Trois pays au banc d’essai

Performances sportives, compétitivité, bien-être, égalité des sexes… Comment l’Algérie, le Maroc et la Tunisie se placent-ils dans les classements internationaux en 2010 ?

À l’université Al-Akhawayn, à Ifrane, au Maroc. © Alexandre Dupeyron

À l’université Al-Akhawayn, à Ifrane, au Maroc. © Alexandre Dupeyron

Publié le 20 juillet 2010 Lecture : 4 minutes.

Les pays sont comme les êtres humains, ils aiment se classer les uns par rapport aux autres : le plus riche, le plus beau, le plus accueillant, le plus performant, le plus cher… Des cabinets spécialisés se sont même fait une spécialité de ce genre de classements destinés à l’opinion publique mondiale, mais aussi aux investisseurs et aux touristes. Les États les reprennent quand cela arrange leur communication, et les passent sous silence quand cela les dessert.

Voir : un florilège des podiums nord-africains

la suite après cette publicité

Nous avons ainsi choisi les trois pays du Maghreb central – Algérie, Maroc et Tunisie – pour établir une sorte de banc d’essai inédit. Alors que s’achève la Coupe du monde de football, notre premier réflexe était de voir, avant de passer aux choses « sérieuses », comment se classent ces trois pays dans la « planète foot » en particulier et dans le sport en général.

Selon le classement de la Fifa, mis à jour le 14 juillet, après la Coupe du monde, c’est l’Algérie qui est la mieux placée (33e). La Tunisie vient après (65e rang mondial) suivie par le Maroc (82e). Le tableau n’est pas non plus brillant pour les Jeux olympiques d’été : le Maroc est en tête (54e rang sur 147 pays) avec 22 médailles (pour 12 participations), devant l’Algérie (68e, 14 médailles pour 11 participations) et la Tunisie (81e, 7 médailles pour 12 participations).

Plus unis, ces trois pays – qui partagent la même histoire, les mêmes cultures et le même espace géographique – sont capables de faire certainement mieux sur le plan sportif comme sur le plan économique.

la suite après cette publicité

Bien doté en ressources naturelles, le Maghreb central peine à exister sur le plan économique : selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI), il devrait produire pour près de 300 milliards de dollars de biens et de services au cours de cette année 2010 – c’est autant que la Thaïlande et moins que le petit Danemark (314 milliards). Tous les économistes vous le diront : si ces trois pays opéraient dans une zone de libre-échange, leur poids économique serait trois ou quatre fois supérieur à ce qu’il est aujourd’hui. Le Maghreb communautaire n’existe pas. C’est chacun pour soi.

la suite après cette publicité

Carton (presque) plein pour la Tunisie

Le Produit intérieur brut (PIB) de l’Algérie a triplé au cours des dix dernières années, le Maroc et la Tunisie faisant un peu moins bien (respectivement 2,5 fois et 2 fois plus). Résultat : en 2005, l’Algérie a rattrapé la Tunisie en termes de PIB par habitant, et elle dépasse largement le Maroc.

Mais sa bonne fortune tient en un seul mot : hydrocarbures. Quand on a du pétrole et du gaz à revendre, on ne cherche pas outre mesure à être attractif et performant sur le plan industriel. L’Algérie se classe donc au 83e rang mondial selon l’indice de compétitivité établi chaque année par le Forum économique de Davos (Suisse). Peu dotée en ressources minières, la Tunisie se positionne au 40e rang, alors que le Maroc est 73e. Le centre de recherches de Davos a dressé une liste de 120 facteurs clés pour tout investisseur : la Tunisie en offre 53 positifs (ou avantages), contre 14 seulement pour le Maroc et 11 pour l’Algérie.

La Banque mondiale réalise de son côté un autre classement, basé, lui, sur les conditions de l’entrepreneuriat (création et vie de l’entreprise au quotidien, respect des droits de propriété, égalité de traitement devant la justice, etc.). Plus connu sous le nom de « Doing Business », ce palmarès place Singapour en tête des 183 pays évalués dans le monde entier. La Tunisie arrive au 69e rang, mieux que la Turquie (73e), loin devant le Maroc (128e) et l’Algérie (136e).

Des analyses approfondies sur ce qui va et ce qui ne va pas devraient permettre aux autorités nationales d’identifier les manquements et d’évaluer les gains d’une politique économique plus appropriée.

Les palmarès de la discorde

La corruption, qui est un fléau mondial, gangrène tous les rouages institutionnels d’un pays. Petite ou grande, avec ou sans dessous-de-table, elle favorise les passe-droits et mine la confiance des citoyens et des entrepreneurs en leur administration. Difficile à quantifier, elle est cependant analysée chaque année sous l’angle de la « perception » qu’en ont les hommes d’affaires, les avocats et autres observateurs vigilants. Mené par l’organisation Transparency International, ce travail est aujourd’hui reconnu. Sur 180 pays, le dernier indice de perception de la corruption (IPC 2009) place la Tunisie au 65e rang avec une note mitigée de 4,3 sur 10, mais meilleure que celles du Maroc (89e avec 3,3) et de l’Algérie (111e avec 2,8).

Autre classement de la discorde – et de la propagande –, celui portant sur l’égalité entre les sexes. Il ne s’agit pas ici des multiples droits dont bénéficient les femmes sur le papier, mais de l’écart qui les sépare des hommes sur quatre niveaux (politique, éducation, santé et économie). Et c’est le sérieux Forum de Davos qui l’a calculé (Gender Gap). Le pays le plus égalitaire est l’Islande (avec un score de 0,83 sur 1). La Tunisie se place au 109e rang (avec 0,62), suivie par l’Algérie (117e, avec 0,61) et le Maroc (124e, avec 0,59).

Quand la femme devient mère de famille, ses droits évoluent. L’organisation mondiale Save the Children a cherché « le meilleur endroit pour être mère ». Le « Mothers’ Index 2010 » (pdf) (« Indice des mères »), publié le 3 mai dernier, attribue la meilleure note à la Norvège et la plus mauvaise à l’Afghanistan. Entre les deux extrêmes, la Tunisie se classe au 71e rang (sur 160), devant l’Algérie (95e) et le Maroc (111e). L’indice prend en compte notamment les conditions pré- et post­natales, l’accouchement et les soins portés au nouveau-né.

En fait, rien n’échappe plus aux statisticiens. La ville la plus chère, la plus dangereuse, la plus écolo ? Ou encore la ville où il fait bon vivre ? À toutes ces questions, on peut trouver une réponse. Mais vous avez beau chercher les indices de popularité des dirigeants maghrébins, vous ne trouverez rien. L’absence de sondages d’opinion sur la vie politique est, à l’image de la liberté de la presse, un signe qui ne trompe pas.

L'éco du jour.

Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.

Image

Contenus partenaires