L’équation algérienne à l’étude

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Publié le 15 novembre 2011 Lecture : 3 minutes.

L’Algérie va-t-elle vraiment changer ?
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L’Algérie va-t-elle vraiment changer ?

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Inutile de revenir ici sur le besoin de changement exprimé par les Algériens, sur les aspirations peu ou prou identiques à celles de leurs « frères » arabes qui les ont poussés dans la rue. Nul besoin, non plus, d’expliquer pourquoi cette nation ne s’embrase pas comme la Tunisie, l’Égypte, la Libye, voire le Yémen ou la Syrie. Les Algériens ont déjà « donné », plus que de raison. Bouteflika n’est pas non plus, loin s’en faut, Ben Ali, Moubarak, Kadhafi ou Assad. Au cœur des critiques : le « système », vaste concept nébuleux qui définit l’organisation et l’exercice du pouvoir depuis l’indépendance par la génération qui a pris les armes et le maquis pendant la guerre de libération, il y a bientôt… cinquante ans.

La résolution de la complexe équation algérienne est là : comment procéder au passage de témoin entre cette génération et les suivantes. Le fossé est grand, quasi abyssal, entre des dirigeants pour le moins expérimentés, mais peu en phase avec leurs cadets, et une population jeune, dont le dynamisme ne cesse de se heurter au poids du conservatisme, des traditions et de l’inertie d’une nation immense et riche mais en décalage profond avec un environnement international qui ne cesse d’évoluer sans attendre les retardataires. Illustration de ce hiatus : le peu de cadres dirigeants de moins de 60 ans (restons raisonnable…) au sein des partis politiques, dans la majorité présidentielle comme dans l’opposition.

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Second gouffre, et non des moindres, la place accordée aux femmes dans la société algérienne et, en particulier, dans la sphère politique. Alors qu’elles sont quasi majoritaires dans les cycles d’études secondaires, percent au sein de la magistrature, de la police, de la recherche, de la santé ou de l’enseignement, elles éprouvent toutes les peines du monde à briser le plafond de verre des métiers à responsabilités ou de pouvoir : peu de politiques, donc, pas de grandes patronnes hormis celles qui, grâce au mariage et à la confiance de leurs seuls époux, parviennent à se frayer un chemin dans l’univers très « macho » des affaires. Il existe bien quelques arbres qui cachent la forêt, comme partout ailleurs, de l’inoxydable Louisa Hanoune à l’inusable Khalida Toumi, mais, comme nous l’avons vu plus haut, pas de relève visible, et bien trop peu de « sœurs » à leurs côtés.

Comment, dans ces conditions, l’Algérie pourrait-elle procéder à son nécessaire aggiornamento ? Comment imaginer que, quelle que soit l’ampleur des réformes en cours ou à venir, la société algérienne, traversée par de multiples fractures – entre jeunes et vieux, hommes et femmes, donc, mais aussi entre la bande littorale et l’intérieur du pays, islamistes et nationalistes, Arabes et Berbères, gens de l’Est et de l’Ouest, ruraux et urbains, « locaux » et « diaspos », ceux d’« en haut » et ceux d’« en bas »… –, puisse s’inventer un avenir commun, nourri par des valeurs et des idéaux partagés ?

La réponse à cette question n’est pas entre les seules mains des politiques, des militaires ou des patrons. Et les « grands équilibres » entre toutes ces composantes, qui maintiennent pour le moment le pays en ordre de marche, ne pourront durer éternellement. Ils sont tout à la fois la cause et la conséquence du statu quo en vigueur au sein d’une nation qui n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était à la fin des années 1990, après les derniers feux de la décennie noire, mais qui donne toujours aux Algériens l’impression de ne pas avancer. Pas ensemble, en tout cas…

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