Les Seychelles au bord de la faillite

Après trente années de croissance ininterrompue, l’archipel fait face à une banqueroute sans précédent. Et remet en question son modèle de développement.

Publié le 1 décembre 2008 Lecture : 2 minutes.

Une centaine d’îles aux plages de sable fin, un tourisme de luxe, le revenu par an et par habitant le plus élevé d’Afrique (8 960 dollars)… Le rêve prend fin. Le gouvernement des Seychelles a dû solliciter le FMI pour faire face au service de sa faramineuse dette de 800 millions de dollars, représentant 165 % du PIB. Seul le Malawi (235 %) fait mieux sur le continent. Le FMI devait approuver, le 14 novembre, un premier financement de 26 millions de dollars destiné à appuyer une série de réformes structurelles…

150 000 visiteurs par an

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« La crise internationale a précipité la banqueroute, mais elle était prévisible », affirme Jean-François Ferrari, député du Seychelles National Party (SNP, opposition). Le profil de la dette a changé. Classé pays à revenu intermédiaire (PRI), l’archipel a de moins en moins accès aux prêts à taux concessionnels. « En 2006, nous avons obtenu un prêt commercial de 200 millions de dollars, garanti par la banque Lehman Brothers. Mais elle a fait faillite en septembre dernier… », ajoute Ferrari.

La dette n’explique pas tout. La vraie raison réside dans le déficit chronique de la balance des paiements. Entre 2006 et 2007, les importations ont crû de 38 % et les exportations de 30 %. Les rentrées de devises ne reposent que sur deux piliers : le tourisme de luxe (21 % du PIB, 150 000 visiteurs par an) et la pêche, qui fournit 97 % des exportations.

Les plus grandes entreprises de l’archipel sont détenues par l’État, comme Trading Company, Island Development Company ou encore Seychelles Petroleum Company. Le secteur privé, lui, est dominé par des banques étrangères, comme la Mauritius Commercial Bank et Barclays, ainsi que par des opérateurs agro­alimentaires tels que les brasseries Seychelles Breweries ou les conserveries Indian Ocean Tuna.

Au pied du mur, le président James Michel, leader du Seychelles People’s Progressive Front (SPPF, ancien parti unique, au pouvoir depuis 1977), a habilement présenté aux 87 000 Seychellois l’ajustement structurel comme étant une politique du gouvernement. Elle vise en premier lieu la maîtrise des dépenses publiques, avec le départ volontaire de 10 % des fonctionnaires et la suppression des subventions généralisées aux produits de base. Les caisses de l’État seront renflouées par la création de nouvelles taxes, notamment sur la location de biens immobiliers, donc le tourisme.

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L’inflation à 37 %

« Ces mesures sont exclusivement fiscales et rien n’est fait pour relancer le secteur productif », regrette Ferrari. Mais la situation n’est pas désespérée. « Malgré le flou entourant la mise en œuvre des réformes, le distributeur français Carrefour maintient un investissement de 14 millions d’euros à Victoria, la capitale », assure Nicole Tirant-Gherardi, secrétaire générale de la Chambre de commerce et d’industrie.

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De fait, les investisseurs ont de quoi être satisfaits : après des décennies de taux de change fixe limitant le transfert des bénéfices hors de l’archipel, la roupie flotte librement depuis le 1er novembre. Mais elle a perdu depuis près de 90 % de sa valeur, ce qui, dans un pays qui importe jusqu’à 75 % de ses biens de consommation courante, risque d’aggraver sensiblement l’inflation. « Elle s’élève déjà à 37 %, contre 5 % en 2007… », s’inquiète Bernard Ould Yahoui, conseiller à la Mission économique française basée à Maurice. L’archipel subira encore de longs mois l’effondrement de son modèle économique. « Pas celui du tourisme comme moteur du développement, précise le député Ferrari, mais celui du dirigisme d’État. » Une situation inédite : la chute de l’un des derniers modèles économiques étatiques africains aura été provoquée par une crise majeure du capitalisme. 

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