Israël : Bibi repetita

Déjouant tous les pronostics, Benyamin Netanyahou est sorti vainqueur des législatives anticipées du 17 mars, accentuant même l’emprise de son parti, le Likoud.

Le Premier ministre sortant célébrant sa victoire au milieu de ses partisans, le 18 mars à Tel-Av © Amir Cohen/Reuters

Le Premier ministre sortant célébrant sa victoire au milieu de ses partisans, le 18 mars à Tel-Av © Amir Cohen/Reuters

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Publié le 26 mars 2015 Lecture : 5 minutes.

Comme en mai 1996, face à Shimon Peres, Benyamin Netanyahou a vu la nuit électorale miraculeusement tourner en sa faveur. Alors que, le soir du scrutin, les premières estimations le plaçaient au coude à coude avec son rival travailliste, Isaac Herzog, le dépouillement des votes a fini par donner une large avance au Likoud. Le lendemain matin, la grande formation de droite caracolait en tête avec 25 % des suffrages exprimés, soit 30 sièges à la Knesset. Loin derrière, malgré des sondages favorables jusqu’au bout, l’Union sioniste, fruit de l’alliance des travaillistes avec la centriste Tzipi Livni, n’a finalement recueilli que 24 sièges. La gauche réalise cependant son meilleur score depuis les élections de 1999 et la victoire d’Ehoud Barak.

"C’est un réveil difficile pour nous et pour ceux qui croient en notre vision", a annoncé un communiqué du bloc de centre gauche. Déçu, Isaac Herzog s’est rapidement entretenu avec Netanyahou pour "saluer sa victoire et lui souhaiter bonne chance". Face à la presse, depuis sa résidence de Tel-Aviv, le ton était plus vindicatif : "Que les choses soient bien claires pour les citoyens d’Israël : rien n’a changé, les problèmes et défis à surmonter restent les mêmes. Nous continuerons à nous battre avec force et à proposer une alternative dans tous les domaines." Et de conclure : "Notre heure viendra !" En dépit d’une campagne de tous les instants sur le terrain, le chef du Parti travailliste aura indéniablement payé son manque de charisme.

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Tout l’inverse de "Bibi", qui, devant ses supporteurs en liesse, pouvait savourer son triomphe. "C’est une formidable victoire pour le camp national dirigé par le Likoud", s’est-il exclamé sous le regard ébloui de son épouse, Sara, présente à ses côtés, dont les frasques à répétition n’ont finalement pas eu de réel impact sur la confiance des électeurs. À 65 ans, Netanyahou a réussi son pari en recueillant le plébiscite qu’il recherchait à travers ce scrutin. En décembre 2014, le limogeage de ses deux principaux ministres du centre, Tzipi Livni et Yaïr Lapid, jugés trop frondeurs et "indisciplinés", l’avait contraint à convoquer des élections anticipées. Trois mois plus tard, il entre dans l’histoire du pays en obtenant un quatrième mandat de Premier ministre – le troisième consécutif.

Alarmisme

Fort d’une légitimité retrouvée, Netanyahou entend s’appuyer sur ses "alliés naturels" pour bâtir une coalition stable et fortement ancrée à droite. Le 18 mars, dès l’officialisation des résultats, des négociations ont été entamées avec le Foyer juif de Naftali Bennett (8 sièges), le nouveau parti de centre droit Koulanou de Moshé Kahlon (10 sièges), les formations orthodoxes (13 sièges), ou encore le parti ultranationaliste Israel Beitenou d’Avigdor Lieberman (6 sièges). "Netanyahou a l’intention de s’atteler immédiatement à la formation du gouvernement afin d’achever cette tâche dans un délai de deux à trois semaines", a annoncé le Likoud. Une projection optimiste, le chef du parti vainqueur se voyant généralement accorder un délai de vingt-huit jours pour former un cabinet.

