Le processus électoral en RDC n’est pas fiable

En octobre 2015, les Congolais éliront leurs représentants locaux. Puis en novembre 2016 se tiendront les scrutins présidentiel et législatifs. Un échéancier qui est loin de faire l’unanimité. Samy Badibanga, Président du groupe parlementaire UDPS et alliés pense que le processus électoral n’est pas fiable.

Samy Badibanga pense que le processus électoral n’est pas fiable. © Vincent Fournier pour J.A.

Samy Badibanga pense que le processus électoral n’est pas fiable. © Vincent Fournier pour J.A.

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Publié le 12 mars 2015 Lecture : 3 minutes.

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"L’opposition et le peuple congolais signent une deuxième victoire en ce début 2015 : un calendrier électoral global a été publié par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), et une date pour l’alternance démocratique en RD Congo a été fixée. Cette victoire fait suite à celle obtenue dans le sang des martyrs lors des manifestations des 19, 20 et 21 janvier : les élections ne seront pas conditionnées à un recensement de la population qui aurait fait glisser le mandat du président actuel loin au-delà de son terme de décembre 2016.

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Cependant, nul n’est dupe. Les scrutins présidentiel et législatifs de 2016 dépendent du bon déroulement des élections locales de 2015. Or le calendrier publié par la Ceni comme par décret, sans aucun dialogue politique, est non seulement irréaliste, mais, plus grave encore, inconstitutionnel. Le spectre d’élections chaotiques en 2015 plane donc, comme celui d’un coupeur de route, sur le chemin vers l’alternance démocratique de 2016.

Un chevauchement improbable des élections

Irréaliste, car ce calendrier assorti de 23 contraintes pour sa mise en oeuvre est fondé sur un chevauchement improbable des grandes activités électorales et préélectorales. La Ceni ne dispose nullement des ressources humaines, matérielles et financières pour mener de front toutes ces opérations. Par exemple, la centralisation et l’intégration des données des électeurs, à peine commencées, ne pourront pas se terminer avant la date prévue pour la répartition des sièges, le 22 mars 2015 : jusqu’ici, 732 sites de vote sur 19 199, soit 3,8 %, ont été traités en un mois environ. Pour remédier à cette incapacité, la Ceni veut utiliser les données statistiques du monitoring, mais celles-ci ne vont pas refléter le nombre d’électeurs qui seront inscrits sur les listes électorales.

D’autre part, l’opération de stabilisation des cartographies opérationnelles et de fiabilisation du fichier électoral, prévue en cent vingt-sept jours dans le calendrier partiel, a consommé plus de neuf mois et n’est toujours pas achevée. Bricolage ou sabotage ? Les délais prévus sont en tout cas fantaisistes, et le chevauchement prévu, délibérément hasardeux.

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Le calendrier publié par la Ceni est en outre inconstitutionnel, car discriminatoire : le fichier électoral actuel de la Ceni ne prend pas en compte les électeurs autrefois mineurs mais ayant atteint la majorité (électeurs de 18 à 23 ans). Or ces nouveaux majeurs représentent plus de 10 millions d’électeurs. Comment imaginer exclure 31 % du corps électoral et priver la jeunesse de son droit de vote, en violation de l’article 5 de notre Constitution et de l’article 21 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 ?

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La présidentielle symbolise la crise de confiance

L’enjeu du processus électoral est majeur : national, régional voire continental. Il doit être un tournant historique pour la RD Congo : la première alternance démocratique. Or il n’est pas réaliste d’organiser les élections locales et provinciales en 2015, alors que l’enjeu n’est pas local : c’est la présidentielle qui symbolise la crise de confiance. La priorité doit donc être donnée à l’organisation d’élections crédibles en 2016, en combinant les scrutins présidentiel et provinciaux, suivis des législatives et des locales en 2017.

Dans ces conditions, une opération d’enrôlement de tous les électeurs, y compris des nouveaux majeurs, pourra se dérouler en moins de douze mois, et un nouveau fichier électoral pourra être mis en place en remplacement de l’actuel, corrompu et tant décrié. Cela permettra de créer un consensus d’adhésion en vue d’un processus électoral apaisé. Cela justifiera enfin le cofinancement massif, par la communauté internationale, d’élections dont il est inconcevable d’exclure la jeunesse, c’est-à-dire l’avenir du pays."

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