Jacques Chirac : « Soyez fiers d’être africains ! »

En 2009, il nʼétait plus aux affaires depuis deux ans, mais ‒ nostalgie aidant ‒ les Français le plébiscitaient. Entre ses voyages, les activités de sa fondation et ses séances au Conseil constitutionnel, lʼancien président sʼétait confié à Jeune Afrique. Des propos recueillis par le journaliste Nicolas Marmié.

Le président français Jacques Chirac (en haut à droite), à côté de Blaise Compaoré et au-dessus d’Omar Bongo Ondimba (bas à gauche) et de Paul Biya, en février 2007 lors du sommet France-Afrique à Cannes. © LIONEL CIRONNEAU/AP/SIPA

Le président français Jacques Chirac (en haut à droite), à côté de Blaise Compaoré et au-dessus d’Omar Bongo Ondimba (bas à gauche) et de Paul Biya, en février 2007 lors du sommet France-Afrique à Cannes. © LIONEL CIRONNEAU/AP/SIPA

Publié le 7 juillet 2009 Lecture : 3 minutes.

Jacques Chirac lors d’une visite en Côte d’Ivoire, en 1995. © Francis Apesteguy/Getty
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France-Afrique : quel héritage pour Jacques Chirac ?

Que retenir de l’héritage africain de Jacques Chirac, qui s’est éteint jeudi 26 septembre à l’âge de 86 ans ? De son amitié avec Omar Bongo Ondimba ou Mohammed VI, à ses liens parfois douteux avec les réseaux de la Françafrique, retour sur les relations passionnelles qu’a toujours entretenues l’ancien président français avec le continent.

Sommaire

Jeune Afrique : Quels résultats attendez-vous de l’action de votre fondation ?

Jacques Chirac : Ma fondation a une ambition : servir la paix et le développement. Elle œuvre aussi à une prise de conscience mondiale des problèmes de l’Afrique.

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Tout ce qui touche au développement de l’agriculture est essentiel. Il faut d’abord donner à manger aux hommes. Pour les nourrir, il faut produire et, pour produire, il faut une agriculture. Donc promouvoir l’autosuffisance alimentaire dans un maximum de pays. Cela implique en particulier de soutenir les exploitations familiales. La communauté internationale doit faire preuve d’un peu de générosité en matière de lutte contre la désertification et la déforestation, d’accès à l’eau ou à des médicaments de qualité. C’est ce but que poursuit, modestement, la fondation.

Y a-t-il, chez les dirigeants africains, une prise de conscience du défi écologique ?

Je pense qu’une majorité d’entre eux, chacun l’exprimant à sa manière, a acquis une conscience écologique. Au Burkina Faso, à Madagascar, un certain nombre d’initiatives ont été prises. Le Kenya, par exemple, a interdit les sacs plastique. Au Maroc, la princesse Lalla Meryem s’est engagée dans ce domaine. C’est une calamité, ces sacs en plastique !

Que pensez-vous de l’engagement africain de Barack Obama ?

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Le plus grand bien. On dit parfois que les États-Unis ont tendance à se replier sur eux-mêmes et à ne pas tenir compte des réalités qui s’expriment ailleurs. Les déclarations et les prises de position du président Obama me paraissent extrêmement intéressantes pour faire connaître l’Afrique aux Américains.

Le président français Jacques Chirac serrant la main de son homologue gabonais Omar Bongo Ondimba, en février 2007 à Cannes. © PATRICK KOVARIK/AP/SIPA

Le président français Jacques Chirac serrant la main de son homologue gabonais Omar Bongo Ondimba, en février 2007 à Cannes. © PATRICK KOVARIK/AP/SIPA

Il y a, entre la France et l’Afrique, un lien historique et psychologique profond. Et ce lien n’est pas susceptible d’être remis en cause par la disparition de tel ou tel responsable

Vous avez tenu à assister aux obsèques d’Omar Bongo. Sa disparition marque-t-elle la fin de la Françafrique ?

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Je ne le crois pas. Il y a, entre la France et l’Afrique, un lien historique et psychologique profond. Et ce lien n’est pas susceptible d’être remis en cause par la disparition de tel ou tel responsable. Naturellement, le président Bongo incarnait ce lien, d’une certaine façon. Mais enfin, il y en a bien d’autres, à commencer par Denis Sassou Nguesso ou Abdou Diouf.

Quel bilan tirez-vous de vos douze années de politique africaine à l’Élysée ?

Je regrette que l’on n’en ait pas fait plus. On s’est laissé un peu prendre par les exigences du moment, l’aide au développement n’a pas été suffisamment accrue. Une espèce d’égoïsme, dont nous avons tous été responsables, a consisté à considérer que l’aide à l’Afrique était secondaire. Mon regret est de ne pas avoir entraîné les Européens à en faire davantage.

Et aujourd’hui ?

La solidarité s’impose. Je ne peux que constater avec tristesse la baisse de l’aide au développement. C’est injuste et scandaleux. L’aide n’est pas une aumône. C’est une exigence légitime d’équilibre du monde.

L’Union pour la Méditerranée voulue par Nicolas Sarkozy est-elle viable ou s’agit-il d’une coquille vide ?

C’est un principe sérieux et une entité viable. Il faut maintenant remplir cette coquille.

Vous aviez promis de soumettre à référendum l’éventuelle adhésion de la Turquie à l’UE. Pensez-vous que vos successeurs honoreront cette promesse ? 

Il ne m’appartient pas de parler au nom de mes successeurs. Mais je pense qu’il est légitime, à partir du moment où le problème politique se pose, d’interroger les Européens, et en particulier les Français, sur cette question.

Le conflit israélo-palestinien menace-t-il la paix mondiale ?

Je ne le crois pas. Je suis un optimiste. On ne peut pas imaginer qu’il y ait en permanence une situation de guerre entre les Palestiniens et les Israéliens. Israël a droit à son territoire, à sa patrie, et les Palestiniens ont droit aux leurs.

Quel message aimeriez-vous adresser aux Africains ?

Un message de respect. Ils ne doivent pas oublier qu’ils ont été, au fond, les premiers. L’homme africain a été le premier homme civilisé. Il ne faut jamais oublier la perspective historique. Les Africains doivent être fiers d’eux-mêmes. Soyez fiers d’être africains. Le monde a besoin de l’Afrique.

Et l’Afrique, a-t-elle encore besoin de vous ?

(Rires). Inch’Allah !

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