Ian Khama : histoire du fils de…

Le président, très marqué par le destin de son père, devait être confirmé à son poste après les législatives du 16 octobre.

Publié le 20 octobre 2009 Lecture : 4 minutes.

C’est un homme austère, marqué par sa formation militaire, qui vient de se voir confirmer à la tête du Botswana. À 56 ans, métis, célibataire, Ian Khama donne une impression de droiture, voire de rigidité, qui s’explique en partie par son histoire familiale.

Le nouveau chef de l’État est hanté par le destin de son père, Seretse Khama, chef traditionnel et premier président du pays. Petit-fils du roi des Bamangwato (un quart de la population du pays), Seretse a été désigné à l’âge de 4 ans pour prendre le trône à sa majorité. Son mariage avec une Blanche va venir contrecarrer ses plans.

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Seretse étudie le droit à Londres lors qu’il rencontre une secrétaire de la Lloyds, Ruth Williams, qu’il épousera un an plus tard. Tous les deux ont la réputation d’être gais et bons vivants. Mais cette mixité ne plaît ni aux racistes de l’Afrique du Sud, ni à la chefferie traditionnelle du Bechuanaland (actuel Botswana). Le Royaume-Uni, qui tient à soigner ses relations avec Pretoria, acceptera l’exil chez lui de ce couple sulfureux. Sir Seretse Khama se voit déchu de son titre royal et ne pourra rentrer qu’en 1956 à condition qu’il renonce au trône.

Ian a alors 2 ans. Il passe son enfance en brousse, dans une ferme où son père s’essaye sans succès à l’élevage avant de se lancer dans la politique. Il crée le Bechuanaland Democratic Party (aujourd’hui le Botswana Democratic Party, BDP) et se lance dans la lutte pour l’indépendance. Le pays est pauvre, un bout de désert dont la couronne se débarrasse en 1966 sans trop d’état d’âme. Sir Seretse reprend son titre de roi des Bamangwato et devient le premier président du Botswana.

De cette enfance, Ian Khama a gardé une profonde aversion pour le racisme. Mais il aurait également été marqué par le fait de grandir, avec ses frères et sa sœur, auprès d’un père alcoolique, profondément humilié d’avoir été contraint à l’exil. Il sera formé à la prestigieuse école militaire de Sandhurst, dont il ressortira pilote. À son retour, à peine âgé de 24 ans, il est nommé à la tête de l’armée botswanaise.

On le dit pointilleux, toujours à l’heure et autoritaire. Il ne boit jamais d’alcool et il est passionné par les animaux sauvages. En 1989, il a créé un sanctuaire pour les rhinocéros, protégé par l’armée. À force d’interroger des scientifiques et de prendre des notes, il est devenu expert du comportement des lions. Ce qui le rend très populaire auprès des grands propriétaires de réserves animalières, majoritairement européens, qui vivent du tourisme haut de gamme dans le delta de l’Okavango.

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Ian Khama s’est fait remarquer sur la scène internationale par son hostilité ouverte au président zimbabwéen Robert Mugabe, au moment où, dans une belle unanimité, l’Afrique australe choisissait de fermer les yeux sur les dérives de leur voisin.

Khama sait faire montre d’autoritarisme. En 2007, lorsqu’il était vice-président, dix-sept personnes – principalement des journalistes et des universitaires – ont été expulsées du Botswana pour avoir critiqué la politique du gouvernement envers les San, (les « bushmen », peuple nomade du Kalahari). On lui reproche également la complaisance du pouvoir vis-à-vis du géant du diamant De Beers, ou encore son attachement à la peine de mort. Depuis son arrivée au pouvoir en avril 2008, l’armée est devenue plus visible dans les rues de la capitale, et des avocats des droits de l’homme se plaignent que les militaires se mêlent du travail de la police. Le chef de l’État a aussi essayé de généraliser son abstinence, il y a quelques mois, en interdisant l’alcool sur tout le territoire, mesure rejetée par le Parlement. 

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Militaire et chef traditionnel

« Khama n’est pas issu d’une tradition démocratique, mais de la chefferie et de l’armée. Nous allons vers un État féodal, extrêmement centralisé. Il n’y a qu’à jeter un coup d’œil sur les noms des personnes qui occupent les ministères, la justice, l’armée, et sur les employés de De Beers pour comprendre que beaucoup sont liés à la famille Khama ou au parti. Au fil des années, le BDP a su créer une élite si étanche que les plaintes de l’opposition n’ont presque plus d’échos, à part dans la presse, elle-même de plus en plus muselée », estime James Mothokgwane, journaliste au quotidien Mmegi.

Héritier du trône des Bamangwato, Ian Khama n’a jamais montré d’intérêt particulier pour la chefferie traditionnelle. Il en a en revanche pour le poste de président, dont il n’a jamais douté qu’il hériterait. La succession au sein du BDP est en effet réglée comme du papier à musique : le président en exercice cède la place à son vice-président, confirmé ensuite à la tête de l’État par le Parlement. Six semaines avant les élections législatives du 16 octobre, le visage du futur chef de l’État, celui de Ian Khama, était déjà imprimé sur les nouveaux billets de 10 pulas (1,10 euro). Autant dire que le suspense n’était pas particulièrement intense…

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