Fred Swaniker : « Le secteur privé peut aider l’Afrique à entrer dans l’économie mondiale du savoir »

Pour Fred Swaniker, co-fondateur de l’African Leadership Academy, en alliant innovations pédagogiques et nouvelles technologies, le secteur privé peut contribuer à révolutionner l’enseignement sur le continent.

Vue d’une salle de classe de l’African leadership Academy, en Afrique du Sud. © DR

Vue d’une salle de classe de l’African leadership Academy, en Afrique du Sud. © DR

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  • Fred Swaniker

    Fred Swaniker est fondateur et président exécutif de l’African Leadership Academy.

Publié le 6 novembre 2015 Lecture : 4 minutes.

Au moment où le monde entier progresse vers une économie généralisée de la connaissance, l’Afrique court le risque de la stagnation, voire du déclin.

Depuis le lancement des OMD, le taux net de scolarisation dans le primaire en Afrique subsaharienne a nettement progressé et se situe un peu en dessous de 80 %.

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Pourtant, privés des financements dont bénéficie l’enseignement primaire, les établissements du secondaire et du supérieur ont vu leur nombre de places augmenter très lentement.

Chaque année, des millions d’enfants dans toute l’Afrique sortent de l’école primaire sans être en mesure de poursuivre ailleurs leur éducation. La scolarisation dans le secondaire au sud du Sahara continue de stagner aux alentours de 36 %, tandis que dans l’enseignement supérieur demeure à 8 % seulement.

Par ses investissements dans l’enseignement secondaire et l’université, le secteur privé a la possibilité de remédier, au moins en partie, aux problèmes qui se posent à l’Afrique en matière d’éducation, notamment par le recours aux nouvelles technologies.

Ce texte est adapté d’une tribune de Fred Swaniker publiée par Secteur Privé & développement, le blog de Proparco, filiale de l’Agence française de développement. Il est repris ici avec l’autorisation expresse de SP&D. Retrouvez sur le site de SP&D la version complète de ce témoignage et de nombreuses contributions d’acteurs du secteur privé sur leurs réponses aux problématiques des pays en développement.

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Innovation technologique

Utilisée à bon escient, l’innovation technologique peut en effet contribuer à élever le niveau général à toutes les étapes de la scolarité, tout en réduisant les coûts.

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Avec plus de 100 000 étudiants au Kenya, le modèle développé par le réseau Bridge International Academies, et baptisé Academy-in-a-Box (que l’on pourrait traduire par « l’école tout en un »), traite toutes les démarches administratives liées à la scolarité, y compris la gestion des budgets et des inscriptions, via une application sur smartphone. Les contenus académiques et la formation des professeurs sont eux aussi mis à disposition sur les tablettes électroniques portables remises au corps enseignant.

Au Ghana, le réseau éducatif Omega, qui compte actuellement 20 000 étudiants, a adopté un dispositif analogue. Il utilise des programmes d’enseignement normalisés qu’il combine avec un système innovant d’utilisation à la carte, fondé sur une facturation à la journée de 0,75 dollar, comprenant le prix du déjeuner, un uniforme, un sac à dos et des manuels scolaires.

Le réseau SPARK, en Afrique de Sud, opère actuellement quatre écoles à Johannesburg, combinant l’enseignement « présentiel » et l’enseignement à distance. Les étudiants alternent des cours classiques d’apprentissage de la lecture, des langues et des mathématiques avec des sessions quotidiennes de 90 minutes dans un laboratoire informatique, où ils travaillent sur des logiciels d’entraînement aux maths et à la lecture. Cela réduit la charge d’enseignement des professeurs, tout en maximisant pour les élèves les opportunités d’acquisition des connaissances.

Meilleur parti

Les cas évoqués plus haut montrent bien que des initiatives sont d’ores et déjà à l’œuvre pour tirer le meilleur parti de la technologie et offrir à l’Afrique un enseignement secondaire de qualité, à un coût réduit.

Les exemples sont en revanche nettement moins nombreux en matière d’enseignement supérieur.

On peut citer parmi eux celui de l’African Leadership University (ALU), une initiative récente qui vise à bâtir, sur tout le continent, vingt-cinq universités, dont chacune pourra inscrire jusqu’à 10 000 étudiants. Pour le lancement de son premier campus, à la rentrée 2015, le cursus académique sera alimenté et enrichi par quelques-unes des meilleures universités au monde, des entreprises partenaires et divers organismes de recherche.

Ce dispositif sera complété par l’intervention sur place d’animateurs qui disposeront d’outils leur permettant de déterminer, semaine après semaine, ce que les étudiants assimilent et ce qui, au contraire, leur pose problème, pour permettre aux formateurs d’adapter leur enseignement en conséquence.

Moment charnière

Il est aujourd’hui essentiel de compléter et d’ajuster le modèle occidental d’enseignement supérieur par des approches innovantes, adaptées au contexte africain et adopter une approche analogue à celle qu’a employée le secteur de la téléphonie : les opérateurs africains ont sauté l’étape du téléphone fixe et ont directement obtenu l’un des plus forts taux de pénétration du mobile au monde.

Les investisseurs se trouvent aujourd’hui à un moment charnière de l’histoire : comme ceux qui, les premiers, ont compris les promesses que recelait le développement du téléphone mobile dans l’Afrique de la fin des années 1990, ils se voient offrir une belle opportunité d’apporter une réponse – nécessaire – à un problème sociétal prioritaire, tout en dégageant une excellente rentabilité de leur investissement.

Le Brésil a montré que c’était possible. Le groupe d’enseignement privé Kroton forme aujourd’hui un million et demi d’étudiants brésiliens à un coût modéré, par l’utilisation judicieuse des nouvelles technologies et par la combinaison de cours dispensés sur ses campus et de cours en ligne. Son chiffre d’affaires annuel avoisine les 2 milliards de dollars, tandis que sa capitalisation boursière atteint 8 milliards de dollars ; les performances boursières enregistrées ces derniers temps par l’entreprise comptent parmi les meilleures de l’indice brésilien.

Investir dans l’avenir de la jeunesse africaine n’a jamais été plus important qu’aujourd’hui, et le secteur privé est idéalement positionné pour faire entrer l’Afrique dans l’économie mondiale du savoir, en libérant le potentiel de cette jeunesse africaine pleine de promesses. Non seulement les investisseurs peuvent, ce faisant, enregistrer d’excellentes performances financières, mais ils peuvent aussi changer, à jamais, le destin d’un continent tout entier.

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