Qu’aurait fait Bourguiba ?

Publié le 12 février 2006 Lecture : 2 minutes.

Père de l’indépendance de la Tunisie dont il a été le président durant trente ans (1957-1987), Habib Bourguiba est connu pour avoir été le plus moderniste parmi les dirigeants du monde musulman en matière de religion. À tel point qu’en Occident on l’a souvent comparé (abusivement) au laïc Atatürk.
Mohamed Sayah a été le biographe de Bourguiba (décédé en 2000) et l’un de ses plus proches collaborateurs pendant vingt-cinq ans. Il est donc bien placé pour nous dire ce qu’il aurait fait et dit à propos de l’affaire des caricatures du prophète Mohammed.

Jeune Afrique/l’intelligent : Tel que vous le connaissez, comment Bourguiba aurait-il réagi à cette affaire ?
Mohamed Sayah : Tout en fustigeant les auteurs des caricatures, il se serait surtout employé à réduire l’affaire à sa plus simple expression, celle d’une provocation qu’il faudrait faire échouer

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Pourquoi y aurait-il vu une provocation ?
En plus de leur caractère attentatoire au Prophète, ces caricatures cherchent à inculquer l’idée que l’islam est terrorisme. Bourguiba aurait vu là une incitation à la haine et à ce qu’on appelle aujourd’hui la « guerre des civilisations ».

Qu’aurait fait Bourguiba pour faire échouer cette provocation ?
Il se serait à la fois adressé à ses coreligionnaires et à la communauté internationale.
Il aurait mis en garde les musulmans contre les dangers de cette provocation. Il leur aurait dit qu’il comprenait leur colère. Et comme à son habitude, il se serait davantage employé à expliquer le caractère inapproprié de certaines de leurs réactions. Il leur aurait expliqué que la violence et les attaques contre les États comme le Danemark et la Norvège, qui n’ont certainement pas approuvé ces caricatures, sont contre-productifs.
À la communauté internationale, Bourguiba aurait expliqué que les protestataires sont avant tout des gens qui se sentent atteints dans leur dignité et dans ce qu’il appelait « la personnalité d’un peuple ».
À l’intention de la communauté internationale comme à ses coreligionnaires, Bourguiba aurait lancé un appel pour que l’on abatte le mur des préjugés et des incompréhensions.

Comment aurait-il réagi aux appels pour rompre les relations diplomatiques avec le Danemark ou la Norvège ?
Cela me rappelle un épisode que j’ai vécu à ses côtés. Lors de sa fameuse tournée au Proche-Orient en 1965, Bourguiba tient une conférence de presse à Beyrouth dans une ambiance surchauffée en raison de ses positions novatrices sur la question palestinienne. Un journaliste l’interroge sur l’appel de certains pays arabes à rompre les relations diplomatiques avec l’Allemagne fédérale en raison d’une prise de position en faveur d’Israël. Bourguiba répond que ce n’est pas dans l’intérêt des Arabes. Il fait alors une comparaison avec l’histoire de cet homme qui s’est disputé avec sa femme et a voulu la punir. « Il n’a trouvé rien d’autre que se couper les c ! » dit Bourguiba pour détendre l’atmosphère.

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