Djibouti accède à l’indépendance

Publié le 25 juin 2006 Lecture : 3 minutes.

C’est un chapitre majeur de l’histoire contemporaine de l’Afrique qui s’est refermé dans la nuit du 26 au 27 juin 1977 : l’accession de Djibouti à l’indépendance a mis fin à trois cents ans de présence française sur le continent. Depuis l’indépendance des Comores, en juillet 1975, l’ancienne Côte des Somalis, devenue territoire d’outre-mer, rebaptisée Territoire français des Afars et des Issas en 1967, constituait le dernier confetti de l’Empire français d’Afrique. Souhaitée par la population et acquise dans son principe dès la fin de l’année 1975 – dans ses vux de nouvel an, le président Valéry Giscard d’Estaing avait reconnu que Djibouti « avait vocation à devenir un État » -, l’accession à l’indépendance avait été confirmée par un référendum d’autodétermination organisé le 8 mai 1977. Couplé à des élections législatives marquées par le triomphe de la liste unique emmenée par Hassan Gouled Aptidon, leader de la Ligue populaire africaine pour l’indépendance (LPAI), le scrutin avait pris des allures de plébiscite : un taux de participation de 77,7 %, et 98 % des suffrages exprimés en faveur du « oui ».

Porté trois jours plus tôt à la magistrature suprême par les députés, Hassan Gouled Aptidon a donc célébré l’indépendance le 27 juin dans une ambiance d’union sacrée, mais devant un parterre d’invités étrangers assez clairsemé. Si le gaulliste Robert Galley, ministre français de la Coopération, et Olivier Stirn, secrétaire d’État aux DOM-TOM, ont fait le voyage depuis Paris, en revanche, les chefs d’État de la région ont snobé la cérémonie. Et pour cause : l’Éthiopien Mengistu Haïlé Mariam et le Somalien Siyad Barré ont, chacun de leur côté, convoité ce petit territoire de 23 000 km2 et peuplé à l’époque de moins de 300 000 habitants, qu’ils présentaient, non sans quelque raison, comme une création artificielle du colonisateur. Conscient de sa fragilité face aux velléités annexionnistes de ses puissants voisins, le président Gouled s’est empressé de signer avec Paris des accords de défense entérinant le maintien de 4 500 soldats français sur le sol djiboutien. Un partenariat mutuellement bénéfique, pour la France, qui conservait ainsi une base stratégique idéalement située, et pour la nation hôte, qui recevait l’assurance d’être protégée en toutes circonstances.
Le président djiboutien est aussi allé frapper à la porte de Ligue arabe, et son pays a été admis comme 22e membre de l’organisation. Un choix qu’il n’aura jamais à regretter : la sollicitude des pays du Golfe pour Djibouti aura été constante. À commencer par celle de l’Arabie saoudite du roi Fahd, qui a financé « la route de l’unité » longue de 180 kilomètres et reliant la capitale à Tadjourah, au Nord. Devenu le 49e membre de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), Djibouti était également admis à l’ONU dès le mois de septembre 1977.

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Toutefois, le pays ne partait pas gagnant pour autant. Avec une balance commerciale extrêmement déficitaire, un port en perte de vitesse avec la suppression de l’escale de la compagnie maritime israélienne Zim (qui assurait 30 % environ du trafic jusqu’en 1977), dépourvu d’activités agricoles, industrielles et minières, doté d’une population active d’à peine vingt mille personnes (fonctionnaires pour la plupart), privé d’infrastructures et miné par l’antagonisme légendaire entre ses deux principales communautés, les Afars et les Issas, l’État djiboutien paraissait difficilement viable. Le départ, début 1978, du Premier ministre Ahmed Dini, Afar originaire d’Obock et figure de la vie politique locale, a avivé les craintes d’une résurgence de la question tribale, mise entre parenthèses au lendemain du référendum. Pourtant, malgré bien des vicissitudes, malgré un début de guerre civile en 1990, malgré une crise économique et un ajustement structurel drastique, la petite République de Djibouti a réussi à s’inventer une cohésion et un destin. Ironie de l’histoire, c’est elle aujourd’hui qui apparaît comme un îlot de stabilité et de – relative – prospérité – au milieu d’une région en guerre. La Somalie, désintégrée, a sombré dans la guerre et l’anarchie. L’Éthiopie postcommuniste s’est vue amputée de sa façade maritime avec l’indépendance de l’Érythrée. Elle dépend maintenant de Djibouti pour une bonne part de ses approvisionnements en marchandises, et les deux pays, qui ont aplani tous leurs différends, vivent désormais en étroite symbiose.

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