Mis en difficulté durant les semaines qui ont précédé le scrutin, Netanyahou n’a pas hésité à jouer la surenchère en radicalisant sa campagne. Aux colons, son vivier électoral, il a promis de nouvelles constructions à Jérusalem-Est, puis il a accusé ses adversaires de vouloir "diviser" la ville sainte. "Ils sont prêts à tout lâcher, à courber l’échine sous n’importe quel diktat, y compris un accord nucléaire avec l’Iran", a-t-il déclaré, alarmiste à souhait, la veille des élections. Sur le dossier palestinien, Netanyahou a aussi trahi son engagement pris lors du discours de l’université Bar Ilan, en 2009, dans lequel il s’était formellement engagé en faveur de la solution de deux États. "Créer un État palestinien dans le contexte régional actuel, c’est l’assurance que les territoires cédés tomberont entre les mains des extrémistes", a-t-il affirmé dans différentes interviews à la presse.

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Le jour du scrutin, le chef de file de la droite a continué de jouer sur le registre de la peur : "Les électeurs arabes se rendent massivement aux urnes. Des associations de gauche les y amènent en autobus […]. Allez tous voter Likoud", s’est-il écrié dans une vidéo postée sur Facebook. À la publication des résultats, la gauche finit par dénoncer sa tactique. "Netanyahou a été réélu, je le dis avec beaucoup de regret et de colère, grâce à une campagne de haine", a déploré Dov Khanin, du parti d’obédience communiste Hadash, qui a rallié la triomphante Liste arabe unie. Devant son QG de Nazareth, le 17 mars, des centaines de militants sont venus de toute la Galilée acclamer la nouvelle troisième force politique du pays. Certains brandissaient des drapeaux palestiniens. Avec 13 sièges à la Knesset et à leur tête le très combatif Ayman Odeh, 40 ans, inconnu du grand public il y a trois mois, les Arabes israéliens comptent bien mener la vie dure à Netanyahou. "Nous serons un acteur incontournable et pourrons faire changer les choses dans la politique israélienne", promet Basel Ghattas, un député chrétien arabe.

Plusieurs figures de la gauche ont particulièrement mal vécu l’issue du scrutin. L’emblématique Zehava Gal-On a décidé d’abandonner la direction du parti Meretz, lequel, avec seulement 5 sièges, dépasse à peine le seuil d’éligibilité. Le célèbre éditorialiste Gideon Levy, devenu au fil des années l’objecteur de conscience d’une société israélienne qu’il juge dolente, écrit : "La première conclusion qui s’impose, quelques minutes après les premiers résultats particulièrement décourageants, est la suivante : la nation doit être remplacée." Pour Isaac Herzog, qui affirmait que le changement était "à portée de main", la lutte va désormais se poursuivre dans l’opposition. "C’est l’option la plus réaliste", conclut-il, amer.

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Inquiétude américaine

Quant aux Palestiniens, ils sont résolus à faire payer aux Israéliens la réélection de Netanyahou. À Ramallah, la direction de l’OLP a estimé que l’État hébreu avait choisi "la voie du racisme et de l’occupation". Pour le négociateur palestinien en chef, Saeb Erekat, le Premier ministre israélien a "enterré la solution de deux États". "Il n’y a pas de partenaire pour la paix en Israël", a-t-il affirmé. À ce titre, la démarche palestinienne à la Cour pénale internationale (CPI), programmée le 1er avril, donnera le coup d’envoi d’une nouvelle série de mesures unilatérales, qui, d’emblée, accentueront la pression sur le nouveau gouvernement Netanyahou.

Plus grave que le tsunami diplomatique qui s’annonce, les États-Unis pourraient prendre leur distance avec leur allié au Proche-Orient. "Inquiète" de la rhétorique du Premier ministre sur le vote arabe, l’administration de Barack Obama envisagerait de changer sa "politique de défense" d’Israël à l’ONU. Sans veto américain, l’État hébreu pourrait alors être confronté à ses toutes premières sanctions internationales.

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