Quai des brumes
Pardonnez-moi de tirer ainsi sur l’ambulance, mais il est des clous qui méritent d’être enfoncés. L’ambulance en question? Cette diplomatie française au bord de la crise de nerfs, décriée comme jamais, au point désormais de se demander chaque jour quel sera le prochain avatar de ses turpitudes.
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 28 février 2011 Lecture : 2 minutes.
De Michèle Alliot-Marie, l’ex-ministre des Affaires étrangères, qui n’a pas résisté à son passif tunisien, à son compagnon Patrick Ollier, accusé de « Kaddaphilie » chronique, en passant par un ancien ambassadeur en poste à Tunis (Pierre Ménat), visiblement sourd et aveugle au point de prévenir le Quai, quelques heures avant la fuite de Ben Ali, que celui-ci « avait repris le contrôle de la situation », ou par son remplaçant, Boris Boillon, appelé en renfort depuis Bagdad pour dépoussiérer l’institution de l’avenue Habib-Bourguiba et qui, trois jours à peine après son arrivée, est déjà voué aux gémonies par les Tunisiens, la diplomatie française semble avoir perdu le nord. Mais que diable se passe-t-il sous les lambris du Quai d’Orsay et de l’Élysée en ce début 2011?
À l’origine, quand il n’était que candidat à la présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy voulait inaugurer une nouvelle politique étrangère placée sous le signe de la modernité et de la moralité. Volonté louable, sacrifiée en un tournemain sur l’autel de la realpolitik et des points de croissance à arracher ici et là, quitte à multiplier les entorses aux positions de principe affichées, en Afrique surtout.
En juillet 2010, Alain Juppé et Hubert Védrine avaient tiré la sonnette d’alarme. « L’instrument diplomatique est sur le point d’être cassé », analysaient-ils. Une prémonition que les révolutions arabes se sont fait un plaisir de réaliser. Cohérence, lisibilité, efficacité et discrétion ont rejoint dans les placards du Quai d’Orsay et du Château le cadavre, parmi d’autres, d’une Union pour la Méditerranée dont l’échec aurait dû servir de leçon. Et les règlements de comptes, par journaux et tribunes interposés, entre diplomates critiques et défenseurs zélés de la méthode Sarkozy ne sont pas pour améliorer l’image de ce champ de ruines.
Le fond du problème, c’est que la politique étrangère de la France est à l’image, comme cela a toujours été le cas, de son chef. Or la diplomatie ne supporte pas, par définition, l’impulsivité – qui conduit parfois à l’amateurisme et à l’improvisation –, l’absence de réflexion globale, le souci permanent de la médiatisation, doublé d’une quête incessante d’effets d’annonce.
L’affaire Boris Boillon, quelles que soient les qualités supposées de notre athlétique et fougueux « sarkoboy », est, hélas! la caricature la plus regrettable de ce grand malaise. Et peut-être aussi l’illustration des origines du mal: Sarkozy n’a jamais caché le peu d’estime qu’il portait aux (vrais) diplomates. Ceci explique cela…
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