Algérie : la tentation du gaz de schiste

Le gouvernement algérien est désormais décidé à exploiter le gaz de schiste. Un choix controversé, sur fond de révision prochaine de la réglementation.

L’État destine sa future production essentiellement à l’exportation. © Glez

L’État destine sa future production essentiellement à l’exportation. © Glez

Publié le 30 juin 2012 Lecture : 3 minutes.

L’engouement américain pour le gaz de schiste a fait des émules. À son tour, l’Algérie a décidé de s’engager ouvertement dans l’exploitation de cette ressource énergétique. Un choix confirmé début juin par l’annonce du forage d’un premier puits à Ahnet, dans la région d’In Salah. Dévoilée par un haut responsable de Sonatrach, lors de la conférence mondiale du gaz à Kuala Lumpur, cette future exploitation est essentiellement destinée à l’exportation.

Le changement de position du gouvernement algérien s’est fait par étapes. Des responsables politiques – au premier rang desquels le ministre de l’Énergie, Youcef Yousfi, en mars 2011 – ont d’abord fait état de l’intérêt du pays pour le gaz de schiste. Un accord a ensuite été signé en avril 2011 entre le groupe italien ENI et Sonatrach – qui a annoncé son intention d’investir 9,5 milliards d’euros dans les cinq ans pour en rechercher les gisements afin de lancer la production – en vue d’évaluer le potentiel du pays dans ce domaine. Enfin, en décembre dernier, la révision à venir de la loi sur les hydrocarbures, qui devrait prendre en compte la question de l’exploitation du fameux gaz, a été programmée. « Ces trois éléments démontrent que l’Algérie a décidé de ne pas être la dernière dans la course au gaz de schiste », souligne Francis Perrin, directeur de la rédaction de Pétrole et gaz arabes. Des perspectives qui n’ont pas échappé aux sociétés pétrolières étrangères. Outre ENI, Total et Royal Dutch Petroleum (Shell) ont fait part de leur intérêt pour cette manne algérienne. « Les compagnies qui travaillent depuis longtemps en partenariat avec Sonatrach suivent de très près les éventuelles inflexions de la politique énergétique du pays », précise-t-il.

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Précipitation

Le pays disposerait d’une réserve estimée à 2 500 milliards de mètres cubes exploitables.

Cet engouement soudain pour le gaz de schiste est à mettre sur le compte d’une étude de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) indiquant que l’Algérie disposerait d’une réserve estimée à 2 500 milliards de mètres cubes exploitables. Autant que la réserve de gaz conventionnel récupérable. « Avec l’Afrique du Sud et la Libye, l’Algérie est donc l’un des principaux bassins de gaz de schiste du continent africain », explique le professeur Chems Eddine Chitour, ingénieur en génie chimique et enseignant à l’École polytechnique d’Alger. Pour lui, il serait imprudent de s’engager « tête baissée » dans l’exploitation de cette ressource.

« Les autorités algériennes envisagent de lourds investissements dans le développement des gaz de roche-mère. La fracturation hydraulique, technique permettant d’exploiter ce gaz, est polluante, onéreuse, et risque de provoquer des séismes du fait de la déstabilisation de la couche du sous-sol. Il serait préférable de patienter et de consacrer les efforts au développement des énergies renouvelables », note-t-il. Un avis que partage en partie Abdelhakim Bentellis. Ce professeur en géophysique à la faculté des sciences de la terre de l’université Houari-Boumédiène d’Alger, qui estime nécessaire d’attendre le développement de nouvelles technologies d’exploitation, se montre plutôt rassurant quant à l’impact environnemental de cette extraction, à condition que le procédé d’extraction soit étroitement contrôlé.

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Les hydrocarbures représentent :

95% des exportations algériennes

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30% du PIB algérien

« Les effets sur la faune, la flore et les ressources aquifères seraient minimes. Il y a peu de risques, notamment pour la nappe de l’Albien, séparée de la roche-mère où se situe le gaz par une série de couches imperméables. Nous devons connaître notre potentiel en gaz de schiste, mais nous devons surtout poursuivre la recherche dans les ressources conventionnelles. Les potentialités sont encore très importantes. »

Reste que l’Algérie ne dispose toujours pas de législation permettant son exploitation. Le texte doit être présenté devant le Parlement à l’automne. Les représentants devront adopter les règles qui régiront le partenariat entre Sonatrach et les compagnies étrangères. Ils devront surtout entériner la mise en oeuvre d’un système fiscal adapté. Assurer une certaine attractivité du gaz de schiste algérien sans brader cette ressource, voilà tout l’enjeu de cette nouvelle loi.

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