Angolagate : gueule de bois à Luanda

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 3 novembre 2009 Lecture : 3 minutes.

À Luanda, les réactions au jugement rendu le 27 octobre dans l’affaire de l’Angolagate ne se sont pas fait attendre. Dès le lendemain, le gouvernement angolais s’est publiquement exprimé sur le dossier – une première depuis le début de l’instruction, en 2000. Dans un communiqué peu diplomatique, il fait état de sa « stupéfaction » et dénonce « un procès déséquilibré et injuste, lié à des considérations et des motivations politiques ».

En France, c’est le cas de Charles Pasqua qui a suscité le plus de remous. Condamné pour trafic d’influence à trois ans de prison, dont deux avec sursis, l’ancien ministre a demandé « la levée du secret défense dans toutes les affaires de ventes d’armes afin que l’on sache s’il y a eu des retours de commissions en France et qui en a bénéficié ». Dans son viseur, les ex-Premiers ministres Édouard Balladur et Alain Juppé, mais surtout l’ancien président Jacques Chirac, qu’il a accusé à demi-mot d’être responsable de ses ennuis judiciaires.

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Par la sévérité de son jugement, le président de la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris, Jean-Baptiste Parlos, a jeté un pavé dans le marigot françafricain. Mais il indispose aussi les plus hautes autorités angolaises en rejetant sèchement la requête en nullité déposée par Luanda à l’ouverture du procès, le 6 octobre 2008. L’Angola arguait du caractère sensible et confidentiel de nombreuses pièces versées au dossier de l’instruction, ainsi que du droit à l’immunité de ses « délégataires ». En quelques secondes, le juge a balayé cette argumentation. Pour lui, il n’existe aucune trace antérieure à 1996 attestant qu’Arcadi Gaydamak et Pierre Falcone étaient des mandataires de l’Angola. Or le « trafic illicite » d’armes pour lequel ils étaient mis en examen – un marché de 790 millions de dollars, qui aurait rapporté près de 400 millions de bénéfices – avait commencé en 1993. Dans le cas de Falcone, il s’agissait aussi de déterminer s’il bénéficiait de l’immunité attachée à sa qualité de ministre conseiller auprès de la délégation permanente de l’Angola à l’Unesco, poste qu’il occupe depuis 2003. « La Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques est très claire », a rappelé Jean-Baptiste Parlos. Dans son article 31, elle établit que « l’agent diplomatique jouit de l’immunité de la juridiction pénale de l’État accréditaire ». Mais dispose, dans son article 38, que si ledit agent a la nationalité de l’État accréditaire, ce qui est le cas, il n’est couvert « que pour les actes officiels accomplis dans l’exercice de ses fonctions ». Et l’on voit mal en quoi la vente d’armes aurait un rapport, même lointain, avec les activités de l’Unesco. Falcone, à l’instar de Gaydamak, écope donc de six ans d’emprisonnement ferme pour commerce illicite d’armes, mais aussi trafic d’influence, abus de confiance et abus de biens sociaux. Il est aussitôt écroué.

« Pour les milieux économiques franco-angolais, c’est une véritable douche froide », soupire un conseiller de la mission économique française à Luanda. « Total et Castel, les deux principaux investisseurs français, ont du souci à se faire. » Quant à l’Agence française de développement (AFD), qui a rouvert ses bureaux dans la capitale angolaise après huit ans d’absence, elle attend depuis plusieurs mois l’aval du gouvernement angolais pour lancer des projets à hauteur de 160 millions d’euros. « Pour l’instant, c’est l’incertitude qui prévaut », reconnaît son directeur, Étienne Woitellier. Seule lueur d’espoir pour les investisseurs français, des rumeurs faisant état de la détérioration des relations entre le président angolais Eduardo dos Santos et Pierre Falcone. Avant de lire son jugement, le juge Parlos a déclaré avoir reçu, la veille de l’audience, une lettre du président angolais. Celui-ci y renonçait à sa demande de restitution des pièces confidentielles versées au dossier de l’instruction.

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