Affaire Hammouchi : la plainte de Zakaria Moumni classée sans suite par la justice marocaine

Dans un arrêt de 72 pages, la justice marocaine a décidé de classer sans suite la plainte déposée il y a deux ans à Paris par le kick-boxeur Zakaria Moumni contre le chef du renseignement marocain, Abdellatif Hammouchi. La décision a été transmise à la justice française en vertu de la nouvelle convention judiciaire qui relie les deux pays.

Abdellatif Hammouchi, numéro 1 du contre-espionnage marocain © DR

Abdellatif Hammouchi, numéro 1 du contre-espionnage marocain © DR

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 25 avril 2016 Lecture : 4 minutes.

La conclusion de la justice marocaine est sans appel. La plainte de Zakaria Moumni contre le numéro 1 du contre-espionnage marocain Abdellatif Hammouchi, l’accusant de faits de torture, ne repose sur aucune preuve tangible. « Il a donc été décidé de classer la dénonciation officielle française », assène le rapport de la justice marocaine, dont Jeune Afrique a obtenu une copie. 

Une plainte qui contient des contradictions

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Le 21 février 2014, le kick-boxeur Zakaria Moumni a déposé une plainte en France par l’intermédiaire de sa défense, les avocats au barreau de Paris Patrick Baudoin et Clémence Bectarte. Dans celle-ci, il affirme avoir été torturé durant quatre jours, sous la supervision directe de Abdellatif Hammouchi. Dans la même plainte, le sportif marocain affirme avoir été victime d’un procès fallacieux pour escroquerie qui s’est soldé par une peine de 3 ans de prison ferme, réduite après cassation à 20 mois, avant qu’il ne soit finalement relaxé en vertu d’une grâce royale.

En vertu du protocole additionnel à la convention judiciaire reliant la France et le Maroc, adopté en juin dernier par l’Assemblée nationale française (après un an de brouille diplomatique), lequel stipule qu’en cas de procédure engagée en France par un ressortissant marocain contre un autre ressortissant marocain sur des faits commis au Maroc, la justice française a transmis la plainte de Zakaria Moumni à la justice marocaine, le 27 mars 2015, afin que celle-ci fasse sa propre enquête et émette une décision.

Dans un arrêt de 72 pages, le procureur général du Roi près la cour d’appel de Rabat a estimé que la version servie par Zakaria Moumni à la justice française contenait de nombreuses contradictions qui remettent en cause sa crédibilité.

Une histoire rocambolesque

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L’histoire commence en 1999 lorsque Zakaria Moumni décroche le titre de champion du monde de Light Contact, une discipline de la boxe thaïlandaise (non reconnue comme une discipline olympique). À l’époque, un décret royal donnait la possibilité aux sportifs marocains ayant obtenu un titre mondial de devenir fonctionnaires au ministère de la Jeunesse et des Sports. Zakaria Moumni dépose alors une demande officielle pour bénéficier de ce privilège.

Le 27 septembre 2010, à sa descente d’avion à l’aéroport Rabat-Salé, Moumni est selon ses dires « enlevé » par quatre personnes relevant de la DGST

Dans les multiples sorties médiatiques où il a raconté ses déboires, le sportif a affirmé avoir rencontré le secrétaire particulier du Roi, Mohamed Mounir Majidi, qui lui aurait promis que son affaire serait réglée positivement. Mais ne voyant rien venir, il continua à pister le roi du Maroc à chaque fois que ce dernier venait séjourner en France. Marié à une Française, Taline, Zakaria Moumni résidait depuis plusieurs années dans l’Hexagone.

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Le 27 septembre 2010, à sa descente d’avion à l’aéroport Rabat-Salé en provenance de Paris, Moumni est selon ses dires « enlevé » par quatre personnes relevant de la Direction générale de la sûreté du territoire (DGST) et emmené au centre secret de Témara, où il aurait subi des actes de torture.

Actes de torture démentis

L’arrêt de la justice marocaine dément cette version. Il indique que le motif de son arrestation était dû au fait qu’il faisait l’objet d’un avis de recherche lancé à son encontre sur la base d’une plainte déposée par deux personnes pour escroquerie. À la suite de quoi, il a été amené au siège de la préfecture de police de Rabat où il a été mis en garde à vue, « en total respect de de la loi en vigueur », et ensuite transféré devant le tribunal de première instance de Rabat pour y être jugé.

Concernant les traces de torture que l’ex-boxeur a fait valoir devant la justice en France, le rapport marocain souligne, sur la base d’un contre-expertise médico-légale, qu’ils ne sont pas reliés à des faits de torture mais plutôt à la nature du sport extrême qu’il exerçait.

La justice marocaine a interrogé les officiers de police qui l’ont auditionné au moment de son arrestation, le staff judiciaire ayant mené son procès, ainsi que ses compagnons de cellule à la prison agricole de Roumani et ensuite à la prison de Salé où il a été transféré (tous ont été cités nommément dans ce rapport). Il ont tous affirmé ne l’avoir jamais entendu parler de torture, ni avoir constaté de traces de violence sur son corps. Bien au contraire, il semblait en forme et exerçait son sport d’une manière régulière.

Hypothèse d’une personnalité paranoïaque

En vertu de quoi, les autorités judiciaires marocaines affirment que « les allégations de Zakaria Moumni ne reposent sur aucun fondement, ni de fait ni de droit, aussi bien au niveau de la prétention d’enlèvement et de détention abusive, qu’au niveau de prétentions d’avoir subi de la torture et du mauvais traitement avant de le traduire en justice ». Elles vont même jusqu’à avancer l’éventualité d’une personnalité paranoïaque sur la base d’un rapport psychiatrique. « Une piste à envisager avec prudence par manque de renseignements suffisants sur la vie de Zakaria Moumni et son développement depuis son jeune âge », peut-on lire dans l’arrêt.

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