Amadou Haya Sanogo : « Les Maliens sont aujourd’hui en danger »

Le chef du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE) au Mali, Amadou Haya Sanogo, a promis de rendre le pouvoir aux civils et de mettre en place une convention nationale pour organiser des élections. Interview.

À 39 ans, le capitaine Amadou Haya Sanogo était jusque-là inconnu du grand public. © Habibou Kouyate/AFP

À 39 ans, le capitaine Amadou Haya Sanogo était jusque-là inconnu du grand public. © Habibou Kouyate/AFP

Publié le 3 avril 2012 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : aujourd’hui, êtes-vous le chef de l’État malien ?

Amadou Haya Sanogo : Jusqu’à l’instant où l’on parle, je suis le chef de l’État.

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Avec qui dirigez-vous le pays ? Quels sont les hommes qui vous entourent ?

Nous sommes nombreux, c’est tout un comité. Il y a moi, il y a le lieutenant-colonel Konaré, le colonel Moussa Coulibaly, qui est chef de cabinet… Nous sommes plusieurs à prendre les décisions et je ferai part au public de tous les membres de ce comité dans les meilleurs délais.
 
Avez-vous parlé à Amadou Toumani Touré depuis qu’il a quitté le palais présidentiel de Koulouba ?

Non. Mais je souhaite préciser que si je le pouvais, je le prendrais sous ma protection pour préserver son intégrité physique. Je ne souhaite pas qu’il tombe entre de mauvaises mains, ou qu’il se trouve au mauvais endroit au mauvais moment.

Quel sort réservez-vous aux personnes encore détenues ?

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Il ne faut pas utiliser le mot détention. Nous les gardons pour préserver leur intégrité physique.

Mais ils ne peuvent pas recevoir de visites…

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Bien sûr que si, ils reçoivent des visites : la Croix rouge, le barreau…

Mais leurs familles ?

J’ai fait la promesse d’assurer la sécurité de ces dignitaires de l’ancien régime et de préserver leur intégrité physique. Je m’y tiendrai. Je vous rappelle que nous ne sommes pas allés tous les chercher. Cinq d’entre eux – dont je préfère taire les noms – sont venus d’eux-mêmes. Nous les avons mis à l’abri dans un camp militaire et je leur ai même demandé d’appeler la presse pour expliquer qu’ils sont là de leur propre chef.

La situation qui prévaut au Nord est critique. Quel soutien attendez-vous de la part de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ?

Il y a une médiation en cours et beaucoup de débats. Mais tout cela peut attendre. En revanche, les vies humaines n’attendent pas et les Maliens aujourd’hui sont en danger. Si l’on pouvait différer toutes les considérations d’ordre politique et rétablir la situation qui se dégrade… L’ennemi progresse à une vitesse incroyable, et après le Mali, qui dit qu’il ne s’attaquera pas au Burkina Faso ou au Niger ? Il serait bien que la Cedeao songe à nous donner des moyens militaires conséquents pour faire face à ces attaques.

Quels sont les points de blocages avec la Cedeao ?

S’il y en a un, c’est celui qui concerne le retour à l’ordre constitutionnel. Selon la Constitution, en l’absence du président élu, c’est à Dioncounda Traoré [le président de l’Assemblée nationale, NDLR] de mener à bien le processus de transition. Mais son mandat expire le 8 juin. Et en toute objectivité, je ne pense pas qu’il puisse organiser les élections dans le délai constitutionnel de 40 jours. Donc si on l’y place aujourd’hui, lui aussi sera illégalement à la tête de l’État à cette date, et on devra repartir à zéro. D’où l’idée de mettre en place dès maintenant une convention nationale, composée de membres de la société civile et de militaires pour mener à bien le processus qui conduira aux élections.

Combien de temps vous faut-il pour mettre en place cet organe ?

Cela va se faire très vite. Nous sommes en concertation avec la société civile et les partis politiques.

Une fois le processus de transition achevé, rendrez-vous vraiment le pouvoir aux civils ?

Un coup de force n’est jamais apprécié. Celui-ci l’a été parce que j’ai libéré mon peuple. Je suis entré par la grande porte, je souhaiterai sortir par la grande porte. Et la seule façon de faire une sortie honorable, c’est de partir en laissant le pouvoir au président démocratiquement élu. Le militaire que vous voyez, quand ce sera fini, il rentrera tranquillement dans sa caserne !

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Propos recueillis par Malika Groga-Bada, envoyée spéciale à Bamako

 

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