RDC – Football : Florent Ibenge, le plafond de verre et le tremplin chinois

En moins de deux ans, Florent Ibenge s’est construit une belle notoriété internationale, en qualifiant l’AS Vita Club pour la finale de la Ligue des champions 2014, puis en installant la RDC sur la troisième marche du podium de la dernière CAN. De Lambersart aux Léopards, retour sur le parcours atypique de ce natif de Kinshasa.

Florent Ibenge, sélectionneur de la RDC. © Peter Parks/AFP

Florent Ibenge, sélectionneur de la RDC. © Peter Parks/AFP

Alexis Billebault

Publié le 20 mars 2015 Lecture : 4 minutes.

Après plusieurs semaines d’attente, Florent Ibenge a enfin touché le 17 mars ses arriérés de salaire. Depuis sa prise de fonction à la tête de la sélection congolaise de football en août 2014, il n’avait pas été payé… À 18 000 euros mensuels, le chiffre est conséquent. De quoi envisager son avenir en RDC avec une certaine sérénité…

De fait, Constant Omari, le président de la fédération congolaise (Fecofa), souhaite lui prolonger rapidement son contrat qui prend fin le 31 août prochain, et même de lui confier la sélection locale, appelée à disputer les qualifications pour le CHAN 2016, alors que l’AS Vita Club lui a proposé un nouveau contrat avec un salaire revu à la hausse, puisqu’il percevait, jusqu’à maintenant, 5000 euros par mois. Une vraie reconnaissance pour un technicien qui, à 53 ans, cumule les fonctions d’entraîneur de l’AS Vita Club – qu’il a qualifié pour la finale de la Ligue des Champions 2014 – et de sélectionneur des Léopards, 3e de la dernière CAN sous sa direction.

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Étudiant en économie, footballeur semi-pro et des petits boulots

Une situation qui permet de mesurer le chemin parcouru depuis qu’il a quitté Kinshasa et le quartier de Fikine à 12 ans, après une enfance heureuse. "Au début des années 1970, mon père était infirmier diplômé. Je ne manquais de rien, on avait la télé, et quand je suis arrivé en France, je n’ai pas été trop dépaysé."

L’exil vers l’Hexagone en 1974 lui permet d’intégrer un club avec des équipes de jeunes, à Lambersart, près de Lille. Et surtout de se découvrir très tôt son goût pour la fonction d’entraîneur, grâce à M. Magnac, son coach de l’époque. "Un homme à qui je dois beaucoup aujourd’hui", reconnaît-il.

Mais pour son paternel, qui a repris ses études pour devenir médecin, l’avenir passe par un "vrai" métier. À ses yeux, le football n’en est pas un. "Quelques clubs pros, dont Lille, Valenciennes et le Standard Liège (BEL) m’avaient remarqué, mais mon père avait mis son véto. J’ai joué dans plusieurs clubs au niveau amateur ou semi-professionnel, à Roubaix et Boulogne, dans ce qu’on appelait la D3, tout en poursuivant des études d’économie à Lille. Je gagnais un peu d’argent grâce au foot, mais il fallait que je travaille à côté."

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"Entraîner en France quand tu es Africain, c’est très compliqué"

Pendant plusieurs années, Ibenge enchaîne les jobs – en usine, en comptabilité ou dans le nettoyage – et entame à 35 ans un tour du Nord des clubs (Capreau Wasquehal, Mons-OM, Fives, Douai). C’est alors que la chance vient frapper à la porte. Ibenge ne la laisse pas passer. "En 2008, alors que j’étais à Douai et employé municipal à Lille, la RDC m’a appelé pour diriger la sélection lors d’un match amical contre la France A’ en Espagne (0-0), en attendant l’arrivée du nouveau sélectionneur (Patrice Neveu, NDLR). Celui-ci, sentant tout le potentiel de l’enfant de Kin, le gardera comme adjoint.

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Mais le vrai début de sa carrière de coach de haut niveau est encore tout chaud. En 2012, Nicolas Anelka, qui vient d’être nommé entraîneur-joueur de Shanghai Shenhua, l’appelle pour venir le seconder dans la mégapole chinoise. "J’ai vite accepté, car j’avais compris qu’entraîner au haut niveau en France pour un Africain, c’est très compliqué. On te dit que tu travailles bien, mais on ne te fait pas confiance… Il n’y a qu’à regarder combien d’entraîneurs noirs ont dirigé des équipes de Ligue 1 ces dernières années : Tigana, Makelele, Daf et Kombouaré…"

Question d’adaptation

Avant de rejoindre Anelka en Chine, Ibenge avait envoyé son CV dans plusieurs pays africains (Congo, Cameroun, Burkina Faso) et en RDC, à l’AS Vita Club et au DC Motema Pembe, l’autre grand club de Kinshasa, sans recevoir de réponse. "J’avais écrit à la CAF pour demander comment un Africain expatrié devait faire pour travailler en Afrique", s’amuse-t-il. Le hasard des rencontres lui permettra d’y parvenir, lors de ses vacances kinoises suivant son départ de Chine. Une discussion avec les dirigeants de l’AS Vita Club, présidé par le général Gabriel Amisi, un des proches de Joseph Kabila, le fait revenir dans sa ville natale, quarante ans plus tard.

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"J’ai tout de suite accepté, sans rien ignorer des difficultés du pays. Je suis arrivé avec des méthodes de travail européennes. Tout est une question de dosage, d’adaptation", explique-t-il. Et les résultats sont là. En un an et demi, Ibenge a fait de l’AS Vita Club, engagé cette année en Coupe de la CAF, le principal concurrent du TP Mazembe sur la scène locale. Les Léopards ont quant à eux fait vibrer tout un peuple jusqu’en demi-finale de la CAN. Juste six mois après sa nomination à leur tête. Aujourd’hui, Ibenge est convoité par plusieurs clubs en Afrique du Nord et en Chine. Mais son ambition est de s’inscrire dans la durée en RDC. "Et de gagner une CAN, en 2017 ou en 2019."

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