Immigration : haro sur la « loi de la honte »
L’Assemblée nationale a examiné mercredi 28 septembre le projet de loi relatif à « l’immigration, à l’intégration et à la nationalité ». Un texte aussitôt condamné par les détracteurs de la politique conduite par Éric Besson, à la tête du ministère de l’Immigration.
« Mon ministère doit être une fabrique à bons Français », a conclu Éric Besson lors d’un entretien au Parisien, lundi 27 septembre. Plus que jamais, la rhétorique presque industrielle du ministre français de l’Immigration est à l’œuvre. Une façon offensive d’introduire son projet de loi, présenté mardi 28 septembre devant l’Assemblée nationale. Si le ministre communique d’une manière propre à séduire l’électorat d’extrême droite (qu’est-ce qu’un « bon Français » ?), c’est parce qu’il sait que la critique venant de la gauche sera vive.
L’opposition, de même que diverses associations ainsi qu’une partie de l’opinion publique, dénoncent déjà depuis plusieurs mois la politique gouvernementale de stigmatisation des étrangers. Pour beaucoup, le fameux « virage sécuritaire » engagé par la majorité présidentielle de Nicolas Sarkozy n’a qu’un seul propos : désigner à la vindicte populaire de nouveaux boucs émissaires pour détourner les consciences des échecs gouvernementaux. Et, depuis la présentation du texte sur l’immigration à l’Assemblée nationale, les attaques redoublent.
France terre d’asile dénonce ainsi une « instrumentalisation » du discours sur l’immigration et une « frénésie législative » inquiétante. Si elle est adoptée, la loi d’Éric Besson sera la quatrième du genre depuis 2002, date de l’arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur. De son côté, le Gisti regrette « l’affaiblissement et le contournement systématique des pouvoirs des juges visant à ériger la police en instrument principal d’une politique dont le pivot reste les quotas d’expulsion ».
L’expulsion de plusieurs milliers de Roms cette année a d’ailleurs marqué les esprits. Et malgré les remontrances des Nations unies et de la Commission européenne, Éric Besson reste droit dans ses bottes.
Mise au banc de la société
Plusieurs partis de gauche, groupes chrétiens et associations de défense des droits de l’homme ont appelé à manifester devant l’Assemblée nationale. La Cimade, association qui vient en aide aux immigrés, a dénoncé une « loi de la honte » tandis que SOS Racisme, le Mrap, le Cran se sont mobilisés.
Les politiques ne sont pas en reste. Le Parti de Gauche dénonce une mesure « vichyste » concernant la déchéance de la nationalité. « Inefficace et anti-républicaine », renchérit le collectif Uni(e)s contre l’immigration jetable (Ucij). « Racisme », « xénophobie d’État », « discrimination », entend-t-on dans les rangs des protestataires.
Pour beaucoup, le texte incarne à lui seul une mise au banc de la société de toute une partie de la population vivant en France. En d’autres termes, un appel du coude à l’extrême droite en vue des prochaines élections, estiment des membres de l’opposition.
Ségolène Royal a critiqué « une loi inutile en plus », quand Dominique de Villepin a mis en garde contre « une stigmatisation, une surenchère en matière sécuritaire ». Pour Malek Boutih, du Parti socialiste, « le gouvernement se livre à « une surexploitation politique jusqu’à la nausée. C’est pitoyable ».
Doués et en bonne santé
Le texte de loi à l’étude prévoit, notamment, d’étendre les conditions de déchéance de la nationalité française aux personnes coupables d’atteinte à la vie d’une personne dépositaire de l’ordre public. Mais aussi d’allonger le temps de séjour en centre de rétention avant l’expulsion des migrants en situation irrégulière, de créer des zones dédiées aux migrants attendant leur titre de séjour (alors qu’ils peuvent actuellement circuler librement durant cette période) et de lutter contre les mariages dits « gris ».
Enfin, le gouvernement aura la possibilité d’expulser plus facilement les ressortissants de l’Union européenne et pourra aussi limiter leur durée de séjour sur le sol français. Le processus de naturalisation serait en revanche accéléré pour celui « qui présente un parcours exceptionnel d’intégration » dans les domaines « civique, scientifique, économique, culturel ou sportif ».
À l’inverse, un amendement propose de réviser le droit d’asile des étrangers gravement malades vivant en France. Pourquoi ne pas renvoyer mourir chez eux, en effet, ceux qui « représentent une charge démesurée pour notre sécurité sociale », suggère le texte ?
Seules seraient tolérées, en somme, les personnes intelligentes, douées, en bonne santé… « L’immigration choisie », avait dit Sarkozy. « Une fabrique à bons Français », a traduit Éric Besson.
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