années 1980 et le milieu des années 2000, près de 40 000 personnes infectées, dont 2845 décès, ont été identifiées dans 25 pays.

L’Afrique est de loin, le continent le plus touché. 81% des cas et 84% des décès y ont été enregistrés. Hors d’Afrique australe et centrale, la maladie est pratiquement absente. Madagascar, la RDC et la Tanzanie concentrent les trois quarts des cas.

Loin derrière, l’Asie compte 16% des personnes atteintes. La Chine et l’Inde sont concernées, mais c’est le Vietnam qui déplore le plus de malades avec 60% des personnes infectées.

En Amérique du Sud, le nombre de cas a diminué. Le Pérou, pays le plus touché, en a relevé 611 en 1993, contre 5 seulement en 2005.

Enfin, alors que la maladie a disparu en Europe, le dernier cas en France remonte à 1945, les États-Unis identifient quelques malades tous les ans. A.F.

Des maisons construites à même la terre, portes et fenêtres souvent trouées, une immense déchèterie où sont déversées les ordures de la capitale, ici, les rats se sentent comme chez eux. « Ils passent souvent le soir sous mon lit ou sur la charpente. Je n’essaye même plus de les tuer », témoigne Sahondra, chez qui la BAR vient de poser deux pièges.

C’est pour éviter cette cohabitation que la brigade intervient. D’abord pour capturer les rongeurs, grâce des morceaux d’oignons et de poissons séchés placés dans des cages en métal. « Une partie de nos pièges sert aussi à attirer les rats dans une poudre insecticide qui va tuer leurs puces, précise Mamy, un des agents. Ce sont elles qui transmettent la maladie. Dès qu’un rongeur infecté meurt, elles migrent vers l’être vivant le plus proche. Notre rôle est d’éviter qu’elles atterrissent sur l’homme. »

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Les soins du tradipraticien

Les habitants, eux, semblent souvent intrigués, parfois gênés. « La peste est une maladie honteuse », estime le docteur Seignon, représentante de l’Organisation mondiale de la santé à Madagascar. Un embarras qui pousse de nombreux Malgaches à s’orienter d’abord vers les médecins traditionnels. Sans traitement adapté, la maladie peut rapidement évoluer vers une forme pulmonaire, plus sérieuse et plus dangereuse. « À ce stade, la survie peut ne pas excéder 48 heures. Et les risques de contagion sont très importants puisque la peste se transmet alors d’homme à homme. »

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Face au poids des traditions et au manque d’information de la population, les membres de la BAR doivent donc ajouter la communication à leur mission. « Nous ne sommes que 18 agents pour tout le territoire, rapporte le Docteur Rojonarson, le chef d’équipe. Nos interventions servent de modèles pour que la population prenne en charge elle-même la dératisation. »

Au moins 26 décès depuis le début de l’année

L’étape de la dissection, elle, est réservée aux professionnels. Bottes, combinaisons, masques et gants, l’équipement sanitaire des agents contraste avec le lieu des opérations, en plein air, au beau milieu du quartier. Les rats capturés sont tués puis brossés. Leurs puces, aspirées, termineront au laboratoire de l’Institut Pasteur de Madagascar, tout comme les quelques gouttes de sang prélevées devant des dizaines de riverains intrigués.

Les résultats détermineront la nécessité ou non d’une riposte. Des actions coup de poing qui participent à la surveillance épidémiologique. En tout cas, dans les zones accessibles. « L’année dernière, nous avons été alertés par un début d’épidémie dans le nord de l’île, raconte Christophe Rogier, le directeur de l’IPM. Il nous a fallu trois jours pour accéder au village. À notre arrivée, 15 de ses 19 habitants étaient morts. »

Depuis le début de l’année, 160 cas de peste, dont 26 décès, ont été enregistrés à Madagascar. La Grande Île fait partie des pays les plus touchés au monde à l’instar de ses voisins africains de la République démocratique du Congo (RDC) et de la Tanzanie.

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Par Arnaud Frogier, à Antananarivo


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