Afrique du Sud : qui sont les Gupta, ces riches industriels soupçonnés de vouloir influencer Zuma ?

Proches de Jacob Zuma et à la tête d’un véritable empire industriel, les Gupta sont soupçonnés d’avoir orchestré en lieu et place du président sud-africain la nomination des membres de son cabinet. Depuis plusieurs jours, ils défraient la chronique au rythme des révélations qui se succèdent.

Mariage de Vega Gupta et de Aakash Jahajgarhia, au Sun City’s Palace, en Afrique du Sud,  le 2 mai 2013 © AP / SIPA

Mariage de Vega Gupta et de Aakash Jahajgarhia, au Sun City’s Palace, en Afrique du Sud, le 2 mai 2013 © AP / SIPA

Publié le 22 mars 2016 Lecture : 3 minutes.

Cette fois, la puissante famille d’hommes d’affaires d’origine indienne, arrivée en Afrique du Sud dans les années 1990, est carrément soupçonnée d’ingérence. Le 16 mars dernier, Mcebisi Jonas, vice-ministre des Finances, accuse des membres de la famille Gupta de lui avoir proposé le poste de ministre des Finances pour remplacer le respecté Nhlanhla Nene, limogé sans aucune raison officielle en décembre 2015.

Révélations en chaîne

Deux jours plus tôt, Vytjie Mentor, une ancienne député du Congrès national africain (ANC, parti au pouvoir) a déclaré qu’elle s’était ainsi vu proposer le poste de ministre des Entreprises publiques. La condition était que « j’abandonne la liaison aérienne South African Airlines (compagnie aérienne parapublique) vers l’Inde et que je la leur donne », ce à quoi elle s’était refusé, a-t-elle expliqué dans un commentaire publié sur Facebook, retiré depuis.

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Le 18 mars, c’est au tour de Zola Tsotsi, l’ex-président d’Eskom de confier au Mail and Guardian que sa démission il y a un an avait été orchestrée par les Gupta. « Deux mois après sa nomination ils m’ont appelé et m’ont dit qu’ils me feraient virer parce que je ne jouais pas le jeu », a-t-il déclaré à l’hebdomadaire sud-africain.

Une famille arrivée d’Inde dans les années 1990

À la tête de l’empire Gupta, trois frères : Atul, Rajesh (connu aussi sous le nom de Tony) et Ajay. Tous dans la quarantaine. Originaires de Saharanpur, ville située dans l’Uttar Pradesh, un état du nord de l’Inde, ils se sont installés en Afrique du Sud en 1993, un an avant l’abolition de l’apartheid.

Leur père y avait d’abord envoyé Atul, l’aîné, persuadé que l’Afrique allait devenir « l’Amérique du monde », raconte le porte-parole de la famille Gupta, Haranath Ghosh, cité par la BBC. À son arrivé, il implante Sahara Computers, l’entreprise de leur parents, spécialisée dans l’informatique.

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Du business familial fondé sur l’informatique à l’empire industriel

Depuis, les frères Gupta ont étendu le business familial à l’industrie minière, à l’immobilier, à l’aviation, au tourisme et, plus récemment aux médias. Ainsi, en 2010, ils lancent leur propre quotidien, The New Age, réputé proche du pouvoir et grâce auxquels ces derniers jours, ils répondent aux allégations dont ils font l’objet, tout comme à travers leur chaîne d’information ANN7.

Au total, leur empire générerait 5 milliards de rands (289 millions d’euros) par an. Leur QG, une somptueuse et gigantesque résidence, se trouve au 7 Saxonwold Drive, le quartier huppé de Johannesburg, la capitale économique.

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La résidence des Gupta, au 7 Saxonwold Drive, à Johannesburg, en Afrique du Sud © Google Street View (capture écran)

La résidence des Gupta, au 7 Saxonwold Drive, à Johannesburg, en Afrique du Sud © Google Street View (capture écran)

Leurs liens avec Jacob Zuma

Leur première rencontre avec Jacob Zuma remonte à 2001, avant que celui-ci n’accède à la présidence. Le président sud-africain n’a jamais caché son amitié avec les Gupta, ni les liens qui unissent leurs deux familles.

Peu après l’élection de Zuma en mai 2009, sa fille, Duduzile, avait été embauchée par le groupe Sahara. Au même moment, son fils, Duduzane, avait été engagé par Mabengela Investment, conglomérat de la famille Gupta qu’il dirige aujourd’hui aux côtés de Rajesh Gupta et dont il posséderait 45% des parts. Et la liste ne s’arrête pas là puisque sa troisième épouse, Bongi Ngema, a également travaillé pour JIC Mining Services, compagnie minière au sein de laquelle la famille Gupta détient des intérêts.

L’homme d’affaires Atul Gupta (centre), et le président sud-africain Jacob Zuma (à gauche) à à une réception organisée par le quotidien New Age, le 16 mars 2012. © GovernmentZA/Flickr

L’homme d’affaires Atul Gupta (centre), et le président sud-africain Jacob Zuma (à gauche) à à une réception organisée par le quotidien New Age, le 16 mars 2012. © GovernmentZA/Flickr

La société civile et l’opposition accusent régulièrement le clan Zuma et l’empire Gupta de collusion. En mail 2013, le mariage de l’une des filles Gupta, Vega, 23 ans, avait tourné au scandale quand quelque 200 invités à bord d’un jet privé avaient atterri sans « aucune permission de l’armée » à la base militaire de Waterkloof. Une affaire spectaculaire, ne laissant déjà que peu de doutes sur la très grande proximité unissant la riche famille indienne et le président Zuma.

La médiatrice de la République saisie

Encore au mois de février dernier, Mosebenzi Joseph Zwane, le ministre des Ressources minérales a été accusé de favoriser la reprise par la famille Gupta de Optimum Colliery, filiale active dans le charbon sud-africain du groupe Glencore, à l’occasion d’un voyage en Suisse.

Jacob Zuma n’est pas le seul chef d’État sud-africain dont la famille Gupta serait proche. Elle est très liée à Essop Pahad, fondateur et directeur de publication du Thinker dans lequel elle a d’ailleurs massivement investi. Ministre de 1998 à 2008, Pahad est un proche de Thabo Mbeki.

Devant l’ampleur de ce que l’opposition appelle désormais le « Guptagate », la Democratic Alliance (DA), principal parti d’opposition, a décidé de saisir la médiatrice de la République, Thuli Madonsela, le 18 mars dernier. De son côté, le comité exécutif de l’ANC, réuni ce week-end, a (encore) réitéré, sans grande surprise, sa confiance dans le président Zuma, fragilisé par des scandales à répétition.

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