« Au Burundi, nous ne combattons pas seulement un homme mais tout le système »

Marie-Louise Baricako, présidente de l’association Des femmes et filles pour la paix et la sécurité au Burundi, réagit au climat d’insécurité qui règne au Burundi. Interview.

Des passants du quartier de Nyakabiga se rassemblent autour de cadavres, le 12 décembre 2015. © AP/SIPA

Des passants du quartier de Nyakabiga se rassemblent autour de cadavres, le 12 décembre 2015. © AP/SIPA

Publié le 18 décembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Après avoir longtemps milité pour le droit des femmes, Marie-Louise Baricako, la présidente de Des femmes et filles pour la paix et la sécurité au Burundi, a été contrainte à fuir le pays suite au climat d’insécurité qui y prévaut depuis plusieurs mois. Elle dresse un bilan critique de la situation et déplore le manque de leadership éthique dans son pays.

Jeune Afrique : Il y a une semaine, le Burundi a vécu l’une des journées les plus sanglantes depuis le début de la nouvelle crise qui le secoue. Savez-vous ce qui s’est passé lors de ce fameux «vendredi noir» à Bujumbura ?

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Marie-Louise Baricako : Il est difficile de décrire ce qui s’est passé ce jour-là, tant la confusion a régné à Bujumbura. Il nous a été dit qu’il y a eu des attaques dans des camps militaires, mais la situation a très vite dégénéré dans les quartiers dits contestataires, qui ont été attaqués. C’est dans ces quartiers qu’on a retrouvé des cadavres. Le peuple est meurtri, personne ne bouge, la ville est sous silence. Il y a la peur, la hantise de la mort, et on ne sait pas quelle sera la prochaine étape.

La situation au Burundi est dramatique, elle l’a été ce jour-là et elle va le rester parce que quand il n’y a pas d’information, on s’imagine tout…

Les craintes d’une généralisation des discours de haine se multiplient. Pensez-vous que les Burundais y soient sensibles ?

La diffusion des discours de haine fait partie d’une stratégie de manipulation de la population. Mais il ne faut pas oublier que c’est la population qui est descendue dans la rue pour manifester contre un troisième mandat de Pierre Nkurunziza. Elle a crié haut et fort qu’il ne s’agissait pas d’un problème de Hutus ou de Tutsis. Pour le moment, ces discours de haine n’ont pas encore pénétré au sein de la population. Notre crainte, c’est qu’ils finissent par prendre car les blessures n’ont pas encore bien cicatrisé. L’accord d’Arusha a été négligé et il n’a pas permis aux Burundais de tourner la page définitivement.

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Autour de quoi s’articule la crise burundaise aujourd’hui ?

Le peuple burundais a déjà réalisé que son ennemi n’était ni le Hutu ni le Tutsi. Son ennemi, ce sont les conditions dans lesquels il vit, dans lesquelles on le maintient. Son ennemi, c’est la mauvaise gouvernance, la politique basée sur l’exclusion, la pauvreté, la corruption… Le troisième mandat n’est d’ailleurs pas le coeur du problème. Si Pierre Nkurunziza partait aujourd’hui sans qu’on change le système, cela ne changerait rien. C’est une histoire sans fin…

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Depuis le début de la crise, les accords d’Arusha sont souvent mentionnés. Leur restauration serait-elle une partie de la solution ?

Je ne crois pas que ces accords soient un outil parfait, mais c’est au moins un document sur lequel tous ceux qui étaient à Arusha se sont entendus. La première faille est que ces accords n’ont pas été porté à la connaissance de la population pour qu’elle puisse se les approprier. La deuxième faille réside dans le fait que ceux qui ont eu la charge de diriger le Burundi depuis leur signature ne se sont pas engagés à les respecter.

On ne peut pas aller en deçà de ces accords. Pour l’opinion publique, c’est un principe qui ne peut être violé. Donc oui, leur restauration fait intégralement partie de la solution à la crise actuelle.

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