L’Inde, aussi

Publié le 30 mars 2008 Lecture : 3 minutes.

Un sommet des chefs d’État et de gouvernement indo-africains se tiendra à New Delhi les 8 et 9 avril. Première du genre, cette rencontre vise à donner un coup de fouet à un partenariat économique en plein essor depuis le tournant du siècle. La volonté indienne d’intensifier ses échanges avec l’Afrique rejoint le souci des décideurs africains de ne plus dépendre exclusivement de leur coopération historique avec l’Occident. La « politique de partenariat pluriel et stratégique » mise en place par l’Union africaine l’a déjà conduite à engager des discussions avec la Chine, le Japon, la Turquie. Entre autres.
L’idée d’un sommet Inde-Afrique a germé lors d’un séjour à New Delhi, en décembre 2006, d’Alpha Oumar Konaré, l’ancien président de la Commission de l’UA. Par la suite, un groupe de travail mixte a mis au point les modalités de la rencontre : choix des pays à inviter, sujets à débattre, etc. Outre les représentants de l’UA et des communautés économiques régionales, les douze pays qui participeront au sommet de New Delhi sont l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Burkina, l’Égypte, l’Éthiopie, le Ghana, la Libye, le Nigeria, l’Ouganda, la RD Congo, le Sénégal et la Zambie. Les négociations porteront sur le développement des échanges, dans tous les domaines : agriculture, sciences et technologies, industrie, mines, santé, justice, défense, éducation, etc. Une réunion préparatoire rassemblant des grands patrons indiens et africains s’est tenue du 19 au 21 mars, afin d’identifier les projets qui pourraient faire l’objet d’une demande de financement lors du sommet.
L’intérêt de l’Inde à l’égard de l’Afrique s’explique en partie par son désir de ne pas abandonner le terrain à la Chine, dont les entreprises ont pris une avance importante en investissant massivement sur le continent, principalement dans les hydrocarbures. Or, avec un taux de croissance de 9 %, les besoins en énergie du « tigre » indien s’envolent. Sa recherche de sources d’approvisionnement sécurisées tourne à l’obsession. En 2006, ses importations de pétrole brut en provenance d’Afrique ont avoisiné 19 millions de tonnes, soit la moitié des importations chinoises pendant la même période. S’agissant des échanges commerciaux, le fossé est encore plus important : 12 milliards de dollars pour l’Inde, 42 milliards pour la Chine.
On comprend que les autorités indiennes cherchent à se démarquer de leur concurrent. Loin de limiter leurs ambitions aux relations commerciales, elles s’efforcent, s’il faut en croire le ministère des Affaires étrangères, de mettre en place « un nouveau paradigme de coopération [] qui tienne compte de la volonté des Africains de créer des institutions panafricaines et de leurs objectifs en matière de développement ». En témoignent divers programmes d’assistance technique, notamment l’initiative Team-9, qui propose d’interconnecter les 53 États de l’UA par le biais d’un réseau satellitaire et de fibre optique. À terme, il s’agit de relier les centres de formation africains à leurs homologues indiens, pour permettre l’enseignement à distance et la télémédecine. Par ailleurs, plus de quinze mille étudiants africains fréquentent annuellement les universités indiennes.
Bien entendu, ce rapprochement est loin d’être désintéressé. L’idée de ce sommet indo-africain voit le jour au moment où la question de la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies revient sur le tapis. Comment croire qu’il s’agit d’un hasard ? Les Indiens savent bien que, sans le soutien de l’UA, leur candidature à un siège de membre permanent n’a aucune chance d’aboutir.
Mais l’Inde, dont les ambitions nucléaires ne sont un secret pour personne, s’intéresse également de près aux réserves africaines d’uranium. Des négociations sont en cours avec plusieurs pays. Au moment où le traité avec les États-Unis sur le nucléaire civil bat de l’aile, il est raisonnable de penser que les dirigeants indiens tenteront de profiter du sommet de New Delhi pour les faire avancer.

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