Jean-François Fichaux : « Le réseau de BNP Paribas au sud du Sahara n’est pas à vendre »

Le groupe français BNP Paribas, qui s’est désengagé de Mauritanie et de Madagascar, n’a pas l’intention de quitter l’Afrique. La preuve ? Il vient de lancer un nouveau produit dans quatre pays du continent. Interview du responsable Afrique du groupe.

Jean-François Fichaux est le responsable Afrique de la banque française. © Vincent Fournier/J.A.

Jean-François Fichaux est le responsable Afrique de la banque française. © Vincent Fournier/J.A.

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 24 février 2012 Lecture : 5 minutes.

Confronté à des rumeurs annonçant son départ de certains pays subsahariens, BNP Paribas veut montrer qu’il est bien présent sur le continent : alors que le groupe ne s’intéressait qu’au marché des entreprises, il lance des produits pour attirer les particuliers qui n’ont pas accès aux services bancaires. Après avoir dirigé ses filiales au Sénégal puis en Côte d’Ivoire, Jean-François Fichaux, responsable Afrique depuis octobre 2010, réaffirme les ambitions africaines de la banque.

Jeune Afrique : Après la cession de vos filiales en Mauritanie et à Madagascar, les commentaires oscillent entre votre départ du continent et l’élaboration d’une nouvelle stratégie au sud du Sahara. Où en êtes-vous exactement ?

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Jean-François Fichaux : Notre stratégie actuelle est de nous renforcer dans nos six pays d’implantation, en élargissant notre offre pour toucher de nouvelles clientèles [le groupe, qui ne veut pas communiquer sur ce sujet, a cédé certaines filiales parce qu’il n’y était pas majoritaire et ne pouvait donc pas appliquer sa stratégie, NDLR].

Pourtant, il était récemment question de discussions pour la cession de certaines de vos filiales subsahariennes…

Non, nous n’avons plus de programme de vente de notre réseau. Nous disposons aujourd’hui d’un bel ensemble subsaharien homogène qui donne des résultats satisfaisants et présente de réelles opportunités. La preuve : nous lançons de nouveaux produits innovants qui paieront dans deux ou trois ans.

Vous venez en effet de lancer, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Mali et au Sénégal, Pack Trankil, un produit destiné aux populations non bancarisées. Quelle logique suivez-vous ?

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C’est un produit simple qui consiste en un compte courant et une carte de retrait à un prix très compétitif de 1 000 F CFA [1,52 euro]. L’offre est destinée aux populations qui ont un revenu modeste et qui ont rarement accès à des services bancaires.

Notre stratégie actuelle est de nous renforcer dans nos six pays d’implantation.

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Ce nouveau produit va élargir considérablement le nombre de nos clients sur ces marchés.

Pourquoi ne lancer ce produit que dans quatre pays ?

Parce que ces pays sont dans une zone économique homogène, avec un même système monétaire, et que notre ancrage y est ancien. Nous avons donc jugé judicieux d’y tester notre nouvelle approche, mais il sera possible de l’étendre ensuite.

BNP Paribas était jusque-là plutôt tourné vers les grands clients commerciaux et leurs salariés. N’est-ce pas là un changement de stratégie ?

Nous sommes une banque universelle, notre démarche consiste à atteindre la plus large clientèle possible avec des produits et des services adaptés. C’est vrai, jouer sur le nombre est nouveau pour nous en Afrique, mais c’est en droite ligne avec ce que nous faisons déjà au niveau mondial en matière de banque de détail. Mon prédécesseur, Amadou Kane, avait commencé à revisiter notre business model ; c’est sur la base de son travail que nous avons décidé de renforcer nos offres.

Vous repositionnez-vous aussi pour vous démarquer de la concurrence, qui devient de plus en plus rude ?

On ne peut pas rester statique dans un marché qui bouge, sinon on régresse. Nous avons des positions solides, puisque nous comptons parmi les trois premiers de chaque marché où nous sommes présents. Pour conserver nos positions, il nous faut rester innovants. Les taux de croissance annoncés sur nos marchés sont bons – entre 5 % et 6 %, voire même 8 % en Côte d’Ivoire -, la gestion des économies s’est nettement améliorée ces dernières années, l’inflation est maîtrisée. Nous ne faisons que nous adapter à ces évolutions.

Allez-vous étendre votre réseau pour vous rapprocher de la nouvelle clientèle visée ?

Nous allons le compléter. Nous avons déjà une centaine d’agences dans ces quatre pays. Ce chiffre va probablement être augmenté de quelques dizaines de points de vente dans les deux ans qui viennent. Pour une meilleure couverture du territoire, nous pourrons être amenés à opérer des ajustements en termes d’organisation, parce que nous allons vers une clientèle dont il faut rester proche. Il nous faudra aussi adapter nos équipes dévolues à ce type de clientèle.

Comptez-vous réaliser des acquisitions sur ces marchés pour aller plus vite ?

Notre objectif premier est de nous développer par croissance interne, aussi bien dans les services aux clients particuliers et professionnels que vers les entreprises. Cela dit, si des opportunités nous paraissent intéressantes et complémentaires à ce que nous faisons déjà, nous les étudierons.

Quel retour attendez-vous de votre nouvelle approche ?

Nous travaillons pour l’avenir. Certes, avec Pack Trankil, on ne va pas perdre de l’argent, mais on n’attend pas un retour très important non plus, du moins dans l’immédiat. Ce que nous espérons, c’est qu’avec l’amélioration du niveau de vie, ces nouveaux clients, d’ici deux ou trois ans, seront ouverts à d’autres produits qui seront adaptés à leurs besoins. 

En 2008, vous avez lancé un service de paiement mobile, Orange Money. Quel bilan dressez-vous quatre ans plus tard ?

En termes d’ouvertures de comptes, on a dépassé les objectifs qu’on s’était fixés [2,4 millions de comptes ont été ouverts en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Mali]. En revanche, au niveau des transactions, cela ne progresse pas comme dans certaines zones du monde – Philippines, Kenya ou encore au Botswana. Mais nous avançons. Lancé en Côte d’Ivoire, le produit est désormais disponible au Sénégal et au Mali, et, dans quelques semaines, en Guinée !

Des réformes ont été menées dans les secteurs bancaires de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, notamment au Nigeria. Avez-vous été tenté par des opportunités ?

Nous avons été, à une certaine époque, l’actionnaire de référence de United Bank for Africa [jusqu’en 1998]. Le Nigeria est donc un marché que nous connaissons très bien. Mais nous ne sommes plus dans une démarche d’acquisition. Pour l’instant, nous observons de loin des pays comme le Ghana et le Nigeria. Mais il n’est pas exclu qu’on s’y intéresse de près dans l’avenir.

En raison de la crise, les banques occidentales sont soumises à des règles plus contraignantes les obligeant à renforcer leurs fonds propres. Quel impact auront ces nouvelles mesures sur vos activités en Afrique ?

Il n’y en aura pas vraiment. Le groupe n’est pas engagé dans des opérations se chiffrant en centaines de milliards en Afrique. Notre réseau sur le continent est important en termes de devenir, mais pour l’instant son poids est réduit par rapport à la taille du groupe.

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