Reportage : pendant ce temps, à la Beac

La banque régionale, basée à Yaoundé, encaisse scandale après scandale. Ses employés en souffrent et attendent les réformes, qui doivent être décidées à Bangui.

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Publié le 14 décembre 2009 Lecture : 3 minutes.

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L’Afrique centrale à l’heure des choix

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Le siège de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) trône, arrogant et plein de morgue, au sommet de l’une des collines qui surplombent Yaoundé. Marbre blanc, verre opaque, architecture des années 1980 : tout tranche avec le paysage environnant et les vestiges coloniaux du quartier Elig Essono. Inauguré en grande pompe par les six chefs d’État de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) en 1988, le complexe de la Beac a coûté quelque 16 milliards de F CFA (plus de 24 millions d’euros). C’est cinq fois plus que son homologue ouest-africaine basée à Dakar (Sénégal), beaucoup moins présomptueuse, qui n’a fait débourser, en 1975, que 3 milliards de F CFA aux pays membres de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) !

Dans la tour gigantesque, les 1 700 employés venus de toute la sous-région s’agitent comme dans une ruche. Qu’ils soient congolais, camerounais, tchadiens, équato-guinéens, gabonais ou centrafricains, ils sont tous préoccupés, depuis que la Banque titube sous les révélations de scandales à répétition, par l’avenir de leur institution. Alors, certes, la Banque garde l’apparence d’un institut d’émission sans histoire. Au premier regard, à tout le moins. Car, pour avoir tenté de photographier cet immeuble, un collaborateur de Jeune Afrique a été arrêté par un gendarme hargneux. « Vous ne pouvez pas faire de photos : la Banque a trop de problèmes ! »

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La tentation de censurer semble dérisoire. À l’intérieur de la tour, le personnel a bien du mal à cacher son malaise. Une guerre à la fois feutrée et impitoyable oppose les différents clans qui manœuvrent au sein de la Banque, dans une atmosphère suffocante. 

Ne pas se tromper de couloir

Au 15e étage, à la sortie de l’ascenseur, tout personnel avisé veille à ne pas se tromper de couloir. À droite, le cabinet de celui qui est encore gouverneur : le Gabonais Philibert Andzembé. À gauche, celui du vice-gouverneur, le Congolais Rigobert Roger Andely. Leur inimitié réciproque est connue de tous. Dans cette ambiance de délation et de suspicion, des documents écrits vengeurs circulent régulièrement. Une lettre anonyme, attribuée au « petit » personnel de la Banque – les « Agents des clauses et conditions générales » –, circule depuis fin octobre. Elle dénonce des « dysfonctionnements » : mauvais recrutements, effectifs « disproportionnés » au regard des « besoins » et du niveau d’activité de certains pays, promotions de complaisance, coût élevé des missions, résidences de fonction trop chères, etc.

Plus violent, un pamphlet de quatre pages parvenu au service du courrier le 11 septembre, signé d’un mystérieux « Collectif des cadres pour la re-crédibilisation de la Beac », s’intitule « Lettre ouverte relative aux accusations de rançonnement et de corruption ». Parce qu’il accuse un proche du gouverneur de corruption, le document a exacerbé le climat de paranoïa et de méfiance. 

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Un nouveau gouverneur

La tâche du successeur de Philibert Andzembé ne sera pas aisée s’il veut rétablir la confiance et redorer l’image de la Beac. Sa nomination devrait être annoncée par les chefs d’État lors du sommet de Bangui.

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À ce jour, seul le nom du Gabonais Hugues Alexandre Barro Chambrier circule avec insistance pour succéder à son compatriote. Ex-ministre de l’Économie et des Finances, ancien administrateur Afrique du FMI, il est parlementaire à Libreville. Mais tout « invité » de dernière minute n’est pas à exclure.

À Bangui, les chefs d’État décideront également des mesures à prendre pour réformer la Banque. Elles s’inspireront des recommandations du rapport du comité d’audit interne de la Beac, publié le 24 octobre dernier, qui fait suite à la mission du cabinet Mazars sur les malversations au sein de la Banque. Le bureau parisien fonctionnera ainsi selon de nouvelles règles à partir du 1er janvier 2010. À Yaoundé, le rôle de la Direction générale du contrôle général (DGCG), qui aurait mérité de changer de nom à l’occasion, sera renforcé. Indépendante dans le choix des contrôles qu’elle décidera d’opérer, la DGCG doit voir aussi ses effectifs et ses moyens augmenter. Une requête qui a déjà été faite par le comité d’audit à de multiples reprises : en septembre 2004, octobre 2006, juin et septembre 2008… Difficile de reculer, cette fois-ci.

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